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que, disoit-il, elles se fendent & se détrempent lorsqu’elles sont mouillées à la pluie.

La terre qui est rougeâtre est beaucoup moins estimée pour cet usage, les briques qui en sont faites étant plus sujettes à se feuilleter & à se réduire en poudre à la gelée.

Vitruve prétend qu’il y a trois sortes de terre propres à faire de la brique ; la premiere, qui est aussi blanche que de la craie ; la seconde, qui est rouge ; & la troisieme, qu’il appelle sablon mâle. Au rapport de Pérault, les interpretes de Vitruve n’ont jamais pu décider quel étoit ce sablon mâle dont il parle, & que Pline prétend avoir été employé de son tems pour faire de la brique. Philander pense que c’est une terre solide & sablonneuse ; Barbaro dit que c’est un sable de riviere gras que l’on trouve en pelotons, comme l’encens mâle : & Baldus rapporte qu’il a été appellé mâle, parce qu’il étoit moins aride que l’autre sable. Au reste, sans prendre garde scrupuleusement à la couleur, on reconnoîtra qu’une terre est propre à faire de bonnes briques, si après une petite pluie on s’apperçoit qu’en marchant dessus elle s’attache aux piés & s’y amasse en grande quantité, sans pouvoir la détacher facilement, ou si en la paitrissant dans les mains on ne peut la diviser sans peine.

De la maniere de faire la brique. Après avoir choisi un espace de terre convenable, & l’ayant reconnu également bonne par-tout, il faut l’amasser par monceaux & l’exposer à la gelée à plusieurs reprises, ensuite la corroyer avec la houe (fig. 118.) ou le rabot (fig. 117.), & la laisser reposer alternativement jusqu’à quatre ou cinq fois. L’hiver est d’autant plus propre pour cette préparation, que la gelée contribue beaucoup à la bien corroyer.

On y mêle quelquefois de la bourre & du poil de bœuf pour la mieux lier, ainsi que du sablon pour la rendre plus dure & plus capable de resister au fardeau lorsqu’elle est cuite. Cette pâte faite, on la jette par motte dans des moules faits de cadres de bois de la même dimension qu’on veut donner à la brique ; & lorsqu’elle est à demi seche, on lui donne avec le couteau la forme que l’on juge à propos.

Le tems le plus propre à la faire sécher, selon Vitruve, est le printems & l’automne, ne pouvant sécher en hiver, & la grande chaleur de l’été la séchant trop promptement à l’extérieur, ce qui la fait fendre, tandis que l’intérieur reste humide. Il est aussi nécessaire, selon lui, en parlant des briques crues, de les laisser sécher pendant deux ans, parce qu’étant employés nouvellement faites, elles se resserent & se séparent à mesure qu’elles se sechent : d’ailleurs l’enduit qui les retient ne pouvant plus se soutenir, se détache & tombe ; & la muraille s’affaissant de part & d’autre inégalement, fait périr l’édifice.

Le même auteur rapporte encore que de son tems dans la ville d’Utique il n’étoit pas permis de se servir de brique pour bâtir qu’elle n’eût été visitée par le magistrat, & qu’on eût été sûr qu’elle avoit séché pendant cinq ans. On se sert encore maintenant de briques crues, mais ce n’est que pour les fours à chaux (fig. 29.), à tuile ou à brique (fig. 27.).

La meilleure brique est celle qui est d’un rouge pâle tirant sur le jaune, d’un grain serré & compacte, & qui lorsqu’on la frappe rend un son clair & net. Il arrive quelquefois que les briques faites de même terre & préparées de même, sont plus ou moins rouges les unes que les autres, lorsqu’elles sont cuites, & par conséquent de différente qualité : ce qui vient des endroits où elles ont été placées dans le four, & où le feu a eu plus ou moins de force pour les cuire. Mais la preuve la plus certaine pour connoître la meilleure, sur-tout pour des édifices de quelque importance, est de l’exposer à l’humidité & à la gelée

pendant l’hiver, parce que celles qui y auront résisté sans se feuilleter, & auxquelles il ne sera arrivé aucun inconvénient considérable, pourront être mises en œuvre en toute sûreté.

Autrefois on se servoit à Rome de trois sortes de briques ; la premiere qu’on appelloit didodoron, qui avoit deux palmes en quarré ; la seconde, tetradoron, qui en avoit quatre ; & la troisieme, pentadoron, qui en avoit cinq : ces deux dernieres manieres ont été long tems employées par les Grecs. On faisoit encore à Rome des demi-briques & des quarts de briques, pour placer dans les angles des murs & les achever. La brique que l’on faisoit autrefois, au rapport de Vitruve, à Calente en Espagne, à Marseille en France, & à Pitence en Asie, nageoit sur l’eau comme la pierre-ponce, parce que la terre dont on la faisoit étoit très-spongieuse, & que ses pores externes étoient tellement serrés lorsqu’elle étoit seche, que l’eau n’y pouvoit entrer, & par conséquent la faisoit surnager. La grandeur des briques dont on se sert à Paris & aux environs, est ordinairement de huit pouces de longueur, sur quatre de largeur & deux d’épaisseur, & se vend depuis 30 jusqu’à 40 livres le millier.

Il faut éviter de les faire d’une grandeur & d’une épaisseur trop considérable, à moins qu’on ne leur donne pour sécher un tems proportionné à leur grosseur ; parce que sans cela la chaleur du feu s’y communique inégalement, & le cœur étant moins atteint que la superficie, elles se gersent & se fendent en cuisant.

La tuile pour les couvertures des bâtimens, le carreau pour le sol des appartemens, les tuyaux de grais pour la conduite des eaux, les boisseaux pour les chausses d’aisance, & généralement toutes les autres poteries de cette espece, se font avec la même terre, se préparent & se cuisent exactement de la même maniere. Ainsi ce que nous avons dit de la brique, peut nous instruire pour tout ce que l’on peut faire en pareille terre.

Du plâtre en général. Le plâtre du grec πλάτης propre à être formé, est d’une propriété très-importante dans le bâtiment. Sa cuisson fait sa vertu principale. C’est sans doute par le feu qu’il acquiert la qualité qu’il a, non-seulement de s’attacher lui même, mais encore d’attacher ensemble les corps solides. Comme la plus essentielle est la promptitude de son action, & qu’il se suffit à lui-même pour faire un corps solide, lorsqu’il a reçu toutes les préparations dont il a besoin, il n’y a point de matiere dont on puisse se servir avec plus d’utilité dans la construction.

De la pierre propre à faire le plâtre. La pierre propre à faire du plâtre se trouve dans le sein de la terre, comme les autres pierres. On n’en trouve des carrieres qu’aux environs de Paris, comme à Montmartre, Belleville, Meudon, & quelques autres endroits. Il y en a de deux especes : l’une dure, & l’autre tendre. La premiere est blanche & remplie de petits grains luisans : la seconde est grisâtre, & sert, comme nous l’avons dit ci-devant, à la construction des bicoques & murs de clôtures dans les campagnes. L’une & l’autre se calcinent au feu, se blanchissent & se réduitent en poudre après la cuisson. Mais les ouvriers préferent la derniere, étant moins dure à cuir.

De la maniere de faire cuir le plâtre. La maniere de faire cuir le plâtre consiste à donner un degré de chaleur capable de dessecher peu-à-peu l’humidité qu’il renferme, de faire évaporer les parties qui le lient, & de disposer aussi le feu de maniere que la chaleur agisse toujours également sur lui. Il faut encore arranger dans le four les pierres qui doivent être calcinées, ensorte qu’elles soient toutes égale-