Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tous les deux, et le juif condamné à payer la lettre de change, dont la valeur fut appliquée au soulagement des pauvres. Alors je me séparai de lui ; je revins ici[1].

Quoi faire ? car il fallait périr de misère, ou faire quelque chose. Il me passa toutes sortes de projets par la tête. Un jour, je partais le lendemain pour me jeter dans une troupe de province, également bon ou mauvais pour le théâtre et pour l’orchestre. Le lendemain, je songeais à me faire peindre un de ces tableaux attachés à une perche qu’on plante dans un carrefour, et où j’aurais crié à tue-tête : « Voilà la

  1. Diderot a raconté cette aventure avec quelques changements dans son Voyage de Hollande. (Chapitre de La Police) :
    « Il y avait à la Haye une fort belle courtisane, la fille d’un médecin de Cologne, appelée la Sleenhausen. Un particulier, nommé Vanderveld, en devint amoureux, et lui fit proposer pour une nuit une lettre de change de 1,000 florins. La courtisane, alors entretenue par un chambellan du prince, le baron de Zul, refuse l’argent. L’émissaire de Vanderveld avait une très-jolie femme ; il propose à celui-ci de passer la lettre de change à son profit, et d’accepter sa femme. Vanderveld y consent, le traité s’accomplit ; l’échéance de la lettre de change arrive ; on la présente à Vanderveld, qui méconnaît sa signature. Grand procès, où plusieurs grands coquins se trouvent impliqués, entre autres un notaire chez qui toute cette infamie