Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/748

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

France, en Italie, en Espagne & en Portugal. La farine de sa graine est de quelque usage en médecine dans les cataplâmes résolutifs.

On cultive les lupins en Toscane, non-seulement pour servir de nourriture au peuple, mais encore pour engraisser les terres. On les employoit déja au même usage du tems de Pline, qui les vante comme un excellent fumier pour engraisser les champs & vignobles. On les seme en Angleterre parmi les panais pour la nourriture du bétail.

On cultive les plus belles especes de lupins à fleurs bleues, jaunes, pourpres, incarnates, pour des bordures de jardins, où elles donnent un coup-d’œil agréable, en produisant pendant long tems une succession de fleurs, lorsqu’on les seme en Avril, en Mai & Juin dans le même endroit où l’on veut les laisser à demeure ; voyez Miller qui vous apprendra les détails, tandis que je vais dire un mot de l’usage que les anciens ont fait de la graine, qu’ils nommoient lupin comme nous. (D. J.)

Lupin, (Littér.) en latin lupinus ou lupinum, semence de lupin.

Du tems de Galien, on faisoit souvent usage des graines de lupin pour la table ; aujourd’hui on n’en mange plus. Lorsqu’on les macere dans l’eau chaude, ils perdent leur amertume & deviennent agréables au goût. On les mangeoit cuits avec de la saumure simple, ou avec de la saumure & du vinaigre, ou même assaissonnés seulement avec un peu de sel. Pline rapporte que Protogene travaillant à ce chef d’œuvre du Jalyse, pour l’amour duquel Démétrius manqua depuis de prendre Rhodes, ne voulut pendant long-tems se nourrir que de lupins simplement apprêtés, de peur que d’autres mets ne lui rendissent les sens moins libres ; je ne conseillerois pas ce régime à tous les Artistes, mais je loue le principe qui guidoit le rival d’Apelle & l’ami d’Aristote.

Les comédiens & les joueurs à Rome se servoient quelquefois de lupins, au lieu d’argent ; & on y imprimoit une certaine marque pour obvier aux friponneries : cette monnoie fictive couroit entr’eux, pour représenter une certaine valeur qui ne passoit que dans leur société. De là vient qu’Horace, ep. VII. l. I. dit qu’un homme sensé connoît la différence qu’il y a entre l’argent & les lupins.

Nec tamen ignorat quid distent æra lupinis.

Il y a un passage assez plaisant à ce sujet dans le Pœnulus de Plaute, act. III. sce ze II. le voici :

Aga. Agite, inspicite, aurum est. Col. Profecto,
Spectatores, comicum !
Macerato hoc pingues fiunt auro, in barbariâ boves.

« Aga, c’est de l’or. Col. oui, ma foi, messieurs, c’est de l’or de comédie ; c’est de cet or dont on se sert en Italie pour engraisser les bœufs ».

Il paroît par une loi de Justinien, liv. I. cod. titre de Alcatoribus, que les joueurs se servoient souvent de lupins, au lieu d’argent, comme nous nous servons de jettons : « Si quelqu’un, dit la loi, a perdu au jeu des lupins ou d’autres marques, celui qui a gagné ne pourra s’en faire payer la valeur ».

Je ne sai d’où vient l’origine de lupin ; mais je ne puis la tirer du grec λύπη, tristesse, parce que les anciens Grecs ne font point mention de ce légume ; il n’étoit connu qu’en Italie ; c’est donc plutôt à cause de son amertume, que Virgile appelle lupin, triste, triste. On corrigeoit, comme j’ai dit, ce défaut en faisant cuire la graine dans de l’eau bouillante que l’on jettoit ; ensuite on les égouttoit bien & on les apprétoit. (D. J.)

Lupin, (Mat. med.) on n’emploie que la semence de cette plante ; elle a une saveur herbacée, amere, très-desagréable.

Galien & Pline assûrent que de leur tems les lupins

étoient un aliment assez ordinaire ; le dernier de ces auteurs rapporte que Protogene n’avoit vécu que de lupins pendant le tems qu’il étoit occupé à peindre un célebre tableau. Plusieurs modernes ont avancé au contraire avec Averroés, que la graine de lupin prise intérieurement étoit un poison, & ont rapporté des faits sur lesquels ils ont appuyé cette opinion : mais ces faits sont peu concluans, & s’il est vrai que les lupins avalés avec toute leur amertume naturelle ayent occasionné une irritation considérable dans les organes de la digestion, & même quelques agitations convulsives dans les sujets foibles ; il est au moins très-vraissemblable que ce légume n’a aucune qualité dangereuse, lorsqu’il a perdu son amertume, dont on le dépouille facilement en le faisant macérer dans de l’eau. Quoi qu’il en soit, nos paysans même les plus pauvres n’en mangent pas, nos Peintres ne s’avisent pas de se mettre au lupin pour toute nourriture lorsqu’ils exécutent les plus grands ouvrages, & on ne les ordonne point intérieurement comme remede.

On n’emploie les lupins qu’extérieurement, soit en décoction, soit en substance, & réduits en farine. La décoction de lupins, appliquée en fomentation, passe pour guérir les dartres, la teigne & les autres maladies de la peau. La farine de lupin est une des quatre farines résolutives. Voyez Farines résolutives, les quatre. (b)

LUPINASTRE, s. m. lupinaster, (Botan.) nouveau genre de plante établi par Buxbaum, qui lui a donné ce nom à cause de sa ressemblance aux caracteres du lupin.

Les fleurs du lupinastre sont légumineuses, d’un pourpre bleu ; elles s’élevent hors du calice, forment une tête, & sont soutenues par un long pédicule qui sort des aisselles des feuilles ; le calice est divisé en plusieurs segmens ; les tiges ne montent qu’à la hauteur de sept ou huit pouces ; les feuilles sont en éventail, ou en main ouverte, longues, d’un verd bleuâtre, finement dentelées & élégamment cannelées. Elles naissent au nombre de six, sept ou huit portées sur une queue, qui part d’une membrane jaunâtre, dont la tige est revêtue ; les gousses sont longues, applaties ; les graines sont noires & taillées en forme de rein. Cette plante croit en abondance sur les bords du Volga. Voyez les Mémoires de Petersbourg, vol. II. p. 346. (D. J.)

LUQUOISE, s. f. (Commerce.) sorte d’étoffe de soie ; elle est montée à huit lisses, & elle a autant de lisses pour rabattre, qu’elle en a pour lever, de maniere qu’à chaque coup de la tête on fait baisser une lisse de rabat, & on passe la navette de la même couleur, ce qui fait un diminutif du lustrine. Voyez l’article Lustrine. La chaîne en est très-menue, ainsi que la trame.

LUSACE, la, Lusatia, & en allemand Lausnitz, (Géog.) province d’Allemagne dans la Saxe, bornée N. par le Brandebourg, E. par la Silésie, S. par la Bohème, O. par la Misnie. On la divise en haute & en basse. La haute appartient à l’électeur de Saxe depuis 1636. Bautzen, ou Budissen en est la capitale. La basse est partagée entre le roi de Prusse, l’électeur de Saxe & le duc de Mersebourg. M. Spener prétend que la Lusace a été nommée par les anciens auteurs, pagus Luzizorum ; &, en effet, la description donnée par Dirmar de Lucizi pagus convient fort à ce pays. Comme la Lusace contient six villes, savoir Gorlitz, Bautsen, Sittau, Camitz, Luben & Guben, les Allemands l’appellent quelquefois die sechs Stædten, c’est-à-dire les six villes. L’empereur Henri I. l’érigea en marquisat, & Henri IV. l’annexa à la Bohème. Voyez Heiss, Hist. de l’empire, liv. VI. chap. viij.

Quoique la Lusace soit une assez grande province, on peut dire que M. Tschirnaus lui a fait honneur