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de la langue d’Allemagne est grand-bailli ; celui de Castille grand-chancellier. La langue d’Angleterre, qui ne subsiste plus depuis le schisme d’Henri VIII. avoit pour chef le turcoporlier ou colonel de cavalerie. La langue de Provence est la premiere, parce que Raymond du Puy, premier grand-maître & fondateur de l’ordre, étoit provençal.

Dans chaque langue il y a plusieurs grands prieurés & bailliages capitulaires. L’hôtel de chaque langue s’appelle auberge, à cause que les chevaliers de ces langues y vont manger & s’y assemblent d’ordinaire. Chaque grand-prieuré a un nombre de commanderies : les commanderies sont ou magistrales, ou de justice, ou de grace. Les magistrales sont celles qui sont annexées à la grande-maîtrise ; il y en a une en chaque grand-prieuré. Voyez Magistrat. Leurs commanderies de justice sont celles qu’on a par droit d’ancienneté, ou par améliorissement. L’ancienneté se compte du jour de la réception, mais il faut avoir demeuré cinq ans à Malte, & avoir fait quatre caravannes ou courses contre les Turcs & les corsaires. Les commanderies de grace sont celles que le grand-maître ou les grands-prieurs ont droit de conserver ; ils en conservent une tous les cinq ans, & la donnent à qui il leur plaît. On compte en France deux cens quarante commanderies de Malte.

Les chevaliers nobles sont appellés chevaliers de justice, & il n’y a qu’eux qui puissent être baillis, grands-prieurs & grands maîtres. Les chevaliers de grace sont ceux qui n’étant point nobles, ont obtenu, par quelques services importans ou quelque belle action, la faveur d’être mis au rang des nobles. Les freres servans sont de deux sortes : 1°. les freres servans d’armes dont les fonctions sont les mêmes que celles des chevaliers ; & les freres servans d’église, dont toute l’occupation est de chanter les louanges de Dieu dans l’église conventuelle, & d’aller chacun à son tour servir d’aumônier sur les vaisseaux & sur les galeres de la religion. Les freres d’obédience sont des prêtres qui, sans être obligés d’aller à Malthe, prennent l’habit de l’ordre, en font les vœux, & s’attachent au service de quelqu’une des églises de l’ordre sous l’autorité d’un grand-prieur ou d’un commandeur auquel ils sont soumis. Les chevaliers de majorité sont ceux qui, suivant les statuts, sont reçus à 16 ans accomplis. Les chevaliers de minorité sont ceux qui sont reçus dès leur naissance ; ce qui ne se peut faire sans dispense du pape. Les chapelains ne peuvent être reçus que depuis dix ans jusqu’à quinze : après quinze ans, il faut un bref du pape ; jusqu’à quinze ans, il ne faut qu’une lettre du grand-maître, on les nomme diaco ; ils font preuves qu’ils sont d’honnête famille, ils payent à leur réception une somme qu’on nomme droit de passage, & qui est de cent écus d’or.

Pour les preuves de noblesse dans le prieuré d’Allemagne, il faut 16 quartiers. Dans les autres, il suffit de remonter jusqu’au bisayeul paternel ou maternel.

Tous les chevaliers sont obligés, après leur profession, de porter sur le manteau ou sur le juste-au-corps, du côté gauche, la croix de toile blanche à huit pointes, c’est la véritable marque de l’ordre.

Les chevaliers de Malte sont reçus dans l’ordre de S. Jean de Jérusalem en faisant toutes les preuves de noblesse requises par les statuts ou avec quelque dispense. La dispense s’obtient du pape par un bref, ou du chapitre général de l’ordre, & est ensuite entérinée au sacré conseil. Les dispenses ordinairement se donnent pour quelques quartiers où la noblesse manque principalement du côté maternel. Les chevaliers sont reçus ou d’âge ou de minorité ou pages du grand-maître. L’âge requis par les statuts est de seize ans complets pour entrer au noviciat à dix-sept ans, & faire profession à dix-huit.

Celui qui souhaite d’être reçu dans l’ordre, doit se présenter en personne au chapitre ou à l’assemblée du grand-prieuré dans l’étendue duquel il est né. Le chapitre du grand-prieuré de France se tient tous les ans au temple à Paris, le lendemain de la S. Barnabé, c’est-à-dire le 12 de Juin, & dure huit jours, & l’assemblée se fait à la S. Martin d’hiver. Le présenté doit apporter son extrait baptistaire en forme authentique ; le mémorial de ses preuves, contenant les extraits des titres qui justifient sa légitimation & sa noblesse, ainsi que celle des quatre familles du côté paternel & maternel. Il doit joindre à ces pieces le blason & les armes de sa famille peint avec ses émaux & couleurs sur du velin. Lorsqu’il est admis, la commission pour faire ses preuves lui est délivrée par le chancelier du grand-prieuré. Si le pere ou la mere ou quelqu’un des ayeux est né dans un autre grand-prieuré, le chapitre donne une commission rogatoire pour y faire les preuves nécessaires.

Ces preuves de noblesse se font par titres & contrats, par témoins & épitaphes, titres, & autres monumens. Les commissaires font aussi une enquête, si les parens du présenté n’ont point dérogé à leur noblesse par marchandise, trafic ou banque ; & il y a à cet égard une exception pour les gentilshommes des villes de Florence, de Sienne & de Lucques, qui ne dérogent point en exerçant la marchandise en gros. Après que les preuves sont faites, les commissaires les rapportent au chapitre ou à l’assemblée ; & si elles y sont admises, on les envoie à Malte, sous le sceau du grand-prieur. Le présenté étant arrivé à Malte, ses preuves sont examinées dans l’assemblée de la langue de laquelle est le grand-prieuré où il s’est présente ; & si elles sont approuvées, il est reçu chevalier, & son ancienneté court de ce jour, pourvu qu’il paye le droit de passage qui est de deux cens cinquante écus d’or, & qu’il fasse profession aussi-tôt après le noviciat, autrement il ne compte son ancienneté que du jour de sa profession, si l’on suit à la lettre les statuts & les reglemens ; mais l’usage est que le retardement de profession ne nuit point à l’ancienneté. On ne peut néanmoins obtenir aucune commanderie sans l’avoir faite. On paye ordinairement le passage au receveur de l’ordre dans le grand-prieuré. Les preuves sont quelquefois rejettées à Malte ; & en ce cas, on rendoit autrefois la somme qui avoit été payée, mais depuis il a été ordonné, par de nouveaux decrets, qu’elle demeureroit acquise au trésor. Outre cette somme, le nouveau chevalier paye aussi le droit de la langue, qui est réglé suivant l’état & le rang où le présenté est reçu.

La réception des chevaliers de minorité qui, en vertu d’une bûlle du grand-maître, sont ordinairement reçus à six ans, & par grace spéciale à cinq ans & au-dessous, exige d’autres formalités. Leur ancienneté court du jour porté par leur bulle de minorité, pourvû que leur passage soit payé un an après. On obtient d’abord le bref du pape à Rome, puis on poursuit l’expédition de la bulle à Malthe, le tout coûte environ 15 pistoles d’or. Le passage est de 1000 écus d’or pour le trésor, avec 50 écus d’or pour la langue, ce qui fait prés de 4000 livres ; on ne les rend point, soit que les preuves soient refusées, soit que le présenté change de résolution, ou meure avant sa réception. Le privilege du présenté de minorité est qu’il peut demander une assemblée extraordinaire pour y obtenir une commission afin de faire ses preuves, ou pour les présenter, sans attendre le chapitre ou l’assemblée provinciale. Il peut aller à Malte dès l’âge de quinze ans y commencer son noviciat & faire profession à seize ; mais il n’est obligé d’y être qu’à vingt-cinq ans pour faire profession à vingt-six au plus tard, à faute de quoi il