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sont éloignées de la terre ferme, & à 50 lieues du cap Comorin.

Ce fut en 1506 que dom Laurent d’Almeyda, portugais, fils du viceroi des Indes, fit la découverte des Maldives, ensuite les Portugais les ont divisées en treize provinces, qu’ils nomment atollons. La division est naturelle, selon la situation des lieux. Chaque atollon est séparé des autres, & contient une grande multitude de petites îles.

Ptolomée, liv. VII. c. iv. en parlant de ces îles, qu’il met devant celle de Taprobane, dit que de son tems, on vouloit qu’elles fussent au nombre de 1378. Il est certain que le nombre en est grand, quoiqu’il diminue tous les jours par les courans & les grandes marées. Le tout même semble n’avoir autrefois formé qu’une seule île, qui a été partagée en plusieurs. La mer y est pacifique, & a peu de profondeur.

Entre ces îles, il y en a beaucoup d’inhabitées, & qui ne sont couvertes que de gros crabes, & d’oiseaux qu’on nomme pinguy.

Par la position de toutes ces îles, on doit juger que la chaleur y est excessive ; les jours en tout tems y sont égaux aux nuits ; mais les nuits y amenent une rosée abondante, qui les rafraichissent, & qui font qu’on supporte plus aisément la chaleur du jour. L’hiver, qui dure six mois, consiste en pluies perpétuelles, qui fertillisent la terre. Le miel, le riz, & plusieurs sortes de racines croissent aux Maldives en abondance. Le coco y est plus commun qu’en aucun lieu du monde, & la banane y est délicieuse.

La religion des Maldivois est celle de Mahomet ; le gouvernement y est monarchique & absolu ; mais il y regne une bonne coutume bien différente de celle de la Perse, du Japon, & autres états despotiques ; c’est que lorsqu’un seigneur est disgracié, il peut aller tous les jours faire sa cour au roi, jusqu’à ce qu’il rentre en grace ; sa présence desarme le courroux du prince.

On trouve dans ces îles une assez grande police ; les peres y marient leurs filles à dix ans, & la loi permet de reprendre la femme qui a été répudiée. Pyrard vous indiquera leurs autres usages.

On croit que les Maldives ont été autrefois peuplées par les Chingulois ; c’est le nom que l’on donne aux habitans de l’île de Ceylan. Cependant ils ne leur ressemblent guere, car les Chingulois sont noirs & mal-faits, au lieu que les Maldivois sont bien formés & proportionnés, & qu’ils ne different presque des Européens que par la couleur qui est olivâtre. C’est vraissemblablement un peuple mêlé de diverses nations, qui s’y sont établies après y avoir fait nauffrage. Il est vrai que toutes les femmes & les hommes y ont les cheveux noirs, mais l’art y contribue pour beaucoup, parce que c’est une idée de beauté du pays. L’oisiveté & la lasciveté y sont les vices du climat. Le sexe s’y met fort modestement, & s’abandonne aux hommes avec la plus grande ardeur & le moins de retenue. (D. J.)

MALE, s. m. (Gram.) il désigne dans toutes les especes des animaux, le sexe de l’homme dans l’espece humaine. Son opposé ou corrélatif est femelle : ainsi le bélier est le mâle, la brebis est sa femelle. La génération se fait par l’approche du mâle de la femelle. La loi salique ne permet qu’aux mâles de succéder à la couronne. Il y a des plantes mâles & des plantes femelles ; tel est le chanvre. Le mâle dans les especes animales ayant plus de courage & de force que la femelle, on a transporté ce terme aux choses intellectuelles, & l’on a dit, un esprit mâle, un style mâle, une pensée mâle.

Male, (Marine.) il se dit des pentures & gonds, ou des charnieres qui s’assemblent pour tenir le gouvernail suspendu à l’étambord, & sur lesquelles il se meut.

Male, (Ecriture.) s’emploie dans l’écriture, pour exprimer un caractere dont tous les plains sont touchés avec vivacité, & se trouvent dans leur force.

Male, (Géog.) petite île des Indes, qui est la principale & la plus fertile des Maldives, quoique mal-saine & toute couverte de fourmis, qui y sont fort incommodes. Le roi des Maldives réside dans cette île, & y a un palais, dont Pyrard a fait la description. Long. 92. lat. 4. 30. (D. J.)

MALEA, (Géog. anc.) cap de l’île de Lesbos, vis-à-vis de Mitylene, selon Thucydide ; c’est aussi, selon Ptolomée, une montagne de la Taprobane. (D. J.)

MALEBESSE, s. f. (Marine.) espece de hache à marteau, dont on se sert pour pousser l’étoupe dans les grandes coutures.

MALEBRANCHISME, s. m. ou philosophie de Malebranche, (Hist. de la Phil.) Nicolas Malebranche naquit à Paris le 6 Août 1638, d’un secrétaire du roi & d’une femme titrée : il fut le dernier de six enfans. Il apporta en naissant une complexion délicate & un vice de conformation. Il avoit l’épine du dos tortueuse & le sternum très-enfoncé. Son éducation se fit à la maison paternelle. Il n’en sortit que pour étudier la philosophie au college de la Marche, & la théologie en Sorbonne. Il se montra sur les bancs homme d’esprit, mais non génie supérieur. Il entra dans la congrégation de l’Oratoire en 1660. Il s’appliqua d’abord à l’histoire sainte, mais les faits ne se lioient point dans sa tête, & le peu de progrès produisit en lui le dégoût. Il abandonna par la même raison l’étude de l’hébreu & de la critique sacrée. Mais le traité de l’homme de Descartes que le hasard lui présenta, lui apprit tout-d’un-coup à quelle science il étoit appellé. Il se livra tout entier au cartésianisme, au grand scandale de ses confreres. Il avoit à peine trente-six ans lorsqu’il publia sa Recherche de la vérité. Cet ouvrage, quoique fondé sur des principes connus, parut original. On y remarqua l’art d’exposer nettement des idées abstraites, & de les lier ; du style, de l’imagination, & plusieurs qualités très-estimables, que le propriétaire ingrat s’occupoit lui-même à décrier ; la Recherche de la vérité fut attaquée & défendue dans un grand nombre d’écrits. Selon Malebranche, Dieu est le seul agent ; toute action est de lui ; les causes secondes ne sont que des occasions qui déterminent l’action de Dieu. En 1677 cet auteur tenta l’accord difficile de son système avec la religion dans ses Conversations chrétiennes. Le fond de toute sa doctrine, c’est que le corps ne peut être mu physiquement par l’ame, ni l’ame affectée par le corps ; ni un corps par un autre corps, c’est Dieu qui fait tout en tout par une volonté générale. Ces vûes lui en inspirerent d’autres sur la grace. Il imagina que l’ame humaine de Jesus-Christ étoit la cause occasionnelle de la distribution de la grace, par le choix qu’elle fait de certaines personnes pour demander à Dieu qu’il la leur envoye ; & que comme cette ame, toute parfaite qu’elle est, est finie, il ne se peut que l’ordre de la grace n’ait ses défectuosités ainsi que l’ordre de la nature. Il en conféra avec Arnauld. Il n’y avoit guère d’apparence que ces deux hommes, l’un philosophe très-subtil, l’autre théologien très-opiniâtre, pussent s’entendre. Aussi n’en fut-il rien. Malebranche publia son Traité de la nature & de la grace, & aussi-tôt Arnauld se disposa à l’attaquer.

Dans cet intervalle le pere Malebranche composa ses Méditations chrétiennes & métaphysiques ; elles parurent en 1683 : c’est un dialogue entre le Verbe & lui. Il s’efforce à y démontrer que le Verbe est la raison universelle ; que tout ce que voyent les esprits créés, ils le voyent dans cette substance incréée, même les idées des corps ; que le Verbe est donc la