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est au-dessus de mes forces. Voilà comme nous sommes tous : nous n’avons dans la mémoire que des mots, que nous croyons entendre par l’usage fréquent et l’application même juste que nous en faisons ; dans l’esprit que de notions vagues ! Quand je prononce le mot chant, je n’ai pas des notions plus nettes que vous et la plupart de vos semblables, quand ils disent : réputation, blâme, honneur, vice, vertu, pudeur, décence, honte, ridicule.

LUI. — Le chant est une imitation, par les sons, d’une échelle inventée par l’art ou inspirée par la nature, comme il vous plaira, ou par la voix ou par l’instrument, des bruits physiques ou des accents de la passion, et vous voyez qu’en changeant là-dedans les choses à changer, la définition conviendrait exactement à la peinture, à l’éloquence, à la sculpture et à la poésie. Maintenant, pour en venir à votre question, quel est le modèle du musicien ou du chant ? C’est la déclamation, si le modèle est vivant et puissant ; c’est le bruit, si le modèle est inanimé. Il faut considérer la déclamation comme une ligne, et le chant comme une autre ligne qui serpenterait sur la première. Plus cette déclamation, type du