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doient en foule du tems d’Horace, & y élevoient des bâtimens superbes à l’envi les uns des autres, en sorte qu’il s’y forma en peu de tems au rapport de Strabon, une ville aussi grande que Pouzole, quoique celle-ci fût alors le port le plus considérable de toute l’Italie, & l’abord de toutes les nations.

Mais comme le terrein étoit fort serré d’un côté par la mer, & de l’autre par plusieurs montagnes, rien ne leur coûta pour vaincre ces deux obstacles. Ils raserent les coteaux qui les incommodoient, & comblerent la plus grande partie du golfe, pour trouver des emplacemens que la diligence des premiers venus avoit enlevés aux paresseux. C’est précisément ce que dans Saluste Catilina entend par ces mots de la harangue qu’il fait à ses conjurés pour allumer leur rage contre les grands de Rome, leurs ennemis communs. Quis ferat illis superare divitias quas profundant in extruendo mari, coæquandisque montibus ? Nobis larem familiarem deesse ? Qui est l’homme de cœur qui puisse souffrir que des gens qui ne sont pas d’une autre condition que nous, ayent plus de bien qu’il ne leur en faut pour applanir des montagnes, & bâtir des palais dans la mer, pendant que nous manquons du nécessaire ?

C’est à quoi l’on doit rapporter ces vers de l’Enéide, dans lesquels Virgile, pour mieux représenter la chûte du géant Bitias, la compare à ces masses de pierre qu’on jette dans le golfe de Bayes pour servir de fondations.

Qualis in Euboico Baiarum littore quondam, &c.

Ænéid. l. IX. v. 708.

Qu’un de nos Romains ou Horace se mette en tête qu’il n’y a pas au monde une plus belle situation que celle de Bayes, aussi-tôt le lac Lucrin & la mer de Toscane sentent l’empressement de ce nouveau maître pour y bâtir.

Nullus in orbe sinus Bajis prælucet amœnis,
Si dixit dives, lacus & mare sentit amorem
Festinantis heri.

Ep. j. liv. I. v. 83.

Un grand seigneur, observe ailleurs le même poëte, dédaignant la terre ferme, veut étendre ses maisons de plaisance sur la mer ; il borde les rivages d’une foule d’entrepreneurs & de manœuvres ; il y roule des masses énormes de pierre ; il comble les abîmes d’une prodigieuse quantité de matériaux. Les poissons surpris se trouvent à l’étroit dans ce vaste élément.

Contracta pisces æquora sentiunt
Jactis in altum molibus.

Ode j. liv. III.

Mais ce ne furent pas les seuls poissons de Toscane qui souffrirent de ce luxe ; les laboureurs, les cultivateurs de tous les beaux endroits de l’Italie virent avec douleur leurs coteaux changés en maisons de plaisance, leurs champs en parterres, & leurs prairies en promenades. L’étendue de la campagne depuis Rome jusqu’à Naples, étoit couverte de palais de gens riches. On peut bien le croire, puisque Cicéron pour sa part en avoit dix-huit dans cet espace de terrein, outre plusieurs maisons de repos sur la route. Il parle souvent avec complaisance de celle du rivage de Bayes, qu’il nomme son puteolum. Elle tomba peu de tems après sa mort entre les mains d’Antistius Vetus, & devint ensuite le palais de l’empereur Hadrien qui y finit ses jours, & y fut enterré. C’est-là qu’on suppose qu’il a fait son dernier adieu si célebre par les vers suivans :

Animula, vagula, blandula,
Hospes, comesque corporis,
Quæ nunc abibis in loca
Pallidula, rigida, nudula,
Nec, ut soles, dabis jocos.

(D. J.)

Maisons des Grecs, (Architec. gréq.) Les maisons des Grecs dont nous voulons parler, c’est-à-dire les palais des grands & des gens riches, brilloient par le goût de l’architecture, les statues, & les peintures dont ils étoient ornés. Ces maisons n’avoient point de vestibules comme celles des Romains, mais de la premiere porte on traversoit un passage où d’un côté étoient les écuries, & de l’autre la loge du portier, avec quelques logemens de domestiques. Ce passage conduisoit à une grande porte, d’où l’on entroit dans une galerie soutenue par des colonnes avec des portiques. Cette galerie menoit à des appartemens où les meres de famille travailloient en broderie, en tapisserie, & autres ouvrages, avec leurs femmes ou leurs amies. Le principal de ces appartemens se nommoit thalamus, & l’autre qui lui étoit opposé, anti-thalamus. Autour des portiques il y avoit d’autres chambres & des gardes-robes destinées aux usages domestiques.

A cette partie de la maison étoit jointe une autre partie plus grande, & décorée de galeries spacieuses, dont les quatre portiques étoient d’égale hauteur. Cette partie de la maison avoit de grandes salles quarrées, si vastes qu’elles pouvoient contenir, sans être embarrassées, quatre lits de table à trois siéges, avec la place suffisante pour le service, la musique & les jeux. C’étoit dans ces salles que se faisoient les festins où l’on sait que les femmes n’étoient point admises à table avec les hommes.

A droite & à gauche étoient d’autres petits bâtimens dégagés, contenant des chambres ornées & commodes, uniquement destinées pour recevoir les étrangers avec lesquels on entretenoit les droits d’hospitalité. Les étrangers pouvoient vivre dans cette partie de la maison en particulier & en liberté. Les pavés de tous les appartemens étoient de mosaïque ou de marqueterie. Telles étoient les maisons des Grecs, que les Romains imiterent, & qu’ils porterent au plus haut point de magnificence. Voyez Maisons de l’ancienne Rome. (D. J.)

Maison dorée, la, (Antiq. rom.) C’est ainsi qu’on nommoit par excellence le palais de Néron. Il suffira pour en donner une idée, de dire que c’étoit un édifice décoré de trois galeries, chacune de demi-lieue de longueur, dorées d’un bout à l’autre. Les salles, les chambres & les murailles étoient enrichis d’or, de pierres précieuses, & de nacre de perles par compartimens, avec des planchers mobiles & tournoyans, incrustés d’or & d’ivoire, qui pouvoient changer de plusieurs faces, & verser des fleurs & des parfums sur les convives. Néron appella lui-même ce palais domum auream, cujus tanta laxitas, ut porticus triplices milliarias haberet. In cæteris partibus cuncta auro lita, distincta gemmis unionumque conchis ; erant cœnationes laqueatæ tabulis eburneis versatilibus, ut flores, fistulatis, & unguenta desuper spargerentur.

Domitien ne voulut rien céder à Néron dans ses folles dépenses : du-moins Plutarque ayant décrit la dorure somptueuse du capitole, ajoute qu’on sera bien autrement surpris si on vient à considérer les galeries, les basiliques, les bains, ou les serrails des concubines de Domitien. En effet c’étoit une chose bien étonnante, qu’un temple si superbe & si richement orné que celui du capitole, ne parût rien en comparaison d’une partie du palais d’un seul empereur. (D. J.)

Maison militaire du Roi, c’est en France les compagnies des gardes-du-corps, les gendarmes