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adoptée, & a appliquée de nos jours avec tant de succès à la culture du blé.

D’abord que la tige du maïs a acquis quelque force, les cultivateurs la soutiennent par de la terre qu’ils amoncelent tout autour, & continuent de l’étayer ainsi jusqu’à ce qu’elle ait poussé des épis ; alors ils augmentent le petit côteau & l’élévent davantage, ensuite ils n’y touchent plus jusqu’à la récolte. Les Indiens, pour animer ces mottes de terre sous lesquelles le maïs est semé, y mettent deux ou trois poissons du genre qu’ils appellent aloof ; ce poisson échauffe, engraisse & fertilise ce petit tertre au point de lui faire produire le double. Les Anglois ont goûté cette pratique des Indiens dans leurs établissemens où le poisson ne coûte que le transport. Ils y emploient, avec un succès admirable, des têtes & des tripes de merlus.

Les espaces qui ont été labourés à dessein de détruire les mauvaises herbes, ne sont pas perdus. On y cultive des féverolles qui, croissant avec le maïs, s’attachent à ses tiges & y trouvent un appui. Dans le milieu qui est vuide, on y met des pompions qui viennent à merveille, ou bien après le dernier labour, on y seme des graines de navet qu’on recueille en abondance pour l’hiver quand la moisson du blé d’Inde est faite.

Lorsque le maïs est mûr, il s’agit d’en profiter. Les uns dépouillent sur le champ la tige de son grain ; les autres mettent les épis en bottes, & les pendent dans quelques endroits pour les conserver tout l’hiver : mais une des meilleures méthodes est de les coucher sur terre, qu’on couvre de mottes, de gazon, & de terreau par-dessus. Les Indiens avisés ont cette pratique, & s’en trouvent fort bien.

Le principal usage du maïs est de le réduire en farine pour les besoins : voici comme les Indiens qui ne connoissent pas notre art de moudre s’y prennent. Ils mettent leur maïs sur une plaque chaude, sans néanmoins le brûler. Après l’avoir ainsi grillé, ils le pilent dans leurs mortiers & le sassent. Ils tiennent cette farine dans des sacs pour leurs provisions, & l’emportent quand ils voyagent pour la manger en route & en faire des gâteaux.

Le maïs bien moulu donne une farine qui séparée du son est très-blanche, & fait du très-bon pain, de la bonne bouillie avec du lait, & de bons puddings.

Les médecins du Mexique composent avec le blé d’Inde des tisannes à leurs malades, & cette idée n’est point mauvaise, car ce grain a beaucoup de rapport avec l’orge.

On sait que ce blé est très-agréable aux bestiaux & à la volaille, & qu’il sert merveilleusement à l’engraisser. On en fait aussi une liqueur vineuse, & on en distille un esprit ardent. Les Américains ne tirent pas seulement parti du grain, mais encore de toute la plante : ils fendent les tiges quand elles sont seches, les taillent en plusieurs filamens, dont ils font des paniers & des corbeilles de différentes formes & grandeurs. De plus, cette tige dans sa fraîcheur, est pleine d’un suc dont on fait un sirop aussi doux que celui du sucre même : on n’a point encore essayé si ce sucre se crystalliseroit, mais toutes les apparences s’y trouvent. Enfin le maïs sert aux Indiens à plusieurs autres usages, dont les curieux trouveront le détail dans l’histoire des Incas de Garcilasso de la Véga, l. VIII. c. ix, & dans la description des Indesoccidentales de Jean de Laet. l. VII. c. iij. (D. J.)

Maïs, (Diete & Mat. méd.) voyez Blé de Turquie, & l’article Farine & Farineux.

MAISON, s. f. (Architecture.) du latin mansio, demeure ; c’est un bâtiment destiné pour l’habita-

tion des hommes, & consiste en un ou plusieurs corps-de-logis.

Maison royale, tout château avec ses dépendances, appartenant au Roi, comme celui de Versailles, Marli, Saint-Germain-en-Laye, Fontainebleau, Choisi, Chambor, Compiegne & autres.

Maison-de-ville, voyez Hôtel-de-ville.

Maison de plaisance, est un bâtiment à la campagne, qui est plutôt destiné au plaisir qu’au profit de celui qui le possede. On l’appelle en quelque endroit de France cassine, en Provence bastide, en Italie vigna, en Espagne & en Portugal quinta. C’est ce que les Latins nomment villa, & Vitruve ædes pseudo-urbanæ.

Maison rustique. On appelle ainsi tous les bâtimens qui composent une ferme ou une métairie.

Maison, (Hist. mod.) se dit des personnes & des domestiques qui composent la maison d’un prince ou d’un particulier. Voyez Famille, Domestique.

Maison-de-ville, est un lieu où s’assemblent les officiers & les magistrats d’une ville, pour y délibérer des affaires qui concernent les lois & la police. Voyez Salle & Hôtel-de-ville.

Maison, se dit aussi d’un couvent, d’un monastere. Voyez Couvent.

Ce chef d’ordre étant de maisons dépendantes de sa filiation, on a ordonné la réforme de plusieurs maisons religieuses.

Maison, se dit encore d’une race noble, d’une suite de personnes illustres venues de la même souche. Voyez Généalogie.

Maison, en terme d’Astrologie, est une douzieme partie du ciel. Voyez Dodécatemorie.

Maisons de l’ancienne Rome, (Antiq. rom.) en latin domus, mot qui se prend d’ordinaire pour toutes sortes de maisons, magnifiques ou non, mais qui signifie le plus souvent un hôtel de grand seigneur & le palais des princes, tant en dehors qu’en dedans : c’est, par exemple, le nom que donne Virgile au palais de Didon.

At domus interior regali splendida luxu.

La ville de Rome ne fut qu’un amas de cabannes & de chaumieres, sans en excepter le palais même de Romulus, jusqu’au tems qu’elle fut brûlée par les Gaulois. Ce désastre lui devint avantageux, en ce qu’elle fut rebâtie d’une maniere un peu plus solide, quoique fort irréguliere. Il paroît même que jusqu’à l’arrivée de Pyrrhus en Italie, les maisons de cette ville ne furent couvertes que de planches ou de bardeaux ; les Romains ne connoissoient point le plâtre, dont on ne se sert pas encore à présent dans la plus grande partie de l’Italie. Ils employoient plus communément dans leurs édifices la brique que la pierre, & pour les liaisons & les enduits, la chaux avec le sable, ou avec une certaine terre rouge qui est toujours d’usage dans ce pays-là ; mais ils avoient le secret de faire un mortier qui devenoit plus dûr que la pierre même, comme il paroît par les fouilles des ruines de leurs édifices.

Ce fut du tems de Marius & de Sylla, qu’on commença d’embellir Rome de magnifiques bâtimens ; jusques-là, les Romains s’en étoient peu soucié, s’appliquant à des choses plus grandes & plus nécessaires ; ce ne fut même que vers l’an 580 de la fondation de cette ville, que les censeurs Flaccus & Albinus commencerent de faire paver les rues. Lucius-Crassus l’orateur fut le premier qui décora le frontispice de sa maison de douze colonnes de marbre grec. Peu de tems après M. Scaurus, gendre de Sylla, en fit venir une prodigieuse quantité, qu’il employa à la construction de la superbe maison qu’il