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cellens vins ; ce vignoble commence une vaste plaine, qui produit d’aussi bon froment que celui de la Sicile. Une si belle décoration de terrein a fait appliquer ingénieusement aux Maïorquois ce passage du pseaume, à fructu frumenti & olei sui, multiplicati sunt. Le ciel y est sérain, le paysage diversifié de tous côtés ; un grand nombre de fontaines & de puits dont l’eau est excellente, réparent le manque de rivieres.

Cette île, qu’Alphonse I. roi d’Arragon, a conquise sur les Maures en 1229, n’est séparée de Minorque que par un détroit. Maïorque sa capitale, dont nous parlerons, & Alcudia, en sont les principaux lieux. C’est là qu’on fabrique la plûpart des réales & doubles réales, qui ont cours dans le commerce.

Les Maïorquois sont robustes, & d’un esprit subtil. Leur pays a produit des gens singuliers dans les arts & les sciences. Raimond Lulle y prit naissance en 1225. Ses ouvrages de Chimie & d’Alchimie sont en manuscrits dans la bibliotheque de Leyde. Il parcourut toute l’Europe, & se rendit auprès de Geber en Mauritanie, dans l’espérance d’apprendre de lui quelque remede pour guerir un cancer de sa maîtresse. Enfin il finit ses jours par être lapidé en Afrique, où il alla prêcher le christianisme aux infideles.

Maïorque, (Géogr.) les Latins l’ont connue sous le nom de Palma ; c’est une belle & riche ville, capitale de l’île de même nom, avec un évêché suffragant de Valence. On y compte huit à dix mille habitans, & on loue beaucoup la beauté des places publiques, de la cathédrale, du palais royal, & de la maison de contractation, où se traitent les affaires du commerce. Il y a dans cette ville un capitaine général qui commande à toute l’île, & une garnison contre l’incursion des Maures. Les Anglois prirent Maïorque en 1706, mais elle fut reprise en 1715, & depuis ce tems elle est restée aux Espagnols. Elle est au S. O. de l’île, avec un bon havre, à 29 lieues N. E. d’Ivica, 48 S. E. de Barcelone, 57 E. de Valence. Long. selon Cassini, 20. o. 4. lat. 39. 35. (D. J.)

MAIRRAIN, s. m. (Tonnelier & autres arts méchan.) bois de chêne refendu en petites planches, ordinairement plus longues que larges. Il y a deux sortes de mairrain : l’un qui est propre aux ouvrages de menuiserie ; on l’appelle mairrain à panneaux : l’autre qui est propre à faire des douves & des fonds pour la construction des futailles ; on l’appelle mairrain à futailles.

Le mairrain à futailles est différent, suivant les lieux & les différens tonneaux auxquels on le destine. Celui qu’on destine pour les pipes doit avoir quatre piés, celui pour les muids trois piés, & celui des barriques ou demi-queues, deux piés & demi de longueur ; il doit avoir depuis quatre jusqu’à sept pouces de largeur, & neuf lignes d’épaisseur. Toutes les pieces qui sont au-dessous sont réputées mairrain de rebut.

Le mairrain destiné pour faire des fonds de tonneaux doit avoir deux piés de long, six pouces de large au moins, & neuf lignes d’épaisseur ; celui qui n’a pas ces dimensions, est réputé pareillement effautage ou rebut.

MAIRE, s. m. (Jurisprud.) signifie chef ou premier d’un tribunal ou autre corps politique ; les uns dérivent ce titre de l’allemand meyer, qui signifie chef ou surintendant, d’autres du latin major. Il y a plusieurs sortes de maires, sçavoir :

Maire en charge, s’entend ou d’un maire de ville érigé en titre d’office, ou d’un maire électif qui est actuellement en exercice. Voyez Maire perpétuel, Maire de ville.

Maire du palais, quasi magister palatii seu major domus regiæ, étoit anciennement la premiere dignité

du royaume. Cet office répondoit assez à celui qu’on appelloit chez les Romains préfet du prétoire. Les maires du palais portoient aussi le titre de princes ou ducs du palais, & de ducs de France. L’histoire ne fait point mention de l’institution de cet office, qui est aussi ancien que la monarchie ; il est vrai qu’il n’en est point fait mention sous Clovis I. ni sous ses enfans ; mais quand Gregoire de Tours & Fredegaire en parlent sous le regne des petits-fils de ce prince, ils en parlent comme d’une dignité déja établie. Ils n’étoient d’abord établis que pour un tems, puis à vie, & enfin devinrent héréditaires. Leur institution n’étoit que pour commander dans le palais, mais leur puissance s’accrut grandement, ils devinrent bientôt ministres, & l’on vit ces ministres sous le regne de Clotaire II. à la tête des armées. Le maire étoit tout-à-la fois le ministre & le général né de l’état ; ils étoient tuteurs des rois en bas âge ; on vit cependant un maire encore enfant exercer cet office sous la tutelle de sa mere : ce fut Théodebalde, petit-fils de Pepin, qui fut maire du palais sous Dagobert III. en 714.

L’usurpation que firent les maires d’un pouvoir sans bornes ne devint sensible qu’en 660, par la tyrannie du maire Ebroin ; ils déposoient souvent les rois, & en mettoient d’autres en leur place.

Lorsque le royaume fut divisé en différentes monarchies de France, Austrasie, Bourgogne & Aquitaine, il y eut des maires du palais dans chacun de ces royaumes.

Pepin, fils de Charles Martel, lequel fut après son pere, maire du palais, étant parvenu à la couronne en 752, mit fin au gouvernement des maires du palais. Ceux qui les ont remplacés ont été appellés grands sénéchaux, & ensuite grands-maîtres de France, ou grands-maîtres de la maison du Roi. Voyez dans Moréry & dans M. le président Henault, la suite des maires du palais ; Gregoire de Tours, Pasquier, Favin, Ducange, & l’auteur du livre des maires de la maison royale.

Maire perpétuel, est un maire de ville érigé en titre d’office. Voyez ci-après Maire de ville.

Maire de religieux, major, on appelloit ainsi dans quelques monasteres celui qui étoit le premier entre les religieux, qu’on appelle à présent prieur. La fondation faite à saint Martin-des-Champs, par Philippe de Morvilliers, porte que le maire des religieux de ce couvent présentera deux bonnets, & au premier huissier des gants & une écritoire. Voyez Ducange au mot Major, & l’éloge du parlement par de la Baune.

Maire royal, est le juge d’une jurisdiction royale qui a titre de mairie ou prevôté.

Maire de ville, est le premier officier municipal d’une ville, bourg ou communauté. Le maire est à la tête des échevins ou des consuls, comme à Paris & dans quelques autres grandes villes, le prevôt des marchands ; dans quelques provinces, on l’appelle maïeur.

Les maire & échevins tiennent parmi nous la place des officiers que les Romains appelloient deffensores civitatum. Ce fut vers le regne de Louis VII. que les villes acheterent des seigneurs, le droit de s’élire des maire & échevins.

Dans toutes les villes un peu importantes, les maires même électifs doivent être confirmés par le roi.

Il y a des villes qui ont droit de mairie par chartes, c’est-à-dire le privilege de s’élire un maire. Les villes de Chaumont, Pontoise, Meulan, Mantes, Eu, & autres, ont des chartes de Philippe Auguste, des années 1182 & 1188, qui leur donnent le droit de mairie.

On trouve aussi un mandement de ce prince adressé au maire de Sens & autres maires & communes, parce