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ché suffragant de Lyon. César en parle dans ses commentaires, l. VII. & l’appelle Matisco. Les tables de Peutinger en parlent aussi ; mais Strabon & Ptolomée n’en disent rien. Il y a cinq à six cens ans, que par une transposition assez ordinaire, on changea Matisco en Mastico ; & c’est de-là, qu’est venue la vicieuse orthographe qui écrit Mascon.

Cette ville appartenoit anciennement aux Eduéens, Ædui ; on ne sait pas précisément le tems où elle en a été séparée ; mais elle étoit érigée en cité, lorsque les Bourguignons s’en rendirent les maîtres.

L’évêché de Mâcon vaut environ vingt mille livres de rente, & n’est composé que de deux cens paroisses. On ignore le tems de cet établissement ; on sait seulement que le premier de ses évêques, dont on trouve le nom, est Placidus, qui assista au troisieme concile d’Orléans.

Cette petite ville où l’on ne compte qu’environ huit mille ames, se sentit cruellement des desordres que les guerres sacrées causerent en France dans le xvj. siecle ; siecle abominable, auprès duquel la génération présente, toute éloignée de la vertu qu’elle est, peut passer pour un siecle d’or, au-moins par son esprit de tolérance en matiere de religion ! Il n’est pas possible d’abolir la mémoire des jours d’aveuglement, de sang, & de rage, qui nous ont précédés. Quelque fâcheux qu’en soit le récit pour l’honneur du nom françois & du nom chrétien, les seules sauteries de Mâcon, exécutées par Saint-Point, sont mieux immortalisées, que celles que Tibere mit en usage dans l’île de Caprée, quoiqu’un célebre historien, traduit dans toutes les langues, & cent fois imprimé, les ait insérées dans la vie de cet empereur odieux.

Mâcon est situé sur le penchant d’un côteau, proche de la Sône, à quatre lieues S. de Tournus, quatre E. de Cluny, 15 N. de Lyon, 90 S. de Paris. Long. 22. 23. lat. 46. 20. (D. J.)

MAÇON, s. m. (Architect.) artisan employé ordinairement sous la direction d’un architecte à élever un bâtiment. Il y a des auteurs qui le dérivent du mot latin barbare machio, machiniste, parce que les Maçons sont obligés de se servir de machines pour élever les murailles. Ducange fait venir ce mot de maceria, nom qu’on donnoit à une longue clôture de mur pour fermer les vignes, à quoi on imagine que les Maçons ont été d’abord employés ; maçon est maceriarum constructor : M. Huet le dérive de mas, vieux mot qui signifie maison ; ainsi maçon est une personne qui fait des mas ou des maisons : dans la basse latinité on appelloit un maçon magister, comacinus, ce que Lindenbroeck fait venir de comacina. C’est dans la Romagne où se trouvoient les meilleurs architectes du tems des Lombards.

Le principal ouvrage du maçon est de préparer le mortier, d’élever les murailles depuis le fondement jusqu’à la cime, avec les retraites & les à-plombs nécessaires, de former les voûtes, & d’employer les pierres qu’on lui donne.

Lorsque les pierres sont grosses, c’est aux Tailleurs de pierres (que l’on confond souvent avec les Maçons) à les tailler, ou à les couper ; les ornemens de sculpture se font par les Sculpteurs en pierres ; les outils dont se servent les Maçons sont la ligne, la regle, le compas, la toise & le pié, le niveau, l’équerre, le plomb, la hachette, le marteau, le décintroir, la pince, le ciseau, le riflar, la truelle, la truelle brétée, l’auge, le sceau, le balai, la pelle, le tamis, le panier, le rabot, l’oiseau, la brouette, le bar, la pioche & le pic. Voyez ces différens noms, & nos Pl. de Maçon.

Outre les instrumens nécessaires pour la main, ils ont aussi des machines pour lever de grands fardeaux ; ce sont la grue, le gruau ou engin, le quin-

dal, la chevre, le treuil, les moufles, le levier.

Pour conduire de grosses pierres, ce sont le chariot, le bar, les madriers, les rouleaux. Voyez nos Pl.

MAÇONNÉ, en termes de Blason, se dit des traits, des tours, pans de murs, châteaux, & autres bâtimens.

Pontevez en Provence, de gueules au pont de deux arches d’or, maçonné de sable.

MAÇONNERIE, sub. fém. (Arts méchaniques.)

De la Maçonnerie en général. Sous le nom de Maçonnerie, l’on entend non-seulement l’usage & la maniere d’employer la pierre de différente qualité, mais encore celle de se servir de libaye, de moilon, de plâtre, de chaux, de sable, de glaise, de roc, &c. ainsi que celle d’excaver les terres pour la fouille des fondations[1] des bâtimens, pour la construction des terrasses, des taluds, & de tout autre ouvrage de cette espece.

Ce mot vient de maçon ; & celui-ci, selon Isidore, du latin machio, un machiniste, à cause des machines qu’il emploie pour la construction des édifices & de l’intelligence qu’il lui faut pour s’en servir ; & selon M. Ducange, de maceriæ, muraille, qui est l’ouvrage propre du maçon.

Origine de la Maçonnerie. La Maçonnerie tient aujourd’hui le premier rang entre les arts mécaniques qui servent à la construction des édifices. Le bois avoit d’abord paru plus commode pour bâtir, avant que l’on eût connu l’usage de tous les autres matériaux servant aujourd’hui à la construction.

Anciennement les hommes habitoient les bois & les cavernes, comme les bêtes sauvages. Mais, au rapport de Vitruve, un vent impétueux ayant un jour par hasard poussé & agité vivement des arbres fort près les uns des autres, ils s’entrechoquerent avec une si grande violence, que le feu s’y mit. La flamme étonna d’abord ces habitans : mais s’étant approchés peu-à-peu, & s’étant apperçu que la température de ce feu leur pouvoit devenir commode. ils l’entretinrent avec d’autres bois, en firent connoître la commodité à leurs voisins, & y trouverent par la suite de l’utilité.

Ces hommes s’étant ainsi assemblés, poussoient de leurs bouches des sons, dont ils formerent par la suite des paroles de différentes especes, qu’ils appliquerent chacune à chaque chose, & commencerent à parler ensemble, & à faire société. Les uns se firent des huttes[2] avec des feuillages, ou des loges qu’ils creuserent dans les montagnes. Les autres imitoient les hirondelles, en faisant des lieux couverts. de branches d’arbres, & de terre grasse. Chacun se glorifiant de ses inventions, perfectionnoit la maniere de faire des cabanes, par les remarques qu’il faisoit sur celles de ses voisins, & bâtissoit toûjours de plus en plus commodément.

Ils planterent ensuite des fourches entrelacées de branches d’arbre, qu’ils remplissoient & enduisoient de terre grasse pour faire les murailles.

Ils en bâtirent d’autres avec des morceaux de terre grasse desséchés, élevés les uns sur les autres, sur lesquels ils portoient des pieces de bois en travers qu’ils couvroient de feuilles d’arbres, pour s’y mettre à l’abri du soleil & de la pluie ; mais ces couvertures n’étant pas suffisantes pour se défendre contre les mauvais tems de l’hiver, ils imaginerent des especes de combles inclinées qu’ils enduisirent de terre grasse pour faire écouler les eaux.

  1. On distingue ce mot d’avec fondement, en ce que le premier est l’excavation ou la fouille faite dans la terre pour recevoir un massif capable de supporter l’édifice que l’on veut construire, & le second est le massif même : cependant on confond quelquefois ces deux mots dans la pratique ; mais ce que l’on en dit les fait bientôt distinguer.
  2. Espece de baraque ou cabane.