pauvre Dumesnil ne sait plus ce qu’elle dit ni ce qu’elle fait… Allons, mademoiselle, prenez votre livre… ». Tandis que mademoiselle, qui ne se presse pas, cherche son livre qu’elle a égaré, qu’on appelle une femme de chambre, qu’on gronde, je continue : « La Clairon est vraiment incompréhensible. On parle d’un mariage fort saugrenu ; c’est celui de mademoiselle… comment l’appelez-vous ? une petite créature que… entretenait, à qui… qui avait été entretenue par tant d’autres. — Allons, Rameau, vous radotez ; cela ne se peut. — Je ne radote point ; on dit même que la chose est faite. Le bruit court que Voltaire est mort ; tant mieux. — Et pourquoi tant mieux ? — C’est qu’il va nous donner quelques bonnes folies ; c’est son usage que de mourir une quinzaine auparavant… » Que vous dirai-je encore ? Je disais quelques polissonneries que je rapportais des maisons où j’avais été, car nous sommes tous grands colporteurs. Je faisais le fou, on m’écoutait, on riait, on s’écriait : « Il est toujours charmant. » Cependant ce livre de mademoiselle s’était retrouvé sous un fauteuil, où il avait été traîné, mâchonné, déchiré par un jeune doguin, ou par un petit chat. Elle
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