Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/810

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais de beaucoup de terrestre ; ce qui les rend plus fermes, telles qu’il s’en voit à ce qui reste des anciens ouvrages près de la ville de Ferente où il se trouve encore de grandes figures, de petits bas-reliefs, & des ornemens délicats, de roses, de feuilles d’acanthe, &c. faits de cette pierre, qui sont encore entiers malgré leur vieillesse. Les Fondeurs des environs la trouvent très-propre à faire des moules ; cependant on en emploie fort peu à Rome à cause de leur éloignement.

Des différentes pierres dures. De toutes les pierres dures, la plus belle & la plus fine est celle de liais, qui porte ordinairement depuis sept jusqu’à dix pouces de hauteur de banc[1].

Il y en a de quatre sortes. La premiere qu’on appelle liais franc, la seconde liais ferault, la troisieme liais rose, & la quatrieme franc liais de S. Leu.

La premiere qui se tire de quelques carrieres derriere les Chartreux fauxbourg S. Jacques à Paris, s’emploie ordinairement aux revêtissemens du dedans des pieces où l’on veut éviter la dépense du marbre, recevant facilement la taille de toutes sortes de membres d’architecture & de sculpture : considération pour laquelle on en fait communément des chambranles de cheminées, pavés d’anti-chambres & de salles à manger, ballustres, entrelas, appuis, tablettes, rampes, échifres d’escaliers, &c. La seconde qui se tire des mêmes carrieres, est beaucoup plus dure, & s’emploie par préférence pour des corniches, bazes, chapiteaux de colonnes, & autres ouvrages qui se font avec soin dans les façades extérieures des bâtimens de quelqu’importance. La troisieme qui se tire des carrieres proche S. Cloud, est plus blanche & plus pleine que les autres, & reçoit un très-beau poli. La quatrieme se tire le long des côtes de la montagne près S. Leu.

La seconde pierre dure & la plus en usage dans toutes les especes de bâtimens, est celle d’Arcueil, qui porte depuis douze jusqu’à quinze pouces de hauteur de banc, & qui se tiroit autrefois des carrieres d’Arcueil près Paris ; elle étoit très-recherchée alors, à cause des qualités qu’elle avoit d’être presqu’aussi ferme dans ses joints que dans son cœur, de résister au fardeau, de s’entretenir dans l’eau, ne point craindre les injures des tems : aussi la préféroit-on dans les fondemens des édifices, & pour les premieres assises. Mais maintenant les bancs de cette pierre ne se suivant plus comme autrefois, les Carriers se sont jettés du côté de Bagneux près d’Arcueil, & du côté de Montrouge, où ils trouvent des masses moins profondes dont les bancs se continuent plus loin. La pierre qu’on en tire est celle dont on se sert à-présent, à laquelle on donne le nom d’Arcueil. Elle se divise en haut & bas appareil : le premier porte depuis dix-huit pouces jusqu’à deux piés & demi de hauteur de banc ; & le second depuis un pié jusqu’à dix-huit pouces. Celui-ci sert à faire des marches, seuils, appuis, tablettes, cimaises de corniches, &c. Elle a les mêmes qualités que celle d’Arcueil, mais plus remplie de moye, plus sujette à la gelée, & moins capable de résister au fardeau.

La pierre de cliquart qui se tire des mêmes carrieres, est un bas appareil de six à sept pouces de hauteur de banc, plus blanche que la derniere, ressemblante au liais, & servant aussi aux mêmes usages. Elle se divise en deux especes, l’une plus dure que l’autre : cette pierre un peu grasse est sujette à la gelée : c’est pourquoi on a soin de la tirer de la carriere, & de l’employer en été.

La pierre de bellehache se tire d’une carriere

près d’Arcueil, nommée la carriere royale, & porte depuis dix-huit jusqu’à dix-neuf pouces de hauteur de banc. Elle est beaucoup moins parfaite que le liais ferault, mais de toutes les pierres la plus dure, à cause d’une grande quantité de cailloux dont elle est composée : aussi s’en sert-on fort rarement.

La pierre de souchet se tire des carrieres du fauxbourg S. Jacques, & porte depuis douze pouces jusqu’à vingt-un pouces de hauteur de banc. Cette pierre qui ressemble à celle d’Arcueil, est grise, trouée & poreuse. Elle n’est bonne ni dans l’eau ni sous le fardeau : aussi ne s’en sert-on que dans les bâtimens de peu d’importance. Il se tire encore une pierre de souchet des carrieres du fauxbourg S. Germain, & de Vaugirard, qui porte depuis dix-huit jusqu’à vingt pouces de hauteur de banc. Elle est grise, dure, poreuse, grasse, pleine de fils, sujette à la gelée, & se moulinant à la lune. On s’en sert dans les fondemens des grands édifices & aux premieres assises, voussoirs, soupiraux de caves, jambages de portes, & croisées des maisons de peu d’importance.

La pierre de bonbave se tire des mêmes carrieres, & se prend au-dessus de cette derniere. Elle porte depuis quinze jusqu’à vingt-quatre pouces de hauteur de banc, fort blanche, pleine & très-fine : mais elle se mouline à la lune, résiste peu au fardeau, & ne sauroit subsister dans les dehors ni à l’humidité : on s’en sert pour cela dans l’intérieur des bâtimens, pour des appuis, rampes, échifres d’escaliers, &c. on l’a quelquefois employée à découvert où elle n’a pas gelé, mais cela est fort douteux. On en tire des colonnes de deux piés de diametre ; la meilleure est la plus blanche, dont le lit est coquilleux, & a quelques molieres.

Il se trouve encore au fauxbourg S. Jacques un bas appareil depuis six jusqu’à neuf pouces de hauteur de banc, qui n’est pas si beau que l’arcueil, mais qui sert à faire des petites marches, des appuis, des tablettes, &c.

Après la pierre d’Arcueil, celle de S. Cloud est la meilleure de toutes. Elle porte de hauteur de banc depuis dix-huit pouces jusqu’à deux piés, & se tire des carrieres de S. Cloud près Paris. Elle est un peu coquilleuse, ayant quelques molieres ; mais elle est blanche, bonne dans l’eau, résiste au fardeau, & se délite facilement. Elle sert aux façades des bâtimens, & se pose sur celle d’Arcueil. On en tire des colonnes d’une piece, de deux piés de diametre ; on en fait aussi des bassins & des auges.

La pierre de Meudon se tire des carrieres de ce nom, & porte depuis quatorze jusqu’à dix-huit pouces de hauteur de banc. Il y en a de deux especes. La premiere qu’on appelle pierre de Meudon, a les mêmes qualités que celles d’Arcueil, mais pleine de trous, & incapable de résister aux mauvais tems. On s’en sert pour des premieres assises, des marches, tablettes, &c. Il s’en trouve des morceaux d’une grandeur extraordinaire. Les deux cimaises des corniches rampantes du fronton du Louvre sont de cette pierre, chacune d’un seul morceau. La seconde qu’on appelle rustique de Meudon, est plus dure, rougeâtre, & coquilleuse, & n’est propre qu’aux libages & garni des fondations de piles de ponts, quais & angles de bâtimens.

La pierre de S. Nom, qui porte depuis dix-huit jusqu’à vingt-deux pouces de hauteur de banc, se tire au bout du parc de Versailles, & est presque de même qualité que celle d’Arcueil, mais grise & coquilleuse : on s’en sert pour les premieres assises.

La pierre de la chaussée, qui se tire des carrieres près Bougival, à côté de S. Germain en Laye, & qui porte depuis quinze jusqu’à vingt pouces de hauteur de banc, approche beaucoup de celle de

  1. La hauteur d’un banc est l’épaisseur de la pierre dans la carriere ; il y en a plusieurs dans chacune.