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cernant la religion appartiendra aux archevêques & évêques. Il est enjoint aux cours de parlement & à tous autres juges séculiers, de la renvoyer aux prélats ; de leur donner l’aide dont ils ont besoin pour l’exécution des censures, & de procéder à la punition des coupables, sans préjudice à ces mêmes cours & juges, de pourvoir par les autres voies qu’ils estimeront convenables à la réparation du scandale & trouble de l’ordre, & tranquillité publique, & contravention aux ordonnances, que la publication de la doctrine auroit pu causer.

La connoissance des causes concernant les sacremens, les yœux de religion, l’office divin, la discipline ecclésiastique & autres purement spirituelles, est déclarée appartenir aux juges d’Eglise, & il est enjoint aux cours & autres juges de leur en laisser, & même de leur en renvoyer la connoissance, sans prendre aucune jurisdiction ni connoissance des affaires de cette nature, à moins qu’il n’y eût appel comme d’abus de quelques jugemens, ordonnances ou procédures émanées des juges d’Eglise, ou qu’il fût question d’une succession ou autres effets civils.

Les cours ne peuvent connoître ni recevoir d’autres appellations des ordonnances & jugemens des juges d’Eglise, que celles qui sont qualifiées comme d’abus.

Les procès criminels qu’il est nécessaire de faire à des prêtres, diacres, soudiacres, ou clercs vivans cléricalement, résidans & servans aux offices, ou aux ministeres & bénéfices qu’ils tiennent en l’Eglise, & qui sont accusés des cas que l’on appelle privilégiés, doivent être instruits conjointement par les juges d’Eglise, & par les baillis & sénéchaux ou leurs lieutenans, en la forme prescrite par les ordonnances, & particulierement par l’article 22 de l’édit de Melun, par celui du mois de Février 1678, & par la déclaration du mois de Juillet 1684.

Les archevêques & évêques ne sont obligés de donner des vicariats pour l’instruction & jugement des procès criminels, à moins que les cours ne l’ayent ordonné, pour éviter la recousse des accusés durant leur translation, & pour quelques raisons importantes à l’ordre & au bien de la justice dans les procès qui s’y instruisent ; & en ce cas les prélats choisissent tels conseillers-clercs desdites cours qu’ils jugent à propos, pour instruire & juger le procès pour le délit commun.

La jurisdiction ecclésiastique est de deux sortes ; sçavoir volontaire & contentieuse.

La jurisdiction volontaire est ainsi appellée, non pas qu’elle s’exerce toujours inter volentes, mais parce qu’elle s’exerce ordinairement sans qu’il y ait aucune contestation des parties ; ou s’il y a quelque contestation entre les parties, l’évêque n’en connoît que sommairement & de plano, comme il arrive dans le cours des visites & autres occasions semblables. Elle s’exerce au for intérieur & au for extérieur. Celle qui s’exerce au for intérieur & de conscience, s’appelle pénitencielle, & regarde particulierement le sacrement de pénitence ; elle est administrée par les évêques mêmes, par leurs pénitenciers, par les curés & par les confesseurs.

La jurisdiction volontaire qui s’exerce au for extérieur, consiste à donner des dimissoires pour chacun des ordres, des permissions de précher & de confesser ; à approuver les vicaires qui servent dans les paroisses, approuver les maîtres & maîtresses des petites écoles ; donner aux prêtres étrangers la permission de célébrer dans le diocese, donner la permission de faire des annexes ; conférer les bénéfices qui sont à la collation de l’évêque dans des mois libres ; à ériger, diviser ou unir des cures & autres bénéfices. Dans toutes ces matieres, la jurisdiction

volontaire de l’évêque est aussi qualifiée de jurisdiction gracieuse, parce que l’exercice en dépend de la seule prudence de l’évêque, & que ceux qu’il a refusés ne peuvent pas se plaindre de son refus ; c’est pourquoi il n’est pas tenu d’en exprimer les motifs.

Il y a encore d’autres actes qui appartiennent à la jurisdiction volontaire, mais qui ne sont pas de jurisdiction gracieuse ; comme la collation des bénéfices à des pourvus de cour de Rome, à des présentés par des patrons, à des gradues & autres expectans, auxquels il est obligé de conférer, à moins qu’il n’y ait des causés légitimes pour les refuser ; c’est pourquoi dans ces cas il est obligé d’exprimer les causes du refus, afin que le supérieur puisse connoître si le refus est bien ou mal fondé ; comme de bénir les églises, chapelles, cimetieres, & les reconcilier ; visiter les lieux saints, les vases sacrés & ornemens nécessaires au service divin ; faire là visite des curés, vicaires, marguilliers, des régens, des pauvres, des pécheurs publics & scandaleux, des monasteres ; donner des dispenses pour l’ordination, des dispenses pour relever des vœux ou des irrégularités, des dispenses de bans de mariage & des empêchemens de mariage ; prononcer des censures, accorder des absolutions des cas reservés à l’évêque & des censures.

La jurisdiction contentieuse qui s’exerce toujours au for extérieur, est celle qui s’exerce avec solemnité & avec les formes prescrites par le droit, pour terminer les différends des parties, ou pour punir les crimes qui sont de la compétence de la jurisdiction ecclésiastique, suivant ce qui a été expliqué précédemment ; telles sont les causes concernant les sacremens, les vœux de religion, l’office divin, la discipline ecclésiastique, & autres purement spirituelles ; telles sont aussi les causes personnelles entre clercs, ou dans lesquelles le défendeur est clerc ; les causes de réclamation contre les ordres sacrés ; la fulmination des bulles & autres signatures, dont l’exécution est adressée à l’official de l’évêque.

Au reste le privilege des clercs pour la jurisdiction ecclésiastique est restraint à ceux qui sont actuellement au service de quelque église, ou qui étudient dans quelque université, ou qui sont pourvus de de quelque bénéfice.

Les réguliers soumis à la jurisdiction de l’évêque, par rapport à la prédication & à la confession, & pour les fonctions curiales à l’égard de ceux qui possedent des cures, pour la réclamation contre leurs vœux, & la translation à un autre ordre.

Les laïques mêmes sont en certains cas soumis à la jurisdiction contentieuse de l’évêque ; savoir pour les demandes en accomplissement pu en nullité des promesses de mariage quoad fadus, pour les demandes en dissolution de mariage, pour causes d’impuissance ou autres moyens de nullité, pour l’entérinement des dispenses que l’on obtient en cour de Rome sur les empêchemens de mariage.

L’évêque peut commettre à des grands vicaires l’exercice de sa jurisdiction volontaire & gracieuse, soit en tout ou partie ; il lui est libre aussi de l’exercer par lui-même.

Pour ce qui est de la jurisdiction contentieuse, les évêques l’exerçoient aussi autrefois en personne ; présentement ils ne peuvent juger eux mêmes les affaires contentieuses, à moins que ce ne soit de plano, & dans le cours de leurs visites, ils doivent renvoyer à leurs officiaux les affaires qui méritent d’être instruites dans les formes.

Il est néanmoins d’usage en quelques diocèses, que le nouvel évêque est installé à l’officialité, & y juge ce jour là les causes qui se présentent avec l’avis du doyen & du chapitre. Cela fut pratiqué le 2 Juin 1746 pour M. de Bellefonds, archevêque de Paris.