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4 liv. 10 sols ; & le second depuis 3 liv. jusqu’à 3 liv. 10 sols.

Les murs en moilon blanc se payent depuis 18 sols jusqu’à 22 sols le pouce ; & chaque parement, qui est un enduit de plâtre ou de chaux, se paye depuis 1 liv. 10 sols jusqu’à 1 liv. 16 sols.

Tous ces prix different selon le lieu où l’on bâtit, selon les qualités des matériaux que l’on emploie, & selon les bonnes ou mauvaises façons des ouvrages ; c’est pourquoi on fait toujours des devis & marchés avant que de mettre la main à l’œuvre.

Des murs de terrasse. Les murs de terrasse different des précédens en ce que non-seulement ils n’ont qu’un parement, mais encore parce qu’ils sont faits pour retenir les terres contre lesquels ils sont appuyés. On en fait de deux manieres : les uns (fig. 22.) ont beaucoup d’épaisseur, & coutent beaucoup ; les autres (fig. 23.), fortifiés par des éperons ou contreforts E, coutent beaucoup moins. Vitruve dit que ces murs doivent être d’autant plus solides que les terres poussent davantage dans l’hiver que dans d’autres tems ; parce qu’alors elles sont humectées des pluies, des neiges & autres intempéries de cette saison : c’est pourquoi il ne se contente pas seulement de placer d’un côté des contreforts A (fig. 24. & 25.), mais il en met encore d’autres en-dedans, disposes diagonalement en forme de scie B (fig. 24.), ou en portion de cercle C (fig. 25.), étant par-là moins sujets à la poussée des terres.

Il faut observer de les élever perpendiculairement du côté des terres, & inclinés de l’autre. Si cependant on jugeoit à-propos de les faire perpendiculaires à l’extérieur, il faudroit alors leur donner plus d’épaisseur, & placer en-dedans les contreforts que l’on auroit dû mettre en-dehors.

Quelques-uns donnent à leur sommet la sixieme partie de leur hauteur, & de talut la septieme partie : d’autres ne donnent à ce talut que la huitieme partie. Vitruve dit que l’épaisseur de ces murs doit être relative à la poussée des terres, & que les contreforts que l’on y ajoute sont faits pour le fortifier & l’empêcher de se détruire ; il donne à ces contreforts, pour épaisseur, pour saillie, & pour intervalle de l’un à l’autre, l’épaisseur du mur, c’est-à-dire qu’ils doivent être quarrés par leur sommet, & la distance de l’un à l’autre aussi quarrée ; leur empatement, ajoute-t-il, doit avoir la hauteur du mur.

Lorsque l’on veut construire un mur de terrasse, on commence d’abord par l’élever jusqu’au rez-de-chaussée, en lui donnant une épaisseur & un talut convenables à la poussée des terres qu’il doit soutenir : pendant ce tems-là, on fait plusieurs tas des terres qui doivent servir à remplir le fossé, selon leurs qualités : ensuite on en fait apporter près du mur & à quelques piés de largeur, environ un pié d’épaisseur, en commençant par celles qui ont le plus de poussée, réservant pour le haut celles qui en ont moins. Précaution qu’il faut nécessairement prendre, & sans laquelle il arriveroit que d’un côté le mur ne se trouveroit pas assez fort pour retenir la poussée des terres, tandis que de l’autre il se trouveroit plus fort qu’il ne seroit nécessaire. Ces terres ainsi apportées, on en fait un lit de même qualité que l’on pose bien de niveau, & que l’on incline du côté du terrein pour les empêcher de s’ébouler, & que l’on affermit ensuite en les battant, & les arrosant à mesure : car si on remettoit à les battre après la construction du mur, non-seulement elles en seroient moins fermes, parce qu’on ne pourroit battre que la superficie, mais encore il seroit à craindre qu’on n’ébranlât la solidité du mur. Ce lit fait, on en recommence un autre, & ainsi de suite, jusqu’à

ce que l’on soit arrivé au rez-de-chaussée.

De la pierre en général. De tous les matériaux compris sous le nom de maçonnerie, la pierre tient aujourd’hui le premier rang ; c’est pourquoi nous expliquerons ses différentes especes, ses qualités, ses défauts, ses façons & ses usages ; après avoir dit un mot des carrieres dont on la tire, & cité les auteurs qui ont écrit de l’art de les réunir ensemble, pour parvenir à une construction solide, soit en enseignant les développemens de leur coupe, de leurs joints & de leurs lits relativement à la pratique, soit en démontrant géométriquement la rencontre des lignes, la nature des courbes, les sections des solides, & les connoissances qui demandent une étude particuliere.

On distingue deux choses également intéressantes dans la coupe des pierres, l’ouvrage & le raisonnement, dit Vitruve ; l’un convient à l’artisan, & l’autre à l’artiste. Nous pouvons regarder Philibert Delorme, en 1567, comme le premier auteur qui ait traité méthodiquement de cet art. En 1642, Mathurin Jousse y ajouta quelques découvertes, qu’il intitula, le secret de l’Architecture. Un an après, le P. Deraut fit paroître un ouvrage encore plus profond sur cet art, mais plus relatif aux besoins de l’ouvrier. La même année, Abraham Bosse mit au jour le système de Desargue. En 1728, M. de la Rue renouvella le traité du P. Deraut, le commenta, & y fit plusieurs augmentations curieuses ; ensorte que l’on peut regarder son ouvrage comme le résultat de tous ceux qui l’avoient précédé sur l’art du trait. Enfin, en 1737, M. Fraizier, ingénieur en chef des fortifications de Sa Majesté, en a démontré la théorie d’une maniere capable d’illustrer cette partie de l’Architecture, & la mémoire de ce savant.

Il faut savoir qu’avant que la géométrie & la méchanique fussent devenues la base de l’art du trait pour la coupe des pierres, on ne pouvoit s’assurer précisément de l’équilibre & de l’effort de la poussée des voutes, non plus que de la résistence des piés droits, des murs, des contreforts, &c. de maniere que l’on rencontroit lors de l’exécution des difficultés que l’on n’avoit pu prévoir, & qu’on ne pouvoit résoudre qu’en démollissant ou retondant en place les parties défectueuses jusqu’à ce que l’œil fût moins mécontent ; d’où il résultoit que ces ouvrages coutoient souvent beaucoup, & duroient peu, sans satisfaire les hommes intelligens. C’est donc à la théorie qu’on est maintenant redevable de la légéreté qu’on donne aux voutes de différentes especes, ainsi qu’aux voussures, aux trompes, &c. & de ce qu’on est parvenu insensiblement à abandonner la maniere de bâtir des derniers siecles, trop difficile par l’immensité des poids qu’il falloit transporter & d’un travail beaucoup plus lent. C’est même ce qui a donné lieu à ne plus employer la méthode des anciens, qui étoit de faire des colonnes & des architraves d’un seul morceau, & de préférer l’assemblage de plusieurs pierres bien plus faciles à mettre en œuvre. C’est par le secours de cette théorie que l’on est parvenu à soutenir des plate-bandes, & à donner à l’architecture ce caractere de vraissemblance & de légéreté inconnue à nos prédécesseurs. Il est vrai que les architectes gothiques ont poussé très-loin la témérité dans la coupe des pierres, n’ayant, pour ainsi dire, d’autre but dans leurs ouvrages que de s’attirer de l’admiration. Malgré nos découvertes, nous sommes devenus plus modérés ; & bien-loin de vouloir imiter leur trop grande hardiesse, nous ne nous servons de la facilité de l’art du trait que pour des cas indispensables relatifs à l’économie, ou à la sujétion qu’exige certain genre de construction : les préceptes n’enseignant pas une singularité présomptueuse, & la vraissemblance de-