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au bout de ma ligne, je lis que je suis un sot, un sot, un sot. Mais le moyen de sentir, de s’élever, de penser, de peindre fortement, en fréquentant avec des gens tels que ceux qu’il faut voir pour vivre ; au milieu des propos qu’on tient et de ceux qu’on entend, et de ce commérage : Aujourd’hui le boulevard était charmant. Avez-vous entendu la petite Marmotte ? elle joue à ravir. M. un tel avait le plus bel attelage gris pommelé qu’il soit possible d’imaginer. La belle madame celle-ci commence à passer. Est-ce qu’à l’âge de quarante-cinq ans on porte une coiffure comme celle-là ? La jeune une telle est couverte de diamants qui ne lui coûtent guère. Vous voulez dire qui lui coûtent… cher ? Mais non. — Où l’avez-vous vue ? — À l’enfant d’Arlequin perdu et retrouvé. La scène du désespoir a été jouée comme elle ne l’avait pas encore été. Le Polichinelle de la foire a du gosier, mais point de finesse, point d’âme. Madame une telle est accouchée de deux enfants à la fois ; chaque père aura le sien… Et vous croyez que cela dit, redit et entendu tous les jours, échauffe et conduit aux grandes choses ?

MOI. — Non ; il vaudrait mieux se renfermer