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dans l’eau, ou dans la vase ou le sable ; de sorte qu’il n’en peut provenir d’autre incommodité que quelques débris qui ne vont pas loin, & une fraction de vitres, tuiles, portes, & autres bagatelles, par la grande compression de l’air causée par l’agitation extraordinaire ; c’est pourquoi on l’a refondue, la regardant comme inutile.

» Celle-ci contenoit huit milliers de poudre ; elle avoit neuf piés de longueur, & cinq de diametre en dehors, six pouces d’épaisseur ; mais quand je l’ai fait rompre, j’ai trouvé que le noyau avoit tourné dans le moule, & que toute l’épaisseur étoit presque d’un côté, & peu de choses de l’autre ; ce qui ne se peut guere éviter, parce que la fonte coulant dans le moule, rougit le chapelet de fer qui soutient le noyau, dont le grand poids fait plier le chapelet.

Il se rapportoit dessus un chapiteau, dans lequel étoit ajusté la fusée, qui s’arrêtoit avec deux barres de fer qui passoient dans les anses.

La fusée étoit un canon de mousquet rempli de composition bien battue ; ce qui ne valoit rien, par la raison que la crasse du salpêtre bouchoit le canon lorsque la fusée étoit brûlée à demi, ce qui faisoit éteindre la fusée. Ainsi les Anglois ont été obligés de mettre le feu au bâtiment de leur machine, pour qu’il parvînt ensuite à la poudre ». Mémoires d’Artillerie, par M. de Saint-Remy.

Machine a mater, (Marine.) c’est celle qui sert à élever & poser les mâts dans un vaisseau ; elle est faite à peu près comme une grue ou un engin que l’on place sur un ponton. Quelquefois on ne se sert que d’un ponton avec un mât, un vindas avec un cabestan, & des seps de drisse. (Z)

Machine, en Architecture, est un assemblage de pieces de bois disposées, de maniere qu’avec le secours de poulies, mouffles & cordages, un petit nombre d’hommes peuvent enlever de gros fardeaux, & le poser en place, comme sont le vindas, l’engin, la grue, le grueau, le treuil, &c. qui se montent & démontent selon le besoin qu’on en a. Voyez nos Pl. de Charp.

Machine pyrique, (Artificier.) c’est un assemblage de pieces d’artifice, rangées sur une carcasse de tringles de bois ou de fer, disposées pour les recevoir & diriger la communication de leurs feux, comme sont celles qui paroissent depuis quelques années sur le théâtre italien à Paris.

Machine, (Peinture.) terme dont on se sert en Peinture, pour indiquer qu’il y a une belle intelligence de lumiere dans un tableau. On dit voilà une belle machine ; ce peintre entend bien la machine. Et lorsqu’on dit une grande machine, il signifie non-seulement belle intelligence de lumieres, mais encore grande ordonnance, grande composition.

Machine a forer, voyez l’article Forer. Cette machine soulage l’ouvrier, lorsque les pieces qu’il a à percer ne peuvent l’être à la poitrine. L’ouvrier fore à la poitrine, lorsqu’il pose la palette à forer contre sa poitrine, qu’il appuie du bout rond le foret contre la palette, & qu’en poussant & faisant tourner le foret avec l’archet, il fait entrer le bout aigu du foret dans la piece à percer. La machine qui le dispense de cette fatigue, est composée de trois pieces, la palette, la vis & l’écrou à queue. La palette est toute de fer ; le bout de sa queue est recourbé en crochet : ce crochet ou cette queue recourbée, se place dans l’épaisseur de l’établi. Au-dessous de la palette il y a un œil qui correspond à la boîte de l’étau, pour recevoir la vis de la machine à forer. A un des bouts de la vis il y a un crochet en rond, qui sert à accrocher cette vis sur la boîte, & la partie taraudée passe par l’œil de la queue de la palette. C’est à la partie qui excede l’œil, que se met

l’écrou à queue, de sorte que le compagnon qui a posé le crochet de la palette à une distance convenable de l’étau, suivant la longueur du forêt, en tournant l’écrou, force la palette sur laquelle est posée le foret, à le presser contre la piece qu’il veut percer, & qui est entre les mâchoires de l’étau. Au moyen de la vis & des autres parties de cette machine, l’ouvrier a toute sa force, & réussit en très peu de tems à forer une piece dont il ne viendroit peut-être jamais à bout.

Machine pour la tire, instrument du métier d’étoffe de soie. Ce qu’on appelle machine pour servir au métier des étoffes de soie est d’une si grande utilité, qu’avant qu’elle eut été inventée par le sieur Garon de Lyon, il falloit le plus souvent deux filles à chaque métier d’étoffes riches pour tirer ; depuis qu’elle est en usage, il n’en faut qu’une, ce qui n’est pas une petite économie, outre qu’au moyen de cette machine l’étoffe se fait infiniment plus nette.

Le corps de cette machine est simple ; c’est aussi sa simplicité qui en fait la beauté : c’est un bois de trois pouces en quarré qui descend de l’estave du métier au côté droit de la tireuse, qui va & vient librement. De ce bois quarré, il se présente à côté du temple deux fourches rondes, & une troisieme qui est aussi ronde qui tient les deux autres ; elle monte directement à côté du premier bois dont il est ci-dessus parlé. La fille pour se servir de cette machine, tire à elle son lacs, passe la main derriere, & entrelace ses cordes de temple entre les deux fourches qui sont à côté, & après les avoir enfilées, elle prend la fourche qui monte en haut, & à mesure qu’elle la descend en la tirant, elle fait faire en même tems un jeu aux deux fourches qui embrassent les cordes. Par ce mouvement elle tire net, & facilite l’ouvrier à passer sa navette sans endommager l’étoffe. Après que le coup est passé, elle laisse partir sa machine qui s’en retourne d’elle même sans poids ni contrepoids pour la renvoyer ; la main seule de la tireuse suffit. Voyez cette machine dans nos Pl. de Soierie.

Machine, (Littérat.) en poëme dramatique se dit de l’artifice par lequel le poëte introduit sur la scene quelque divinité, génie, ou autre être surnaturel, pour faire réussir quelque dessein important, ou surmonter quelque difficulté supérieure au pouvoir des hommes.

Ces machines, parmi les anciens, étoient les dieux, les génies bons ou malfaisans, les ombres, &c. Shakespear, & nos modernes françois avant Corneille, employoient encore la derniere de ces ressources. Elles ont tiré ce nom des machines ou inventions qu’on a mis en usage pour les faire apparoître sur la scène, & les en retirer d’une maniere qui imite le merveilleux.

Quoique cette même raison ne subsiste pas pour le poëme épique, on est cependant convenu d’y donner le nom de machines aux êtres surnaturels qu’on y introduit. Ce mot marque & dans le dramatique & dans l’épopée l’intervention ou le ministere de quelque divinité ; mais comme les occasions qui peuvent dans l’une & l’autre amener les machines, ou les rendre nécessaires, ne sont pas les mêmes, les regles qu’on y doit suivre sont aussi différentes.

Les anciens poëtes dramatiques n’admettoient jamais aucune machine sur le théâtre, que la présence du dieu ne fût absolument nécessaire, & ils étoient siflés lorsque par leur faute ils étoient réduits à cette nécessité, suivant ce principe fondé dans la nature, que le dénouement d’une piece doit naître du fond même de la fable, & non d’une machine étrangere, que le génie le plus stérile peut amener pour se tirer tout-à-coup d’embarras, comme dans Médée qui se dérobe à la vengeance de Créon, en fendant les airs sur un char traîné par des dragons aîlés. Horace