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les génies particuliers des femmes, par respect pour la déesse Junon. Chaque femme avoit sa Junon, comme chaque homme avoit son génie. Voyez Génie, (Mythol. Littér.)

Nous trouvons plusieurs exemples de ces Junons, génies des femmes, dans les inscriptions anciennes qu’on a recueillies ; & pour n’en citer qu’une exemple dans un monument consacré à la vestale Junia Torquata, dont la vertu digne des anciens tems, dit Tacite, fut honorée après sa mort d’un monument public. L’inscription porte : « A la Junon de Junia Torquata, céleste patrone ». Enfin les femmes juroient par leurs Junons, comme les hommes par leurs génies. Voyez les Mem. des Inscriptions & Belles-Lettres. (D. J.)

JUNSALAM, (Géogr.) port d’Asie au royaume de Siam ; c’est l’asyle de tous les vaisseaux, qui, allant à la côte de Coromandel, sont surpris d’un ouragan ; ce port est de conséquence pour le commerce de Bengale, de Pégu, & autres royaumes voisins : sa situation est au nord d’une isle de même nom. Long. 115. 35. lat. 8. 56. (D. J.)

JUNTES, (Hist. mod.) conseil, société de plusieurs personnes pour quelque administration.

Ce terme est en usage en parlant des affaires d’Espagne & de Portugal. A la mort de Charles II. roi d’Espagne, le royaume fut gouverné par une junte pendant l’absence de Philippe V.

Il y a en Portugal trois juntes considérables. La junte du commerce, la junte des trois états, & la junte du tabac. La premiere doit son établissement au roi Jean IV. qui assembla les états généraux pour créer le tribunal de la junte des trois états. Le roi Pierre II. créa en 1675 la junte du tabac. Elle est composée d’un président & de six conseillers.

IVOIRE, s. f. (Hist. nat.) c’est la dent de l’éléphant. On en fait différens ouvrages. On le brûle, & il donne un noir qu’on broie à l’eau, & dont on obtient ainsi des trochiques qui servent au peintre. Ce noir s’appelle noir d’ivoire, noir de velours.

Ivoire fossile, (Hist. nat.) ébur fossile. C’est ainsi qu’on appelle des dents d’une grandeur demesurée & semblable à de grandes cornes qui ont souvent été trouvées dans l’intérieur de la terre. Elles sont ou blanches, ou jaunâtres, ou brunes ; il y en a qui ont la dureté de l’ivoire ordinaire ; d’autres sont exfoliées & devenues plus tendres & plus cassantes : ces variétés pour la consistence viennent du plus ou du moins de décomposition que ces dents ont souffert dans les différens endroits de la terre où elles ont été enfouies.

On a trouvé de ces sortes de dents dans plusieurs pays de l’Europe, tels que l’Angleterre, l’Allemagne, la France ; on dit même qu’il n’y a pas long-tems qu’en creusant la terre on en a trouvé une fort grande au village de Guérard près de Cressy en Brie ; on ajoute qu’on en a aussi rencontré une semblable dans la plaine de Grenelle, c’est-à-dire aux portes de Paris : mais elles ne sont nulle part aussi abondamment répandues qu’en Russie & en Sibérie, & sur-tout dans le territoire de Jakusk, & dans l’espace qui va de cette ville jusqu’à la mer glaciale : ces ossemens, suivant le rapport de quelques voyageurs, sont ordinairement mis à découvert par les eaux des grandes rivieres de Lena & de Jénisci qui arrosent une grande partie de la Sibérie, & qui détachent la terre qui est sur leurs bords, quand dans les tems de dégel elles charrient des glaçons très-considérables.

Les Jakutes, nation Tartare, qui habitent ce pays, croient que ces dents appartiennent à un animal énorme qu’ils nomment mammon ou mammut. Comme ils n’en ont jamais vû de vivans, ils s’imaginent qu’il habite sous terre, & meurt aussi-tôt qu’il voit

le jour ; cela lui arrive, selon eux, lorsque dans sa route souterreine il parvient inopinément au bord d’une riviere ; & c’est là, disent-ils, pourquoi on y trouve leurs dépouilles : ils prétendent qu’on en a trouvé dont la chair n’étoit point encore entierement consommée, ce qui est aussi fabuleux que le reste.

Le Czar Pierre I. dans la vûe de connoître à quel animal appartenoient les dents ou cornes d’ivoire fossile, envoya en 1722 des ordres à tous les Woiwodes ou gouverneurs des villes de la Sibérie, afin qu’ils donnassent leurs soins pour avoir un squelette entier de l’animal, ou du moins pour rassembler tous les ossemens qui se trouveroient auprès de ces dents monstrueuses. Sur ces ordres les Jakutes se mirent en campagne, & en cherchant ils trouverent des têtes entieres & des grands ossemens auxquels on n’avoit jusques-là fait aucune attention ; ils étoient ceux d’un animal inconnu que M. Gmélin, d’après l’examen de ses os, croit être une espece de bœuf très-grand, qui n’existe plus dans le pays, & que jusqu’à-présent on n’a point encore découvert ailleurs. Mais ces ossemens different entierement de l’ivoire fossile dont il s’agit dans cet article ; & ce n’est point à cet animal qu’ont appartenu ces dents monstrueuses.

Il ne faut point non plus confondre l’ivoire fossile dont nous parlons, avec les dents du phoca ou de la vache marine, qui se trouvent en grande quantité sur les bords de la mer glaciale, elles sont beaucoup moins grandes que les dents d’ivoire fossile, & elles sont comme marbrées ou remplies ce veines & de taches noires. A l’intérieur cependant on dit qu’elles sont même plus dures que l’ivoire fossile, & qu’on en fait de très jolis ouvrages.

L’ivoire fossile ne doit point non plus être confondu avec la corne que l’on nomme unicornu fossile, que l’on a aussi trouvée quelquefois en Sibérie. Voyez l’art. Licorne fossile.

On voit à Petersbourg, dans le cabinet impérial des curiosités naturelles, une dent d’ivoire fossile qui pese jusqu’à 183 livres. Le chevalier Hansloane en possédoit une qui avoit 5 piés 7 pouces de longueur, & dont la base avoit 6 pouces de diametre. On en a trouvé une en Angleterre, dans la province de Northampton, qui étoit blanche, & avoit 6 piés de longueur. M. le baron de Strahlenberg parle de quelques dents d’ivoire fossile trouvées en Sibérie, qui avoient depuis 6 jusqu’à 9 pouces de diametre par leur base, & d’un squelette d’animal qui avoit 36 aulnes russiennes de longueur, & qui pouvoit bien être celui d’un éléphant. En effet M. le chevalier Hansloane a prouvé clairement dans les Transactions philosophiques, n°. 403. & dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, année 1727, que ces dents si grandes ne peuvent être regardées que comme de l’ivoire ou de vraies dents qui ont autrefois appartenu à des éléphans ; c’est ce que démontre leur structure intérieure, attendu qu’elles paroissent composées de couches concentriques arrangées de la même maniere que les cercles annuels qu’on remarque dans l’intérieur du tronc d’un arbre. Cette vérité est encore prouvée par la comparaison que M. Gmelin a faite de l’ivoire fossile avec celui des éléphans, dans son excellent voyage de Sibérie, publié en Allemand en 4 volumes in-8°. ouvrage propre à servir de modele à tous les voyageurs Ce savant naturaliste rend aussi raison des variétés qui se trouvent parmi les différentes dents d’ivoire fossile, tant pour la couleur que pour les degrés de solidité ou de friabilité ; il les attribue au climat & à la nature du terrein où ces sortes de dents sont ensevelies : celles qui se trouvent proche de la mer Glaciale où la terre est perpétuellement gelée à une