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tinent de l’Amérique, & le détroit de Magellan au sud. Ce détroit est ainsi nommé de Jacques le Maire, fameux pilote hollandois, qui le découvrit le premier l’an 1615. Nous avons la relation de son expédition dans le recueil des voyages de l’Amérique, imprimés à Amsterdam en 1622 in-folio ; mais les détroits de le Maire & de Magellan sont devenus inutiles aux navigateurs ; car depuis qu’on sait que la terre de Feu, del Fuego, est entre ces deux détroits & la mer, on fait le tour pour éviter les longueurs & les dangers du vent contraire, des courans, & du voisinage des terres. (D. J.)

MAIRIE, (Jurisprud.) signifie la dignité ou fonction de maire.

Mairie fonciere, c’est la basse-justice qui appartient aux maire & échevins.

Mairie de France, c’étoit la dignité de maire du palais.

Mairie perpétuelle, c’est la fonction d’un maire en titre d’office.

Mairie royale, est le titre que l’on donne à plusieurs jurisdictions royales ; mairie & prevôté paroissent synonymes, on se sert de l’un ou de l’autre, suivant l’usage du lieu.

Mairie seigneuriale, est une justice de seigneur qui a titre de mairie ou prevôté. Voyez ci-devant Maire. (A)

MAIS, (Botan.) & plus communément en françois blé de Turquie, parce qu’une bonne partie de la Turquie s’en nourrit. Voyez Blé de turquie.

C’est le frumentum turcicum, frumentum indicum, triticum indicum de nos Botanistes. Maïs, maiz, mays, comme on voudra l’écrire, est le nom qu’on donne en Amérique à ce genre de plante, si utile & si curieuse.

Ses racines sont nombreuses, dures, fibreuses, blanches & menues. Sa tige est comme celle d’un roseau, roide, solide, remplie d’une moëlle fongueuse, blanche, succulente, d’une saveur douce & sucrée quand elle est verte, fort noueuse, haute de cinq ou six piés, de la grosseur d’un pouce, quelquefois de couleur de pourpre, plus épaisse à sa partie inférieure qu’à sa partie supérieure.

Ses feuilles sont semblables à celles d’un roseau, longues d’une coudée & plus, larges de trois ou quatre pouces, veinées, un peu rudes en leurs bords. Elles portent des pannicules au sommet de la tige, longues de neuf pouces, grêles, éparses, souvent en grand nombre, quelquefois partagées en quinze, vingt, ou même trente épis penchés, portant des fleurs stériles & séparées de la graine ou du fruit.

Les fleurs sont semblables à celles du seigle, sans pétales, composées de quelques étamines, chargées de sommets chancelans & renfermées dans un calice : tantôt elles sont blanches, tantôt jaunes, quelquefois purpurines, selon que le fruit ou les épis qui portent les graines, sont colorés ; mais elles ne laissent point de fruits après elles.

Les fruits sont séparés des fleurs, & naissent en forme d’épis des nœuds de la tige ; chaque tige en porte trois ou quatre, placés alternativement, longs, gros, cylindriques, enveloppés étroitement de plusieurs feuillets ou tuniques membraneuses, qui servent comme de gaines. De leur sommet il sort de longs filets, qui sont attachés chacun à un embryon de graine, & dont ils ont la couleur.

Les graines sont nombreuses, grosses comme un pois, nues, sans être enveloppées dans une follicule, lisses, arrondies à leur superficie, anguleuses du côté qu’elles sont attachées au poinçon dans lequel elles sont enchâssées. On trouve dans les Indes jusques à quatre ou cinq cens grains sur un même épi, très-serrés, rangés sur huit ou dix rangs, &

quelquefois sur douze ; ces grains sont de différentes couleurs, tantôt blancs, tantôt jaunes, tantôt purpurins, tantôt bruns ou rouges, remplis cependant d’une moëlle farineuse, blanche, & d’une saveur plus agréable & plus douce que celle des autres grains.

Cette plante qui vient naturellement dans l’Amérique, se trouve dans presque toutes les contrées de cette partie du monde, d’où elle a été transportée en Afrique, en Asie & en Europe ; mais c’est au Chili que régnoient autrefois dans le jardin des Incas les plus beaux maïs du monde. Quand cette plante y manquoit, on en substituoit à sa place qui étoient formés d’or & d’argent, que l’art avoit parfaitement bien imités, ce qui marquoit la grandeur & la magnificence de ces souverains. Leurs champs remplis de maïs dont les tiges, les fleurs, les épis, & les pointes étoient d’or, & le reste d’argent, le tout artistement soudé ensemble, présentoient autant de merveilles que les siecles à venir ne verront jamais. (D. J.)

Maïs, (Agricult.) C’est de toutes les plantes celle dont la culture intéresse le plus de monde, puisque toute l’Amérique, une partie de l’Asie, de l’Afrique & de la Turquie, ne vivent que de maïs. On en seme beaucoup dans quelques pays chauds de l’Europe, comme en Espagne, & on devroit le cultiver en France plus qu’on ne fait.

L’épi de maïs donne une plus grande quantité de grains qu’aucun épi de blé. Il y a communément huit rangées de grains sur un épi, & davantage si le terroir est favorable. Chaque rangée contient au moins trente grains, & chacun d’eux donne plus de farine qu’aucun de nos grains de froment.

Cependant le maïs quoiqu’essentiellement nécessaire à la vie de tant de peuples, est sujet à des accidens. Il ne mûrit dans plusieurs lieux de l’Amérique que vers la fin de Septembre, de sorte que souvent les pluies qui viennent alors le pourrissent sur tige, & les oiseaux le mangent quand il est tendre. Il est vrai que la nature l’a revêtu d’une peau épaisse qui le garantit long-tems contre la pluie ; mais les oiseaux dont il est difficile de se parer, en dévorent une grande quantité à travers cette peau.

On connoît en Amérique trois ou quatre sortes de maïs : celui de Virginie pousse ses tiges à la hauteur de sept ou huit piés ; celui de la nouvelle Angleterre s’éleve moins ; il y en a encore de plus bas en avançant dans le pays.

Les Américains plantent le maïs depuis Mars jusqu’en Juin. Les Indiens sauvages qui ne connoissent rien de notre division d’année par mois, se guident pour la semaille de cette plante sur le tems où certains arbres de leurs contrées commencent à bourgeonner, ou sur la venue de certains poissons dans leurs rivieres.

La maniere de planter le blé d’Inde, pratiquée par les Anglois en Amérique, est de former des sillons égaux dans toute l’étendue d’un champ à environ cinq ou six piés de distance, de labourer en-travers d’autres sillons à la même distance, & de semer la graine dans les endroits où les sillons se croisent & se rencontrent. Ils couvrent de terre la semaille avec la bêche, ou bien en formant avec la charrue une autre sillon par-derriere, qui renverse la terre par-dessus. Quand les mauvaises herbes commencent à faire du tort au blé d’Inde, ils labourent de nouveau le terrein où elles se trouvent, les coupent, les détruisent, & favorisent puissamment la végétation par ces divers labours.

C’est, pour le dire en passant, cette belle méthode du labourage du maïs, employée depuis longtems par les Anglois d’Amérique, que M. Tull a