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LUI. — Vous avez l’air soucieux d’un homme tracassé de quelque idée soucieuse.

MOI. — C’est cela…

Après un moment de silence de sa part et de la mienne, pendant lequel il se promenait en sifflant et en chantant, pour le ramener à son talent je lui dis : Que faites-vous à présent ?

LUI. — Rien.

MOI. — Cela est très-fatigant.

LUI. — J’étais déjà suffisamment bête ; j’ai été entendre cette musique de Duni et de nos autres jeunes faiseurs, qui m’a achevé.

MOI. — Vous approuvez donc ce genre ?

LUI. — Sans doute.

MOI. — Et vous trouvez de la beauté dans ces nouveaux chants ?

LUI. — Si j’y en trouve ! pardieu, je vous en réponds. Comme cela est déclamé ! quelle vérité ! quelle expression !

MOI. — Tout art d’imitation a son modèle dans la nature. Quel est le modèle du musicien quand il fait un chant ?

LUI. — Pourquoi ne pas prendre la chose de plus haut ? Qu’est-ce qu’un chant ?

MOI. — Je vous avouerai que cette question