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ce que l’on doit entendre par affection, qui n’est qu’une indisposition légere de peu de durée ou peu importante, que les Grecs appellent πάθος, passio. Telle est une petite douleur instantanée, ou que l’on supporte sans en être presque incommodé ; une déjection de la nature de la diarrhée, mais qui ne se répéte pas souvent & qui est sans conséquence, une verrue, une tache sur la peau, une égratignure ou toute autre plaie peu considérable, qui ne cause aucune lésion essentielle de fonction. On peut éprouver souvent de pareilles indispositions sans être jamais malade.

L’homme ne jouit cependant jamais d’une santé parfaite, à cause des différentes choses dont il a besoin de faire usage, ou qui l’affectent inévitablement, comme les alimens, l’air & ses différentes influences, &c. mais il n’est pas aussi disposé qu’on pourroit se l’imaginer à ce qui peut causer des troubles dans l’économie animale, qui tendent à rompre l’équilibre nécessaire entre les solides & les fluides du corps humain, à augmenter ou à diminuer essentiellement l’irritabilité & la sensibilité, qui, dans la proportion convenable, déterminent & reglent l’action, le jeu de tous les organes, puisqu’il est des gens qui passent leur vie sans aucune maladie proprement dite. Voyez Equilibre, Irritabilité, Sensibilité, Santé, Physiologie.

Ainsi, connoître la nature de la maladie, c’est savoir qu’il existe un défaut dans l’exercice des fonctions, & quel est l’empêchement présent, ou quelles sont les conditions qui manquent ; d’où s’ensuit que telle ou telle fonction ne peut pas avoir lieu convenablement. Par conséquent, pour avoir une connoissance suffisante de ce qu’il y a de défectueux dans la fonction lésée, il faut connoître parfaitement toutes les fonctions dont l’exercice peut se faire dans quelque partie que ce soit & les conditions requises pour cet exercice. Il faut donc aussi avoir une connoissance parfaite, autant que les sens le comportent, de la structure des parties qui sont les instrumens des fonctions quelconques. Car, comme dit Boerhaave (comm. in instit. med. pathol. §. 698.), il faut, par exemple, le concours & l’intégrité de mille conditions physiques pour que la vision se fasse bien, que toutes les fonctions de l’œil puissent s’exercer convenablement, ayez une connoissance parfaite de toutes ces conditions, par conséquent de la disposition qui les établit, & vous saurez parfaitement en quoi consiste la fonction de la vision & toutes ses circonstances. Mais si de ces mille conditions il en manque une seule, vous comprendrez d’abord que cette fonction ne peut plus se faire entierement, & qu’il y a un défaut par rapport à cette millieme partie lésée, pendant que les autres 999 conditions physiques connues, avec les effets qui s’ensuivent restent telles qu’il faut, pour que les fonctions des parties nécessaires à la vision puissent être continuées.

La connoissance de la maladie dépend donc de la connoissance des actions, dont le vice est une maladie : il ne suffit pas d’en savoir le nom, il faut en connoître la cause prochaine : il est aisé de s’appercevoir qu’une personne est aveugle pour peu qu’on la considere ; mais que s’ensuit-il de-là pour sa guérison si elle est possible ? Il faut, à cet égard, savoir ce qui l’a privée de la vue, si la cause est externe ou interne, examiner si le vice est dans les enveloppes des organes de l’œil, ou s’il est dans les humeurs & les corps naturellement transparens qui sont renfermés dans ces enveloppes, ou si c’est dans les nerfs de cette partie. Vous pourrez procurer la guérison de la maladie, si par hasard les conditions qui manquent pour l’exercice de la fonction vous sont connues : mais vous serez absolument aveugle vous-même

sur le choix des moyens de guérir la cécité

dont il s’agit, si le vice qui constitue la maladie se trouve dans le manque de la condition requise qui est l’unique que vous ignorez entre mille. Si au contraire vous connoissez toutes les causes qui constituent la fonction dans son état de perfection, vous ne pouvez manquer d’avoir l’idée de la maladie qui se présente à traiter.

La Pathologie, qui a pour objet la considération des maladies en général, & de tout ce qui est contraire à l’économie animale dans l’état de santé, est la partie théorique de l’art dans laquelle on trouve l’exposition de tout ce qui a rapport à la nature de la maladie, à ses différences, à ses causes & à ses effets, voyez Pathologie ; ce qui vient d’être dit pouvant suffire pour connoître ce qu’on entend par maladie proprement dite, il suffit d’ébaucher l’idée que l’on doit avoir de ce qui la produit.

On appelle cause de la maladie, dans les écoles, tout ce qui peut, de quelque maniere que ce soit, changer, altérer l’état sain des solides & des fluides du corps humain, conséquemment donner lieu à la lésion des fonctions, & disposer le corps à ce dérangement, soit par des moyens directs, immédiats, prochains, soit par des moyens indirects, éloignés, en établissant un empêchement à l’exercice des fonctions, ou en portant atteinte aux conditions nécessaires pour cet exercice.

On distingue plusieurs sortes de causes morbifiques, dont la recherche fait l’objet de la partie de la Pathologie, qu’on appelle aithiologie. Il suffit de dire ici en général, comme il a déja été pressenti, que tout ce qui peut porter atteinte, de quelque maniere que ce soit, à l’équilibre nécessaire entre les parties solides & fluides dans l’économie animale, & à l’irritabilité, à la sensibilité des organes qui en sont susceptibles, renferme l’idée de toutes les différentes causes des maladies que l’on peut adapter à tous les différens systèmes à cet égard, pour expliquer ce que l’on y a trouvé de plus occulte jusqu’à présent, par exemple les qualités, les intempéries des galénistes, le resserrement & le relâchement des méthodistes, les vices de la circulation des hydrauliques, l’excès ou le défaut d’irritation & d’action des organiques-méchaniciens, le principe actif, la nature des autocratiques, des sthaaliens, &c. Voyez Pathologie, Aithiologie, Irritabilité, Sensibilité, Galénisme, &c.

Toute dépravation, dans l’économie animale, qui survient à quelque lésion de fonctions déja établie, est ce qu’on appelle symptome, qui est une addition à la maladie de laquelle il provient comme de sa cause physique. Dans la pleurésie, par exemple, la respiration génée est une addition à l’inflammation de la plêvre, c’est un effet qui en provient, quoique l’inflammation n’affecte pas toute la poitrine : le symptome est une maladie même, entant qu’il est une nouvelle lésion de fonction : mais c’est toujours une dépendance de la lésion qui a existé la premiere, d’où il découle comme de son principe.

La considération de tout ce qui concerne en général les symptomes de la maladie, leur nature, leur différence, est l’objet de la troisieme partie de la Pathologie, qu’on appelle dans les écoles symptomatologie. Voyez Pathologie, Symptomatologie.

Ce sont les différens symptomes qui font toute la différence des maladies qui ne se manifestent que par leur existence sensible, par leur concours plus ou moins considérable. C’est pour déterminer le caractere propre à chaque genre de maladies, d’où on puisse dériver les especes, & fixer en quelque sorte leur variété infinie, que quelques auteurs sentant que la science des Medecins sera en défaut tant qu’il