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brune, ou d’un noir tirant sur le bleu ; ses feuilles ressemblent à celles du bouleau, ou à celles du peuplier noir ; mais elles sont petites, un peu moins larges que longues, crénelées aux bords, veineuses, d’une couleur verte ; ses fleurs sont semblables à celles du cerisier ordinaire, mais plus petites, blanches, composées chacune de cinq pétales disposés en rose, de bonne odeur, attachées par des pédicules courts, qui sortent plusieurs d’un autre pédicule plus grand & rameux. Quand ces fleurs sont tombées, il leur succede de petits fruits ronds, noirs, ayant la figure de nos cerises, amers, teignant les mains quand on les écrase, peu charnus, contenant un noyau, dans lequel on trouve une amande amere. Quelques-uns appellent ce petit fruit vaccinium, & ils prétendent que c’est de lui dont Virgile parle dans ce vers :

Alba ligustra cadunt, vaccinia nigra leguntur.

La racine de l’arbre est longue, grosse, branchue & étendue ; il croît aux lieux aquatiques, aux bords des rivieres. Son fruit contient beaucoup d’huile & de sel volatil.

On nous apporte d’Angleterre & de plusieurs autres endroits, l’amande du noyau de ce fruit seche, parce que les parfumeurs en emploient dans leurs savonettes. On appelle cette amande du nom de l’arbre, mahaleb, ou magaleb. Elle doit être grosse comme l’amande du noyau de cerise, récente, nette ; elle a ordinairement une odeur fort desagréable, & approchante de celle de la punaise.

Le bois de Sainte-Lucie qui nous est apporté de Lorraine, & dont les Ebénistes se servent pour leurs beaux ouvrages, est tiré du tronc de l’arbre mahaleb. Il doit être dur, compact, médiocrement pesant, sans nœuds ni obier, de couleur grise, tirant sur le rougeâtre, couvert d’une écorce mince & brune, semblable à celle du cerisier, d’une odeur agréable, qui augmente à mesure que le bois vieillit.

MAHALEU, (Géog.) considérable ville d’Egypte, capitale de la Garbie, l’une des deux provinces du Deltha. Il s’y fait un grand commerce de toiles de lin, de toiles de coton, & de sel ammoniac. Il y a des fours à faire éclore des poulets par la chaleur, à la façon des anciens Egyptiens. Elle est près de la mer. Long. 49. 56. lat. 31. 4. (D. J.)

MAHA OMMARAT, (Hist. mod.) c’est le nom que l’on donne dans le royaume de Siam au seigneur le plus distingué de l’état, qui est le chef de la noblesse, & qui dans l’absence du roi & à la guerre, fait les fonctions du monarque & le représente.

MAHATTAM, (Géogr.) île de l’Amérique septentrionale sur la côte de la nouvelle Yorck, à l’embouchure de la riviere de Hudson, ainsi nommée par ce fameux navigateur anglois, qui la découvrit en 1609.

MAHLSTROM, ou MOSKOESTROM, (Géog.) c’est ainsi qu’on nomme un goufre fameux placé près des côtes de Norwege, à environ quarante milles au nord de la ville de Drontheim. En cet endroit de la mer on rencontre une suite de cinq îles, que l’on nomme le district de Lofoden, quoique chacune de ces îles ait un nom particulier. Entre chacune de ces îles le passage n’a jamais plus d’un quart de mille de largeur ; mais au sud ouest du district de Lofoden, il se trouve encore deux îles habitées, que l’on nomme Wœron & Roeston, qui sont séparées de Lofoden, & les unes des autres par des passages ou détroits assez larges. Entre cette rangée d’îles & le Helgeland, qui est une portion du continent de la Norwege, la mer forme un golfe. C’est entre le promontoire de Lofoden & l’île de Waron, que passe le courant qu’on nomme Mahlstrom. Sa largeur du nord au sud est d’environ deux milles ; sa longueur de l’est

à l’ouest est d’environ cinq milles. Il y a aussi un courant entre l’île de Wœron & celle de Roeston, mais il est moins fort que le Mahlstrom. Au milieu du détroit qui sépare Lofoden & Wœron, mais un peu plus du côté du sud, se trouve le rocher appellé Moskoe, qui forme une île qui peut avoir un tiers de mille de longueur, & quelque chose de moins en largeur ; cette île n’est point habitée, mais comme elle a de bons pâturages, les habitans des îles voisines y laissent paître des brebis l’hiver & l’été. C’est entre cette île de Moskoe & la pointe de Lofoden, que le courant est le plus violent ; il devient moins sensible à mesure qu’il approche des îles de Wœron & de Roeston.

On trouve dans plusieurs relations des descriptions étonnantes de ce goufre & de ce courant ; mais la plûpart de ces circonstances ne sont fondées que sur des bruits populaires ; on dit que ce goufre fait un bruit horrible, & qu’il attire à une très-grande distance les baleines, les arbres, les barques & les vaisseaux qui ont le malheur de s’en approcher ; qu’après les avoir attirés, il les réduit en pieces contre les rochers pointus qui sont au fond du goufre. C’est de cette prétendue propriété qu’est venu le nom de Mahlstrom, qui signifie courant qui moud. L’on ajoute qu’au bout de quelques heures, il rejette les débris de ce qu’il avoit englouti. Cela dément le sentiment du pere Kircher, qui a prétendu qu’il y avoit en cet endroit un trou ou un abîme qui alloit au centre de la terre, & qui communiquoit avec le golfe de Bothnie. Quelques auteurs ont assuré que ce courant, ainsi que le tournoyement qui l’accompagne, n’étoit jamais tranquille ; mais on a publié en 1750, dans le tome XII. des mém. de l’académie royale des Sciences de Suede, une description du Mahlstrom, qui ne laisse plus rien à désirer aux Physiciens, & qui en faisant disparoître tout le merveilleux, réduit tous ces phénomenes à la simple vérité. Voici comme on nous les décrit.

Le courant a sa direction pendant six heures du nord au sud, & pendant six autres heures du sud au nord ; il suit constamment cette marche. Ce courant ne suit point le mouvement de la marée, mais il en a un tout contraire, en effet dans le tems que la marée monte & va du sud au nord, le Mahlstrom va du nord au sud, &c. Lorsque ce courant est le plus violent, il forme de grands tourbillons ou tournoyemens qui ont la forme d’un cône creux renversé, qui peut avoir environ deux famnars, c’est-à-dire douze piés de profondeur ; mais loin d’engloutir & de briser tout ce qui s’y trouve, c’est dans le tems que le courant est le plus fort, que l’on y pêche avec le plus de succès ; & même en y jettant un morceau de bois, il diminue la violence du tournoyement. C’est dans le tems que la marée est la plus haute & qu’elle est la plus basse, que le goufre est le plus tranquille ; mais il est très-dangereux dans le tems des tempêtes & des vents orageux, qui sont très-communs dans ces mers, alors les navires s’en éloignent avec soin, & le Mahlstrom fait un bruit terrible. Il n’y a point de trous ni d’abîme en ce lieu, & les pêcheurs ont trouvé avec la sonde, que le fond du goufre étoit composé de rochers & d’un sable blanc qui se trouve à vingt brasses dans la plus grande profondeur. M. Schelderup, conseiller d’état en Norwege, à qui cette description est dûe, dit que tous ces phénomenes viennent de la disposition dans laquelle se trouve cette rangée d’îles, entre lesquelles il n’y a que des passages étroits qui font que les eaux de la pleine mer ne pouvent y passer librement, & par là s’amassent & demeurent en quelque façon suspendues lorsque la marée hausse ; d’un autre côté lorsque la marée se retire, les eaux qui se trouvent dans le golfe qui sépare ces îles du continent, ne peuvent point