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& plus distinctement, qu’il ne les voyoit auparavant à la vûe simple. Ce nouveau phénomene le frappa ; il le fit voir à son pere, qui sur le champ assembla ces mêmes verres & d’autres semblables, dans des tubes de quatre ou cinq pouces de long, & voilà la premiere découverte des lunettes d’approche.

Elle se divulgua promptement dans toute l’Europe, & elle fut faite selon toute apparence en 1609 ; car Galilée publiant en 1610 ses observations astronomiques avec les lunettes d’approche, reconnoît dans son Nuncius sydereus, qu’il y avoit neuf mois qu’il étoit instruit de cette découverte.

Une chose assez étonnante, c’est comment ce célebre astronome, avec une lunette qu’il avoit faite lui-même sur le modele de celles de Hollande, mais très-longue, put reconnoître le mouvement des satellites de Jupiter. La lunette d’approche de Galilée avoit environ cinq piés de longueur ; or plus ces sortes de lunettes sont longues, plus l’espace qu’elles font appercevoir est petit.

Quoiqu’il en soit, Képler mit tant d’application à sonder la cause des prodiges que les lunettes d’approche découvroient aux yeux, que malgré ses travaux aux tables rudolphines, il trouva le tems de composer son beau traité de Dioptrique, & de le donner en 1611, un an après le Nuncius sydereus de Galilée.

Descartes parut ensuite sur les rangs, & publia en 1637 son ouvrage de Dioptrique, dans lequel il faut convenir qu’il a poussé fort loin sa théorie sur la vision, & sur la figure que doivent avoir les lentilles des lunettes d’approche ; mais il s’est trompé dans les espérances qu’il fondoit sur la construction d’une grande lunette, avec un verre convexe pour objectif, & un concave pour oculaire. Une lunette de cette espece, ne feroit voir qu’un espace presque insensible de l’objet. M. Descartes ne songea point à l’avantage qu’il retireroit de la combinaison d’un verre convexe pour oculaire ; cependant sans cela, ni les grandes lunettes, ni les petites, n’auroient été d’aucun usage pour faire des découvertes dans le ciel, & pour l’observation des angles. Képler l’avoit dit, en parlant de la combinaison des verres lenticulaires : duobus convexis, majora & distincta præstare visibilia, sed everso situ. Mais Descartes, tout occupé de ses propres idées, songeoit rarement à lire les ouvrages des autres. C’est donc à l’année 1611, qui est la date de la Dioptrique de Képler, qu’on doit fixer l’époque de la lunette à deux verres convexes.

L’ouvrage qui a pour titre, oculus Eliæ & Enoch, par le P. Reita capucin allemand, où l’on traite de cette espece de lunette, n’a paru que long-tems après. Il est pourtant vrai, que ce pere après avoir parlé de la lunette à deux verres convexes, a imaginé de mettre au-devant de cette lunette une seconde petite lunette, composée pareillement de deux verres convexes ; cette seconde lunette renverse le renversement de la premiere, & fait paroître les objets dans leur position naturelle, ce qui est fort commode en plusieurs occasions ; mais cette invention est d’une très-petite utilité pour les astres, en comparaison de la clarté & de la distinction, qui sont bien plus grandes avec deux seuls verres, qu’avec quatre, à cause de l’épaisseur des quatre verres, & des huit superficies, qui n’ont toûjours que trop d’inégalités & de défauts.

Cependant on a été fort long-tems sans employer les lunettes à deux verres convexes : ce ne fut qu’en 1659, que M. Huyghens inventeur du micrometre, les mit au foyer de l’objectif, pour voir distinctement les plus petits objets. Il trouva par ce moyen le secret de mesurer les diametres des planetes, après avoir connu par l’expérience du passage d’une étoile

derriere ce corps, combien de secondes de degrés il comprenoit.

C’est ainsi que depuis Métius & Galilée, on a combiné les avantages qu’on pourroit retirer des lentilles qui composent les lunettes d’approche. On sait que tout ce que nous avons de plus curieux dans les sciences & dans les arts, n’a pas été trouvé d’abord dans l’état où nous le voyons aujourd’hui : mais les beaux génies qui ont une profonde connoissance de la Méchanique & de la Géométrie, ont profité des premieres ébauches, souvent produites par le hasard, & les ont portées dans la suite au point de perfection dont elles étoient susceptibles. (D. J.)

Lunettes, (Fortificat.) ce sont dans la Fortification des especes de demi-lunes, ou des ouvrages à-peu-près triangulaires, composés de deux faces qui forment un angle saillant vers la campagne, & qui se construisent auprès des glacis ou au-delà de l’avant-fossé. Voyez Redoutes.

Les lunettes sont ordinairement fortifiées d’un parapet le long de leurs faces ; leur terreplein est au niveau de la campagne ; elles se placent communément vis-à-vis les angles rentrans du chemin couvert.

Pour construire une lunette A au delà d’un avant-fossé, soit, Pl. IV. de Fortif. fig. 3. ce fossé tracé vis-à-vis une place d’armes rentrante R du chemin couvert, on prendra des points a & e, sommets des angles rentrans de l’avant-fossé ab & ef de 10 ou 12 toises ; ensuite de ces points pris pour centre, & d’un intervalle de 30 ou 40 toises, on décrira deux arcs qui se couperont dans un point g duquel on tirera les lignes gb, gf, qui seront les faces de la lunette A.

La lunette a un fossé de 8 ou 10 toises de largeur, mené parallelement à ses faces, un parapet de 3 toises d’épaisseur, & de 7 ou 8 de hauteur. On éleve la banquette de ces ouvrages de maniere que le parapet n’ait que 4 piés & demi de hauteur au dessus. La pente de la partie supérieure ou de la plongée du parapet, se dirige au bord de la contrescarpe du fossé de la lunette.

On arrondit la gorge de la lunette par un arc décrit de l’angle rentrant h du glacis pris pour centre, & de l’intervalle he. La partie du glacis de la place vis-à-vis la lunette s’arrondit aussi en décrivant du point h & de l’intervalle hi un second arc parallele au premier.

Au-delà de l’avant-fossé on décrit un avant-chemin couvert qui l’enveloppe entierement & qui enveloppe aussi les lunettes. Elémens de fortificat.

Lunettes, grandes, (Fortificat.) Voyez Tenaillons.

Lunettes, petites, (Fortificat.) ce sont dans la Fortification des especes de places d’armes retranchées ou entourées d’un fossé & d’un parapet qu’on construit quelquefois dans les angles rentrans du fossé des bastions & des demi-lunes. Ces lunettes sont flanquées par le bastion & par la face de la demi-lune, dont elles couvrent une partie de la face.

Lunette, (Hydr.) est une piece que l’on ajoute à un niveau dans les grandes & longues opérations, où la vue ne suffiroit pas pour découvrir facilement les objets.

Lunette, (Architect.) est une espece de voûte qui traverse les reins d’un berceau, & sert à donner du jour, à soulager la portée, & empêcher la poussée d’une voûte en berceau. Lunette se dit aussi d’une petite vue pratiquée dans un comble ou dans une fleche de clocher, pour donner un peu de jour & d’air à la charpente. On appelle encore lunette un ais ou planche percée qui forme le siége d’un lieu d’aisance.