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que l’on avoit prise pour le réprimer, les empereurs Valentinien & Valens défendirent en 367 à toutes personnes privées, hommes & femmes, de faire broder aucun vêtement ; les princes furent seuls exceptés de cette loi. Mais l’usage de la pourpre devint si commun, que les empereurs, pour arrêter cet abus, se réserverent à eux-seuls le droit d’envoyer à la pêche du poisson qui servoit à teindre la pourpre : ils firent faire cet ouvrage dans leur palais, & prirent des précautions pour empêcher que l’on n’en vendît de contrebande.

L’usage des étoffes d’or fut totalement interdit aux hommes par les empereurs Gratien, Valentinien & Théodose, à l’exception de ceux qui auroient obtenu permission d’en porter. Il arriva de-là que chacun prit l’habit militaire ; les sénateurs même affectoient de paroître en public dans cet habit. C’est pourquoi les mêmes empereurs ordonnerent aux sénateurs, greffiers & huissiers, lorsqu’ils alloient en quelqu’endroit pour remplir leurs fonctions, de porter l’habit de leur état ; & aux esclaves de ne porter d’autres habits que les chausses & la cape.

Les irruptions fréquentes que diverses nations firent dans l’empire sur la fin du iv. siécle, & au commencement du v. y ayant introduit plusieurs modes étrangeres, cela donna lieu de faire trois lois différentes, dans les années 397, 399 & 416, qui défendirent de porter dans les villes voisines de Rome & à Constantinople, & dans la province voisine, des cheveux longs, des hauts-de-chausse & des bottines de cuir, à peine contre les personnes libres, de bannissement & de confiscation de tous biens, & pour les esclaves, d’être condamnés aux ouvrages publics.

L’empereur Théodose défendit en 424, à toutes personnes sans exception, de porter des habits de soie, & des étoffes teintes en pourpre, ou mélées de pourpre, soit vraie ou contrefaite : il défendit d’en receler sous peine d’être traité comme criminel de lése-majesté.

Le même prince & Honorius, défendirent, sous la même peine, de contrefaire la teinture de couleur de pourpre.

Enfin, la derniere loi romaine somptuaire qui est de l’empereur Léon en 460, défendit à toutes personnes d’enrichir de perles, d’émeraudes ou d’hyacinthes, leurs baudriers, le frein des brides, ou les selles de leurs chevaux. La loi permit seulement d’y employer toutes autres sortes de pierreries, excepté aux mords de brides ; les hommes pouvoient avoir des agraffes d’or à leurs casaques, mais sans autres ornemens, le tout sous peine d’une amende de 50 livres d’or.

La même loi défendit à toutes personnes, autres que ceux qui étoient employés par le prince dans son palais, de faire aucuns ouvrages d’or ou de pierres précieuses, à l’exception des ornemens permis aux dames, & des anneaux que les hommes & les femmes avoient droit de porter. Ceux qui contrevenoient à cette partie de la loi, étoient condamnés en une amende de 100 livres d’or, & punis du dernier supplice.

En France, le luxe ne commença à paroître que sous Charlemagne, au retour de ses conquêtes d’Italie. L’exemple de la modestie qu’il donnoit à ses sujets n’étant pas assez fort pour les contenir, il fut obligé de faire une ordonnance en 808, qui défendit à toutes personnes de vendre ou acheter le meilleur sayon ou robe de dessous, plus cher que 20 sols pour le double, 10 sols le simple, & les autres à proportion, & le rochet qui étoit la robe de dessus, étant fourré de martre ou de loutre, 30 sols, & de peau de chat, 10 sols, le tout sous peine de 40 sols d’amende.

Il n’y eut point d’autres lois somptuaires en France jusqu’à Philippe le Bel, lequel en 1294 défendit aux bourgeois d’avoir des chars, & à tous bourgeois de porter aucune fourrure, or, ni pierres précieuses, & aux clercs de porter fourrure ailleurs qu’à leur chaperon, à moins qu’ils ne fussent constitués en dignité.

La quantité d’habits que chacun pouvoit avoir par an, est réglé par cette ordonnance ; sçavoir, pour les ducs, comtes, barons, de 6000 livres de rente, & leurs femmes, quatre robes ; les prélats, deux robes, & une à leurs compagnons, & deux chapes par an ; les chevaliers de 3000 livres de rente, & les bannerets, trois paires de robes par an, y compris une robe pour l’été, & les autres personnes à proportion.

Il est défendu aux bourgeois, & même aux écuyers & aux clercs, s’ils ne sont constitués en dignité, de brûler des torches de cire.

Le prix des étoffes est réglé selon les conditions ; les plus cheres pour les prélats & les barons, sont de 25 sols l’aune, & pour les autres états à proportion.

Sous le même regne s’introduisit l’usage des souliers à la poulaine, qui étoient une espece de chaussure fort longue, & qui occasionnoit beaucoup de superfluités. L’église cria beaucoup contre cette mode ; elle fut même défendue par deux conciles, l’un tenu à Paris en 1212, l’autre à Angers en 1365, & enfin abolie par des lettres de Charles V. en 1368.

Les ouvrages d’orfévrerie au-dessus de 3 marcs, furent défendus par Louis XII. en 1506 ; cela fut néanmoins révoqué quatre ans après, sous prétexte que cela nuisoit au commerce.

Charles VIII. en 1485 défendit à tous ses sujets de porter aucuns draps d’or, d’argent ou de soie, soit en robes ou doublures, à peine de confiscation des habits, & d’amende arbitraire. Il permit cependant aux chevaliers ayant 2000 livres de rente, de se vêtir de toutes sortes d’étoffes de soie, & aux écuyers ayant pareil revenu, de se vêtir de damas ou satin figuré ; il leur défendit sous les mêmes peines le velours & autres étoffes de cette qualité.

Le luxe ne laissant pas de faire toujours des progrès, François I. par une déclaration de 1543, défendit à tous princes, seigneurs, gentilshommes, & autres sujets du roi, de quelque état qu’ils fussent, à l’exception des deux princes enfans de France, du dauphin & du duc d’Orléans, de se vêtir d’aucun drap, ou toile d’or ou d’argent, & de porter aucunes profilures, broderies, passemens d’or ou d’argent, velours, ou autres étoffes de soie barrées d’or ou d’argent, soit en robes, saies, pourpoints, chausses, bordure d’habillement, ou autrement, en quelque sorte ou maniere que ce soit, sinon sur les harnois, à peine de mille écus d’or sol d’amende, de confiscation, d’être punis comme infracteurs des ordonnances. Il donna néanmoins trois mois à ceux qui avoient de ces habillemens, pour les porter ou pour s’en défaire.

Les mêmes défenses furent renouvellées par Henri II. en 1547, & étendues aux femmes, à l’exception des princesses & dames, & demoiselles qui étoient à la suite de la reine, & de madame sœur du roi.

Ce prince fut obligé de donner en 1549 une déclaration plus ample que la premiere ; l’or & l’argent furent de nouveau défendus sur les habits, excepté les boutons d’orfévrerie.

Les habits de soie cramoisi ne furent permis qu’aux princes & princesses.

Le velours fut défendu aux femmes de justice & des autres habitans des villes, & aux gens d’église, à moins qu’ils ne fussent princes.