Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LUI. — Oui.

MOI. — Et vous n’en saviez rien du tout ?

LUI. — Non, ma foi ; et c’est pour cela qu’il y en avait de pires que moi, ceux qui croyaient savoir quelque chose. Au moins je ne gâtais ni le jugement ni les mains des enfants. En passant de moi à un bon maître, comme ils n’avaient rien appris, du moins ils n’avaient rien à désapprendre, et c’était toujours autant d’argent et de temps épargnés.

MOI. — Comment faisiez-vous ?

LUI. — Comme ils font tous. J’arrivais, je me jetais dans une chaise. « Que le temps est mauvais ! que le pavé est fatigant ! » Je bavardais quelques nouvelles : « Mlle Lemierre devait faire un rôle de Vestale dans l’opéra nouveau, mais elle est grosse pour la seconde fois ; on ne sait qui la doublera. Mlle Arnould vient de quitter son petit comte ; on dit qu’elle est en négociation avec Bertin. Le petit comte a pourtant trouvé la porcelaine de M. de Montami. Il y avait au dernier concert des amateurs une Italienne qui a chanté comme un ange. C’est un rare corps que ce Préville ! il faut le voir dans le Mercure galant ; l’endroit de l’énigme est impayable. Cette