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une augmentation de paye de six écus. Ce refus le détermina à servir l’Espagne, & à chercher par l’Amérique un passage, pour aller partager les possessions des Portugais en Asie.

Le détroit de Magellan est selon Acosta, sur 42 degrés ou environ de la ligne vers le sud. Il a de longueur 80 ou 100 lieues d’une mer à l’autre, & une lieue de large dans l’endroit où il est le plus étroit.

Nous avons plusieurs cartes estimées du détroit de Magellan ; mais la meilleure au jugement de milord Anson, est celle qui a été dressée par le chevalier Narborough. Elle est plus exacte dans ce qu’elle contient, & est à quelques égards supérieure à celle du docteur Halley, particulierement dans ce qui regarde la longitude de ce détroit & celle de ses différentes parties.

Les Espagnols, les Anglois, & les Hollandois ont souvent entrepris de passer ce détroit malgré tous les dangers. Le chevalier François Drake étant entré dans la mer du Sud, y éprouva une si furieuse tempête pendant cinquante jours, qu’il se vit emporté jusques sur la hauteur de cinquante sept degrés d’élévation du pole antarctique, & fut contraint par la violence des vents de regagner la haute mer.

Les difficultés que tous les Navigateurs conviennent avoir éprouvées à passer ce détroit, ont ensuite engagé quelques marins à essayer si vers le midi ils ne trouveroient point un passage moins long & moins dangereux. Brant hollandois prit sa route plus au sud, & donna son nom au passage qui est à l’orient de la petite île des états.

Enfin, depuis ce tems là on a découvert la nouvelle mer du Sud au midi de la terre de Feu, où le passage de la mer du Nord dans l’ancienne mer du Sud est très-libre, puisqu’on y est toujours en pleine mer. C’est ce qui a fait négliger le détroit de Magellan, comme sujet à trop de périls & de contre-tems. Néanmoins ce détroit est important à la Géographie, parce que sa position sert à d’autres déterminations avantageuses aux navigateurs. Voyez donc dans les Mém. de l’acad. des Scienc. année 1716, les observations de M. de Lisle sur la longitude du détroit de Magellan, que M. Halley suppose être dans sa partie orientale, de 75 degrés plus occidentale que Londres ; & M. de Lisle pense que M. Halley se trompe de 10 degrés. (D. J.)

MAGELLANIQUE la terre, (Géog.) C’est ainsi que l’on nomme la pointe la plus méridionale de l’Amérique, au midi du Brésil & du Paraguay, à l’orient & au sud du Chili, & au nord du détroit de Magellan. Les Espagnols regardent ce pays comme une dépendance du Chili ; mais on ne connoit de ses côtes, du côté de la mer du nord, que quelques baies où les navigateurs ont relâché par hasard. Les habitans de cette vaste contrée nous sont par conséquent très-inconnus. Nous avons appellé Pampas, un grand peuple qui en occupe la partie septentrionale ; Cessares, les sauvages qui sont à l’orient de la source de la riviere Saint-Domingue ; & Patagons, ceux qui sont au midi, entre la mer du Nord & le détroit de la mer Pacifique. Voilà jusqu’où s’étendent nos connoissances. (D. J.)

MAGELLI, (Géog. anc.) ancien peuple d’Italie, dans la Ligurie, selon Pline, l. III. c. v. (D. J.)

MAGHIAN, (Géog.) ville de l’Arabie Heureuse en Asie, située dans une plaine, à six stations de Sanan, & à trois de Zabid. Long. 61. 50. lat. 16. 3. (D. J.)

MAGICIEN, on donne ce nom à un enchanteur, qui fait réellement ou qui paroît faire des actions surnaturelles ; il signifie aussi un devin, un diseur de bonne avanture : ce fut dans les siecles de barbarie ou d’ignorance un assez bon métier, mais la Philosophie & sur-tout la Physique expérimentale,

plus cultivées & mieux connues, ont fait perdre à cet art merveilleux son crédit & sa vogue ; le nom de magicien se trouve souvent dans l’écriture sainte, ce qui justifieroit une ancienne remarque, c’est qu’il n’y a eu parmi les auteurs sacrés que peu ou point de philosophes.

Moïse, par exemple, défend de consulter ces sortes de gens, sous peine de mort ; Lévit. xix. 31. Ne vous détournez point après ceux qui ont l’esprit de Python, n’y après les devins, &c. Lévitiq. xx. 6. Quant à la personne qui se détournera après ceux qui ont l’esprit de Python & après les devins, en paillardant après eux, je mettrai ma face contre cette personne là, & je la retrancherai du milieu de son peuple : Ç’eût été manquer contre les lois d’une saine politique dans le plan de la théocratie hébraïque, de ne pas sévir contre ceux qui dérogeoient au culte du seul Dieu de vérité, en allant consulter les ministres de l’esprit tentateur ou du pere du mensonge ; d’ailleurs Moïse qui avoit été à la cour de Pharaon aux prises avec les magiciens privilégiés de ce prince, savoit par sa propre expérience dequoi ils étoient capables, & que pour leur résister, il ne falloit pas moins qu’un pouvoir divin & surnaturel ; par-là même il vouloit par une défense si sage, prévenir le danger & les funestes illusions, dans lesquelles tombent nécessairement ceux qui ont la foiblesse de courir après les ministres de l’erreur.

Nous lisons dans l’éxode, ch. vij. v. 10. 11. que Pharaon frappé de voir que la verge qu’Aaron avoit jettée devant lui & ses serviteurs, s’étoit métamorphosée en un dragon, fit aussi venir les sages, les enchanteurs & les magiciens d’Egypte, qui par leur enchantement, firent la même chose ; ils jetterent donc chacun leurs verges, & elles devinrent des dragons ; mais la verge d’Aaron engloutit leurs verges.

Nous connoissons peu la signification des termes de l’original ; la vulgate n’en traduit que deux, les envisageant sans doute comme des synonymes inutiles ; chacamien signifie des sages, mais de cette sagesse qu’on peut prendre en bonne & mauvaise part, ou pour une vraie sagesse, ou pour cette sagesse dissimulée, maligne, dangereuse & fausse par-là même ; ainsi dans tous les tems, il y a eu des hommes assez politiques & habiles pour faire servir l’apparence de la Philosophie à leurs intérêts temporels, souvent même à leurs passions.

Mécasphim vient du mot caschaph, qui marque toujours dans l’écrit, une divination, ou une explication des choses cachées ; ainsi ce sont des devins, tireurs d’horoscopes, interpretes de songes, ou diseurs de bonne avanture : Les carthumiens sont des magiciens, enchanteurs, ou gens qui par leur art & leur habileté fascinent les yeux, & semblent opérer des changemens phantastiques ou véritables, dans les objets ou dans les sens ; tels furent les gens que Pharaon opposa à Moïse & Aaron, & ils firent la même chose par leurs enchantemens. Les termes de l’original expriment le grimoire, ces paroles cachées que prononçoient sourdement & en marmotant les magiciens, ou ceux qui vouloient passer pour l’être ; c’est en effet l’être à demi que de persuader aux simples que des mois vuides de sens, prononcés d’une voix rauque, peuvent produire des miracles ; combien d’auteurs se sont fait une réputation à la faveur de leur obscurité ? cette espece de magie est la seule qui se pratique aujourd’hui avec succès.

Il seroit très-difficile, pour ne pas dire impossible, de décider si le miracle de la métamorphose des verges en serpens fut bien réel & constaté de la part des magiciens de Pharaon ; le pour & le contre sont également plausibles & peuvent se soutenir ; mais les rabbins dans la vie de Moïse, présentent