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vingt-un deniers huit grains trébuchant chacun, à la taille de huit pieces, onze douziemes de piece, au remede d’un douzieme de piece, & les autres especes à proportion. On n’avoit point encore fait de monnoie d’argent si pesante en France depuis le commencement de la monarchie. Les louis d’argent de Louis XV. ont été à la taille de huit, de dix au marc, & ont valu tantôt plus, tantôt moins, selon les opérations de finance, dont nous ne ferons pas ici l’éloge. Nous remarquerons seulement que les louis d’argent de soixante sols, se nomment à présent un petit écu, & que par-tout où il est parlé d’écus avant l’an 1641, il faut toujours l’entendre de l’écu d’or.

Louis d’or, (Monnoie.) piece de monnoie de France qu’on a commencé à fabriquer sous le regne de Louis XIII. en 1640.

Les louis d’or fabriqués alors & depuis, étoient à vingt-deux karats, & par conséquent plus foibles d’un karat que les écus d’or. Le louis d’or du poids de trois deniers six grains trébuchant, valoit dix livres ; celui de deux deniers quinze grains trébuchant, valoit cinq livres.

Mais il ne faut pas oublier de remarquer ici qu’on fabriqua pour la premiere fois en 1640, la majeure partie des louis d’or au moulin, dont enfin l’utilité fut reconnue & protégée par le chancelier Séguier, contre les oppositions & les cabales qui duroient depuis vingt-cinq ans, & qui avoient obligé Briot, l’auteur de cette invention, à la porter en Angleterre, où on n’hésita pas à l’adopter sur le champ.

On fit aussi dans ce tems-là, des demi-louis, des doubles louis, des quadruples, & des pieces de dix louis ; mais ces deux dernieres especes ne furent que des pieces de plaisir, & n’ont point eu cours dans le commerce. Le célebre Warrin en avoit fait les coins ; jamais les monnoies n’ont été si belles ni si bien monnoyées, que pendant que cet habile homme en a eu l’intendance.

Les louis d’or, ou comme nous les nommons simplement, les louis, n’ont changé ni de poids ni de titre, quoique leur prix idéal soit augmenté. Ceux qu’on fait aujourd’hui sont les mêmes, ou doivent être les mêmes que ceux qu’on faisoit sous Louis XIII. en 1640.

On trouvera, si l’on en est curieux, dans le Blanc, Boizard, & autres écrivains modernes, les différens changemens idéaux qui sont arrivés au prix du louis d’or, sous le regne de Louis XIV. & de Louis XV. jusqu’à ce jour ; mais il vaudra mieux lire les mots Especes (commerce), & Monnoie.

LOUISBOURG, (Géogr.) petite ville de l’Amérique septentrionale, dans la nouvelle France, capitale de l’Isle royale ; on la nommoit précédemment le Havre à l’Anglois. Elle est située au détroit, ou passage de Fronsac, qui sépare l’Isle royale de l’Acadie, sur une langue de terre qui forme l’entrée du port, & qui est très-bien fortifiée ; le port est aussi défendu par plusieurs batteries ; d’ailleurs le gouverneur de l’Isle royale, le conseil & l’état-major, avec une bonne garnison, font leur résidence à Louisbourg. Cependant elle fut prise en 1746 par les Anglois, après cinquante jours d’une vigoureuse défense. Ce ne fut point une opération du cabinet des ministres de Londres, comme le remarque M. de Voltaire ; ce fut le fruit de la hardiesse des négocians établis dans la nouvelle Angleterre. Ils armerent quatre mille hommes, les soudoyerent, les approvisionnerent, & leur fournirent des vaisseaux de transport. Tant une nation commerçante & guerriere est capable de grandes choses ! La long. de Louisbourg, à l’égard de Paris, est de 4d. 8′. 27″. selon M. de Lisle, dans les mémoires de l’académie des Sciences, ann. 1751.

Louisbourg a été reprise de nouveau par les Anglois en 1758.

LOUP, lupus, s. m. (Hist. nat. Zool.) animal quadrupede qui a beaucoup de rapport avec les grands chiens mâtins, pour la taille, les proportions du corps, & la conformation intérieure. Le principal trait qui distingue la face du loup de celle du mâtin, est dans la direction de l’ouverture des paupieres qui est fort inclinée, au lieu d’être horisontale, comme dans les chiens. Les oreilles sont droites. Le loup a le corps plus gros que le mâtin, les jambes plus courtes, la tête plus large, le front moins élevé, le museau un peu plus court & plus gros, les yeux plus petits & plus éloignés l’un de l’autre. Il paroît plus robuste, plus fort & plus gros ; mais la longueur du poil contribue beaucoup à cette apparence, principalement le poil de la tête qui est au-devant de l’ouverture des oreilles, celui du cou, du dos, des fesses, & de la queue qui est fort grosse. Les couleurs du poil sont le noir, le fauve, le gris, & le blanc mêlé différemment sur différentes parties. Le loup est très-carnassier, naturellement grossier & poltron, mais ingénieux par le besoin & hardi par nécessité. Il attaque en plein jour les animaux qu’il peut emporter, tels que les agneaux, les chevreaux, les petits chiens, quoiqu’ils soient sous la garde de l’homme. Mais lorsqu’il a été maltraité par les hommes ou par les chiens, il ne sort que la nuit ; il rôde autour des habitations ; il attaque les bergeries ; il creuse la terre pour passer sous les portes ; & lorsqu’il est entré, il met tout à mort avant de choisir & d’emporter sa proie. Lorsqu’il n’a pu rien trouver dans les lieux habités, il se met en quête au fond des bois ; il poursuit les animaux sauvages ; enfin, dans l’extrême besoin, il se jette sur les femmes & les enfans, & même sur les hommes. Les loups qui se sont accoûtumés à manger de la chair humaine en suivant les armées, attaquent les hommes par préférence : on les appelle loups-garoux, c’est-à-dire loup dont il faut se garer. Quoique le loup ressemble beaucoup au chien par la conformation du corps, cependant ils sont antipathiques par nature, & ennemis par instinct. Les jeunes chiens fuient les loups ; les chiens qui ont assez de force, les combattent à toute outrance. Si le loup est plus fort, il dévore sa proie : au contraire le chien abandonne le loup qu’il a tué ; il sert de pâture à d’autres loups, car ces animaux s’entre-dévorent : s’il s’en trouve un qui soit griévement blessé, les autres s’attroupent pour l’achever. On apprivoise de jeunes loups ; mais avec l’âge ils reprennent leur caractere féroce, & retournent, s’ils le peuvent, à leur état sauvage. Les louves deviennent en chaleur dans l’hiver ; les vieilles à la fin de Décembre, & les jeunes au mois de Février ou au commencement de Mars. Leur chaleur ne dure que douze ou quinze jours. Elles portent pendant environ trois mois & demi ; elles font ordinairement cinq ou six petits, quelquefois sept, huit, & même neuf, & jamais moins de trois. Elles mettent bas au fond d’un bois, dans un fort, sur une grande quantité de mousse qu’elles y apportent pour servir de lit à leurs petits. Ils naissent les yeux fermés comme les chiens ; la mere les alaite pendant quelques semaines, & leur donne ensuite de la chair qu’elle a mâchée. Au bout de six semaines ou deux mois, ils sortent avec la mere qui les mene boire ; ils la suivent ainsi pendant plusieurs mois ; elle les ramene au gîte ; les cache, lorsqu’elle craint quelque danger ; & si on les attaque, elle les défend avec fureur. Les mâles & les femelles sont en état d’engendrer à l’âge d’environ deux ans ; ils vivent quinze ou vingt ans. La couleur & le poil de ces animaux changent suivant les différens climats, & varie quelque-