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sortissent nuement aux cours souveraines ; les gruries royales ressortissent aux maîtrises ; celles-ci à la table de marbre, & celles-ci au parlement.

Les jurisdictions royales ordinaires connoissent de plusieurs matieres à l’exclusion des jurisdictions seigneuriales, comme des dixmes, des cas royaux, des substitutions, &c. V. ci-après Justice royale. (A)

Jurisdiction séculiere ou temporelle ; on comprend sous ce terme toutes les jurisdictions royales, seigneuriales & municipales. On les appelle séculieres pour les distinguer des jurisdictions spirituelles ou ecclésiastiques.

Il n’appartient qu’à la jurisdiction séculiere d’user de contrainte extérieure, & de procéder par exécution des personnes & des biens. Voyez Jurisdiction ecclésiastique. (A)

Jurisdiction seigneuriale est celle qui appartient à un seigneur de fief ayant droit de justice, & qui est exercée par son juge. Voyez ci-après Justice seigneuriale. (A)

Jurisdiction simple, appellée chez les Romains jurisdictio simplement, étoit celle qui consistoit seulement dans le pouvoir de juger ; elle n’avoit point le pouvoir appellé merum imperium, ni même le mixtum, qui reviennent à peu-près à la haute & moyenne justice, c’est pourquoi cette jurisdiction simple est comparée par nos auteurs à la basse justice, & appellée quelquefois par eux minimum imperium, comme qui diroit la plus basse justice, celle qui a le moins de pouvoir.

Mais, quoique les Romains distinguassent trois sortes de jurisdiction ; savoir, merum imperium, mixtum imperium, & jurisdictio, comme parmi nous on distingue trois sortes de justice, la haute, la moyenne & la basse, le rapport qu’il y a entre ces différentes justices des Romains & les nôtres, n’est pas bien exact pour la compétence ; car la jurisdiction simple qui étoit la moindre, comprenoit des choses qui parmi nous n’appartienent qu’à la moyenne justice.

La jurisdiction simple appartenoit aux magistrats municipaux, tels que les édiles & les decemvirs. Quoiqu’ils n’eussent pas le merum ni le mixtum imperium, ils ne laissoient pas d’avoir quelque pouvoir pour faire exécuter leurs jugemens, sans quoi leur jurisdiction eût été illusoire ; mais ce pouvoir étoit seulement modica coercitio ; ils pouvoient condamner à une amende légere, faire exécuter les meubles du condamné, faire fustiger les esclaves, & plusieurs autres actes semblables qu’ils n’auroient pas pû faire s’ils n’avoient eu quelque sorte de pouvoir appellé chez les Romains imperium.

On pouvoit déléguer la jurisdiction simple de même que celle qui avoit le merum ou mixtum imperium, comme il paroit par ce qui est dit au titre de officio ejus cui mandata est jurisdictio. Il faut même remarquer que celui auquel elle étoit entierement commise, pouvoit subdéléguer & commettre en détail les affaires à d’autres personnes pour les juger ; mais ces simples délégués ou subdelégués n’avoient aucune jurisdiction même simple, ils ne pouvoient pas prononcer leur sentence, ni les faire exécuter même per modicam coercitionem. Il avoit notionem tantùm, c’est-à-dire le pouvoir seulement de juger comme l’avoient les juges pédanées, & comme font encore parmi nous les arbitres.

Voyez Loyseau, des offices, liv. I. chap. v. n°. 33. & suivans ; la jurisprudence françoise de Helo, titre des jurisdictions romaines, & ci-devant Jurisdiction commise. (A)

Jurisdiction spirituelle est celle qui appartient à l’Eglise de droit divin pour ordonner de tout ce qui concerne la foi & les sacremens, & pour ramener les fideles à leur devoir par la crainte des peines spirituelles. Cette jurisdiction ne s’étend que sur

les ames, & non sur les corps ni sur les biens : elle ne peut user d’aucune contrainte extérieure. Voyez ci-devant Jurisdiction ecclésiastique. (A)

Jurisdiction subalterne est celle qui est inférieure à une autre ; mais on entend singulierement par ce terme les justices seigneuriales. Voy. ci-devant Justice seigneuriale. (A)

Jurisdiction supérieure est celle qui est établie au-dessus d’une autre pour réformer ses jugemens lorsqu’il y échet. Voyez ci-devant Jurisdiction inférieure & Justice supérieure. (A)

Jurisdiction temporelle signifie quelquefois la justice séculiere en général, ou une jurisdiction séculiere ; quelquefois aussi l’on entend par-là une justice seigneuriale qui appartient à des ecclésiastiques, non pas pour connoitre des matieres ecclésiastiques, mais pour connoitre des affaires prophanes qui s’élevent au-dedans de la justice qu’ils ont à cause de quelque fief. V. Justice temporelle. (A)

Jurisdiction volontaire est celle qui s’exerce sur des objets pour lesquels il n’y a pas de contestation entre les parties, comme pour les tutelles & curatelles, garde-noble & bourgeoise, pour les adoptions, les émancipations, les affranchissemens, les inventaires. On appelle cette jurisdiction volontaire, pour la distinguer de la contentieuse qui ne s’exerce que sur des objets contestés entre les parties.

Les notaires exercent une partie de la jurisdiction volontaire, en recevant les contrats & testamens ; mais ils ne le font qu’au nom d’un juge dont ils sont en cette partie comme les greffiers.

Il y a aussi une partie de la jurisdiction ecclésiastique que l’on appelle jurisdiction volontaire, dont l’objet est la collation libre des bénéfices, l’érection des nouvelles églises, les permissions de prêcher, de confesser, & autres actes semblables. Voyez ci-devant Jurisdiction ecclésiastique. (A)

JURISPRUDENCE, s. f. est la science du Droit, tant public que privé, c’est-à-dire, la connoissance de tout ce qui est juste ou injuste.

On entend aussi par le terme de Jurisprudence les principes que l’on suit en matiere de Droit dans chaque pays ou dans chaque tribunal ; l’habitude où l’on est de juger de telle ou telle maniere une question, & une suite de jugemens uniformes sur une même question qui forment un usage.

La Jurisprudence a donc proprement deux objets, l’un qui a la connoissance du Droit, l’autre qui consiste à en faire l’application.

Justinien la définit, divinarum atque humanarum terum notitia, justi atque injusti scientia ; il nous enseigne par-là que la science parfaite du Droit ne consiste pas simplement dans la connoissance des lois, coutumes & usages, qu’elle demande aussi une connoissance générale de toutes les choses, tant sacrées que profanes, auxquelles les regles de la justice & de l’équité peuvent s’appliquer.

Ainsi la Jurisprudence embrasse nécessairement la connoissance de tout ce qui appartient à la Religion, parce qu’un des premiers devoirs de la justice est de lui servir d’appui, d’en favoriser l’exercice & d’écarter les erreurs qui pourroient la troubler, de s’opposer à tout ce qui pourroit tourner au mépris de la religon & de ses ministres.

Elle exige pareillement la connoissance de la Géographie, de la Chronologie & de l’Histoire ; car on ne peut bien entendre le droit des gens & la politique, sans distinguer les pays & les tems, sans connoître les mœurs de chaque nation & les révolutions qui y sont arrivées dans leur gouvernement ; & l’on ne peut bien connoître l’esprit d’une loi sans savoir ce qui y a donné lieu, & les changemens qui y ont été faits.