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de ce qu’il a fait, il s’écria dans le premier moment : « Eh bien ! messieurs, qu’est-ce qu’il y a ?… D’où viennent vos ris et votre surprise ? Qu’est-ce qu’il y a ?… » Ensuite il ajouta : « Voilà ce qu’on doit appeler de la musique et un musicien ! Cependant, messieurs, il ne faut pas mépriser certains airs de Lulli. Qu’on fasse mieux la scène de J’attendrai l’aurore…, sans changer les paroles, j’en défie. Il ne faut pas mépriser quelques endroits de Campra, les airs de violon de mon maître, ses gavottes, ses entrées de soldats, de prêtres, de sacrificateurs ; Pâles flambeaux, Nuit plus affreuse que les ténèbres…, Dieu du Tartare, dieu de l’oubli… » Là il enflait sa voix, il soutenait ses sons ; les voisins se mettaient aux fenêtres, nous mettions nos doigts dans nos oreilles. Il ajoutait : « C’est qu’ici il faut des poumons, un grand organe, un volume d’air. Mais, avant peu, serviteur à l’Assomption ! le Carême et les Rois sont passés. Ils ne savent pas encore ce qu’il faut mettre en musique, ni par conséquent ce qui convient au musicien. La poésie lyrique est encore à naître ; mais ils y viendront à force d’entendre Pergolèse, le Saxon, Terradeglias, Traetta et les autres ; à force de lire Métastase, il faudra bien qu’ils y viennent.