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terrein, elle en ait aussi plus de solidité.

On peut encore fonder d’une maniere différente de ces dernieres, & qu’on appelle par coffre, fig. 40 : on l’emploie dans les terreins peu solides, & où il est nécessaire de se garantir des éboulemens & des sources. On commence d’abord par faire une tranchée A, d’environ quatre ou cinq piés de long, & qui ait de largeur l’épaisseur des murs. On applique sur le bord des terres, pour les soutenir, des madriers B, d’environ deux pouces d’épaisseur, soutenus à leur tour de distance en distance par des pieces de bois C en travers, qui servent d’étrésillons. Ces coffres étant faits, on les remplit de bonne maçonnerie, & on ôte les étrésillons C, à mesure que les madriers B se trouvent appuyés par la maçonnerie ; ensuite on en fait d’autres semblables à côté, dont l’abondance plus ou moins grande des sources, doit déterminer les dimensions, pour n’en être pas incommodé. Cependant s’il arrivoit, comme cela se peut, que les sources eussent assez de force pour pousser sans qu’on pût les en empêcher, malgré toutes les précautions que l’on auroit pu prendre, il faut selon quelques-uns, avoir recours à de la chaux vive, & sortant du four, que l’on jette promptement dessus, avec du moilon ou libage, mêlé ensuite de mortier, & par ce moyen on bouche la source, & on l’oblige de prendre un autre cours, sans quoi on se trouveroit inondé de toutes parts, & on ne pourroit alors fonder sans épuisement. Lorsque l’on a fait trois ou quatre coffres, & que la maçonnerie des premiers est un peu ferme, on peut ôter les madriers qui servoient à la soutenir, pour s’en servir ailleurs ; mais si on ne pouvoit les retirer sans donner jour à quelques sources, il seroit mieux alors de les abandonner.

Lorsque l’on veut fonder dans l’eau, & qu’on ne peut faire des épuisemens, comme dans de grands lacs, bras de mer, &c. si c’est dans le fond de la mer, on profite du tems que la marée est basse, pour unir le terrain, planter les repaires, & faire les alignemens nécessaires. On doit comprendre pour cela non-seulement le terrain de la grandeur du bâtiment, mais encore beaucoup au-delà, afin qu’il y ait autour des murailles, une berme assez grande pour en assurer davantage le pié ; on emplit ensuite une certaine quantité de bateaux, des matériaux nécessaires, & ayant choisi le tems le plus commode, on commence par jetter un lit de cailloux, de pierres, ou de moilons, tels qu’ils sortent de la carriere, sur lesquels on fait un autre lit de chaux, mêlé de pozzolanne, de cendrée de Tournay, ou de terrasse de Hollande. Il faut avoir soin de placer les plus grosses pierres sur les bords, & leur donner un talud de deux fois leur hauteur ; ensuite on fait un second lit de moilon ou de cailloux que l’on couvre encore de chaux & de pozzolanne comme auparavant, & alternativement un lit de l’un & un lit de l’autre. Par la propriété de ces différentes poudres, il se forme aussi-tôt un mastic, qui rend cette maçonnerie indissoluble, & aussi solide que si elle avoit été faite avec beaucoup de précaution ; car quoique la grandeur des eaux & les crues de la mer empêchent qu’on ne puisse travailler de suite, cependant on peut continuer par reprises, sans que cela fasse aucun tort aux ouvrages. Lorsque l’on aura élevé cette maçonnerie au-dessus des eaux, ou au rez-de-chaussée, on peut la laisser pendant quelques années à l’épreuve des inconvéniens de la mer, en la chargeant de tous les matériaux nécessaires à la construction de l’édifice, afin qu’en lui donnant tout le poids qu’elle pourra jamais porter, elle s’affaisse également & suffisamment par-tout. Lorsqu’au bout d’un tems on s’apperçoit qu’il n’est arrivé aucun accident considérable à ce massif, on peut placer un grillage de charpente,

comme nous l’avons déja vu fig. 39, & bâtir ensuite dessus avec solidité, sans craindre de faire une mauvaise construction. Il seroit encore mieux, si l’on pouvoit, de battre des pilots autour de la maçonnerie, & former un bon empatement, qui garantiroit le pié des dégradations qui pourroient arriver dans la suite.

On peut encore fonder dans l’eau d’une autre maniere (fig. 41.), en se servant de caissons A, qui ne sont autre chose qu’un assemblage de charpente & madriers bien calfatés, dans l’intérieur desquels l’eau ne sauroit entrer, & dont la hauteur est proportionnée à la profondeur de l’eau où ils doivent être posés, en observant de les faire un peu plus hauts, afin que les ouvriers ne soient point incommodés des eaux. On commence par les placer & les arranger d’alignement dans l’endroit où l’on veut fonder ; on les attache avec des cables qui passent dans des anneaux de fer attachés dessus ; quand ils sont ainsi préparés, on les remplit de bonne maçonnerie. A mesure que les ouvrages avancent, leur propre poids les fait enfoncer jusqu’au fond de l’eau ; & lorsque la profondeur est considérable, on augmente leur hauteur avec des hausses, à mesure qu’elles approchent du fond : cette maniere est très-en usage, d’une grande utilité, & très-solide.

Des fondemens sur pilotis. Il arrive quelquefois qu’un terrein ne se trouvant pas assez bon pour fonder solidement, & que voulant creuser davantage, on le trouve au contraire encore plus mauvais : alors il est mieux de creuser le moins que l’on pourra, & poser dessus un grillage de charpente A, fig. 42, assemblé comme nous l’avons vu précédemment, sur lequel on pose quelquefois aussi un plancher de madriers, mais ce plancher B ne paroissant pas toujours nécessaire, on se contente quelquefois d’élever la maçonnerie sur ce grillage, observant d’en faire les paremens en pierre jusqu’au rez-de-chaussée, & plus haut, si l’ouvrage étoit de quelque importance. Il est bon de faire regner autour des fondations sur le bord des grillages des heurtoirs C ou especes de pilots, enfoncés dans la terre au refus du mouton (fig. 153.), pour empêcher le pié de la fondation de glisser, principalement lorsqu’il est posé sur un plancher de madriers ; & par-là prévenir ce qui est arrivé un jour à Bergue Saint-Vinox, où le terrein s’étant trouvé très-mauvais, une partie considérable du revêtement de la face d’une demi-lune s’est détachée & a glissé tout d’une piece jusque dans le milieu du fossé.

Mais lorsqu’il s’agit de donner encore plus de solidité au terrein, on enfonce diagonalement dans chacun des intervalles du grillage, un ou deux pilots D de remplage ou de compression sur toute l’étendue des fondations ; & sur les bords du grillage, des pilots de cordage ou de garde E près-à-près, le long desquels on pose des palplanches pour empêcher le courant des eaux, s’il s’en trouvoit, de dégrader la maçonnerie. Palladio recommande expressément, lorsque l’on enfonce des pilots, de les frapper à petits coups redoublés, parce que, dit-il, en les chassant avec violence, ils pourroient ébranler le fond. On acheve ensuite de remplir de charbon, comme dit Vitruve, ou, ce qui vaut encore mieux, de cailloux ou de moilons à bain de mortier, les vuides que la tête des pilots a laissés : on arrase bien le tout, & on éleve dessus les fondemens.

Pour connoître la longueur des pilots, que Vitruve conseille de faire en bois d’aune, d’olivier ou de chêne, & que Palladio recommande sur-tout de faire en chêne, il faut observer, avant que de piloter, jusqu’à quelle profondeur le terrein fait une assez grande résistance, & s’oppose fortement à la pointe d’un pilot que l’on enfonce exprès. Ainsi sachant de