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d’une manche d’habit bisarre. Il n’y en a des exemples qu’en Angleterre. Hastinghs, en Angleterre, d’or à une manche mal taillée de gueules.

MALTER, s. m. (Comm.) qu’on prononce plus ordinairement malder, & en françois maldre, est une mesure de continence pour les grans, dont on se sert à Luxembourg. Voyez Malder, Dict. de Commerce.

MALTHA, μαλθη, (Architect.) dans l’antiquité, marque un ciment, ou corps glutineux, qui avoit la faculté de lier les choses les unes aux autres. Voyez Ciment, Lut, Glu.

Les anciens font mention de deux sortes de cimens, le naturel, & le factice ; l’un de ces derniers, qui étoit fort en usage, étoit composée de poix, de cire, de plâtre & de graisse ; une autre espece, dont les Romains se servoient pour plâtrer & blanchir les murs intérieurs de leurs aqueducs, étoit fait de chaux éteinte dans du vin, & incorporée avec de la poix fondue & des figues fraîches.

Le maltha naturel est une espece de bitume avec lequel les Asiatiques plâtrent leurs murailles. Lorsqu’il a une fois pris feu, l’eau ne peut plus l’éteindre, & elle ne sert au contraire qu’à le faire brûler avec plus d’ardeur.

MALTHACODE, s. m. (Pharm.) est un médicament amolli avec de la cire, ou de l’huile. Blanchard.

MALTHE, (Géog.) en grec μελίτη, en latin Melita, île de la mer Méditerranée, entre les côtes d’Afrique, & celle de l’île de Sicile, qui n’en est éloignée que de quinze lieues au septentrion.

Elle a à l’orient la mer Méditerranée qui regarde l’île de Candie, au midi la ville de Tripoli en Barbarie, & à l’occident les îles de Pantalavée, de Linose, & de Lampadouze. Elle peut avoir six ou sept lieues de longueur, sur trois de large, & environ vingt de circuit.

Cluvier croyoit que cette île étoit l’ancienne Ogygie, où la nymphe Calypso demeuroit, & où elle reçut Ulysse avec tant d’humanité, après le naufrage qui lui arriva sur ses côtes. Mais outre qu’Homere nous en fait une description si riante, qu’il est impossible d’y reconnoître Malthe, il ne faut chercher en aucun climat une île fictive, habitée par une déesse imaginaire.

Ptolomée a mis l’isle de Malthe entre celles d’Afrique, soit faute de lumieres, soit qu’il se fondât sur le langage qu’on y parloit de son tems, & que les natifs du pays y parlent encore aujourd’hui ; c’est un jargon qui tient de l’arabe corrompu.

Malthe est en elle-même un rocher stérile, où le travail avoit autrefois forcé la terre à être féconde, quand ce pays étoit entre les mains des Carthaginois ; car lorsque les chevaliers de S. Jean de Jérusalem en furent possesseurs, ils y trouverent des débris de colonnes, & de grands édifices de marbre, avec des inscriptions en langue punique. Ces restes de grandeur étoient des témoignages que le pays avoit été florissant. Les Romains l’usurperent sur les Carthaginois, & y établirent un préfet, πρῶτος, comme il est nommé dans les actes des Apôtres, c. xxviij. v. 7. & comme le prouve une ancienne inscription qui porte πρῶτος Μελιταιῶν ; ce préfet étoit sous la dépendance du préteur de Sicile.

Les Arabes s’emparerent de l’isle de Malthe vers le neuvieme siecle, & le Normand Roger, comte de Sicile, en fit la conquête sur les Barbares, vers l’an 1190. Depuis lors, elle demeura annexée au royaume de Sicile, dont elle suivit toujours la fortune.

Après que Soliman eut chassé les chevaliers de Malthe de l’isle de Rhodes en 1523, le grand maître Villiers-Lisle-Adam se trouvoit errant avec ses religieux & les Rhodiens attachés à eux sans demeure fixe & sans ports pour retirer sa flotte. Il jetta les

yeux sur l’isle de Malthe, & se rendit à Madrid, pour demander à l’empereur qu’il lui plût par une inféodation libre & franche de tout assujettissement, remettre aux chevaliers cette isle, sans lesquelles graces la religion alloit être ruinée.

L’envie de devenir le restaurateur & comme le second fondateur d’un ordre qui depuis plusieurs siecles s’étoit consacré à la défense des chrétiens, & l’espérance de mettre à couvert des incursions des infideles les isles de Sicile & de Sardaigne, le royaume de Naples, & les côtes d’Italie déterminerent Charles-Quint en 1525, à faire présent aux chevaliers de Jérusalem, des isles de Malthe & de Goze, aussi bien que de Tripoli, avec tous les droits honorifiques & utiles. Le pape confirma le don en 1530 ; mais Tripoli fut bien-tôt enlevé à la religion par les amiraux de Soliman.

Les chevaliers de Jérusalem, après leur établissement à Malthe, la fortifierent de toutes parts ; & même quelques-unes de ses fortifications se firent des deniers du grand-maître. Cependant Soliman indigné de voir tous les jours ses vaisseaux exposés aux courses des ennemis qu’il avoit cru détruits, se proposa en 1565 de prendre Malthe, comme il avoit pris Rhodes. Il envoya 30 mille hommes devant la ville, qu’on appelloit alors le bourg de Malthe : elle fut défendue par 700 chevaliers, & environ 8000 soldats étrangers. Le grand-maître Jean de la Valette, âgé de 71 ans, soutint quatre mois le siege ; les Turcs monterent à l’assaut en plusieurs endroits différens ; on les repoussoit avec une machine d’une nouvelle invention ; c’étoient de grands cercles de bois couverts de laine enduite d’eau-de-vie, d’huile, de salpètre, & de poudre à canon ; & on jettoit ces cercles enflammés sur les assaillans. Enfin, environ six mille hommes de secours étant arrivés de Sicile, les Turcs leverent le siége.

Le bourg de Malthe qui avoit soutenu le plus d’assauts, fut appellé la cité victorieuse, nom qu’il conserve encore aujourd’hui. Pierre de Monté grand-maître de l’ordre, acheva la construction de la nouvelle ville, qui fut nommée la cité de la Valette. Le grand-maître Alof de Vignacourt, fit faire en 1616 un magnifique aqueduc pour conduire de l’eau dans cette nouvelle cité. Il fortifia plusieurs autres endroits de l’isle ; & le grand-maître Nicolas Cotoner y joignit encore de nouveaux ouvrages qui rendent Malthe imprenable.

Depuis ce tems-là, cette petite isle brave toute la puissance ottomane ; mais l’ordre n’a jamais été assez riche pour tenter de grandes conquêtes, ni pour équiper des flottes nombreuses. Ce monastere d’illustres guerriers ne subsiste guere que des redevances des bénéfices qu’il possede dans les états catholiques, & il a fait bien moins de mal aux Turcs, que les corsaires d’Alger & de Tripoli n’en ont fait aux chrétiens.

L’isle de Malthe tire ses provisions de la Sicile. La terre y est cultivée autant que la qualité du terroir peut le permettre. On y recueille du miel, du coton, du cumin, & un peu de blé. On comptoit dans cette isle & dans celle de Goze, en 1662, environ 50 mille habitans.

La distance de Malthe à Alexandrie est estimée à 283 lieues de 20 au degré, en cinglant à l’est-sud-est. La distance de Malthe à Tripoli de Barbarie, peut-être de 53 lieues en tirant au sud, un quart à l’ouest.

Dappert a situé Malthe à 49d. de longitude, & à 35d. 10 de latitude. Cette situation n’est ni vraie ni conforme à celle qui a été exactement déterminée par les observations du P. Feuillé, suivant lesquelles la longitude de cette isle est de 33d. 40′. 0″. & sa latitude de 35d. 54′. 33″. (D. J.)