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Livre, sans y ajouter rien de plus, signifie ordinairement le grand livre, quelquefois le journal. C’est en ce sens qu’il faut le prendre, lorsqu’on dit : J’ai porté cette somme sur mon livre ; je vous donnerai un extrait de mon livre, &c. Voyez Savary, Dict. de comm. tit. I. p. 569. au mot Livre.

On appelle en Angleterre, livre de tarif, un livre qui se garde au parlement, dans lequel on voit sur quel pié les différentes marchandises doivent être taxées à la douane. Celui qui a force de loi, a été fait l’an 12 de Charles II. & est souscrit par messire Harbottle Grimstone, pour lors président de la chambre des communes. Il y en a cependant un second qu’on ne laisse pas de suivre dans l’usage, quoiqu’il ne soit pas expressément contenu dans le premier souscrit l’an 11 du regne de Georges I. par le chevalier Spencer Compton, pour lors président de la chambre des communes.

Livres, (Commerce.) au pluriel s’entend en termes de commerce, de tous les registres sur lesquels les négocians, marchands & banquiers écrivent par ordre, soit en gros, soit en détail, toutes les affaires de leur négoce, & même leurs affaires domestiques qui y ont rapport.

Les marchands ne peuvent absolument se passer de ces livres ; & en France, ils sont obligés par les ordonnances d’en avoir, mais ils en ont besoin de plus ou de moins, selon la qualité du négoce & la quantité des affaires qu’ils font, ou selon la maniere dont ils veulent tenir leurs livres. On les tient ou en parties doubles, ou en parties simples. Presque tous les auteurs conviennent que ce sont les Italiens, & particuliérement le Vénitiens, les Génois & les Florentins qui ont enseigné aux autres nations la maniere de tenir les livres en parties doubles.

Pour tenir les livres en parties simples, ce qui ne convient guere qu’à des merciers ou de petits marchands qui n’ont guere d’affaires ; il suffit d’un journal & d’un grand livre, pour écrire les articles de suite, & à mesure que les affaires les fournissent. Mais pour les gros négocians qui tiennent leurs livres à parties doubles, il leur en faut plusieurs, dont nous allons rapporter le nombre, & expliquer l’usage.

Les trois principaux livres pour les parties doubles, sont le mémorial, que l’on nomme aussi brouillon & quelquefois brouillard, le journal, & le grand livre, qu’on appelle autrement livre d’extrait ou livre de raison.

Outre ces trois livres, dont un négociant ne peut se passer, il y en a encore jusqu’à treize autres, qu’on nomme livres d’aides ou livres auxiliaires, dont on ne se sert qu’à proportion des affaires qu’on fait, ou selon le commerce dont on se mêle. Ces treize livres sont :

Le livre de caisse & de bordereaux.

Le livre des échéances, qu’on nomme aussi livre des mois, livre des notes ou d’annotations, ou des payemens ou quelquefois carnet.

Le livre des numeros.

Le livre des factures.

Le livre des comptes courans.

Le livre des commissions, ordres, ou avis.

Le livre des acceptations ou des traites.

Le livre des remises.

Le livre des dépenses.

Le livre des copies de lettres.

Le livre des ports-de-lettres.

Le livre des vaisseaux.

Le livre des ouvriers.

A ces treize qui pourtant peuvent suffire, on peut en ajouter d’autres, suivant la nature du commerce ou la multiplicité des affaires.

Livre mémorial. Ce livre est ainsi nommé, à cause qu’il sert de mémoire ; on l’appelle aussi livre brouillon ou livre brouillard, parce que toutes les affaires du négoce s’y trouvent comme mêlées confusément, &, pour ainsi dire, mêlées ensemble. Le livre mémorial est le premier de tous, & celui duquel se tire ensuite tout ce qui compose les autres, aussi ne peut-on le tenir avec trop d’exactitude & de netteté, sur-tout parce qu’on y a recours dans les contestations qui peuvent survenir pour cause de commerce.

Le livre mémorial peut se tenir en deux manieres : la premiere, en écrivant simplement les affaires à mesure qu’elles se font, comme acheté d’un tel, vendu à un tel, payé à un tel, prêté telle somme, &c. La seconde maniere de le tenir, est en débitant & créditant tout-d’un-coup chaque article : on estime celle ci la meilleure, parce que formant d’abord une espece de journal, elle épargne la peine d’en faire un autre.

Quelques-uns, pour plus d’exactitude, divisent le livre mémorial en quatre autres, qui sont le livre d’achat, le livre de vente, le livre de caisse & le livre de notes. Des négocians qui suivent cet ordre, les uns portent d’abord les articles de ces quatre livres sur le grand livre, sans faire de journal ; & les autres, en mettant ces quatre livres au net, en font leur journal, dont ils portent ensuite les articles sur le grand livre.

Livre journal. Le nom de ce livre fait assez entendre qu’on y écrit jour par jour toutes les affaires, à mesure qu’elles se font.

Chaque article qu’on porte sur ce livre, doit être composé de sept parties, qui sont la date, le débiteur, le créancier, la somme, la quantité & qualité, l’action ou comment payable, & le prix.

Ordinairement ce livre est un registre in-folio de cinq à six mains de papier, numeroté & reglé d’une ligne du côté de la marge, & de trois de l’autre pour y tirer les sommes.

C’est du livre journal dont l’ordonnance du mois de Mars 1673 entend parler, lorsqu’elle prescrit au tit. III. art. 1. 3. & 5. que les négocians & marchands, tant en gros qu’en détail, ayent un livre qui contienne tout leur négoce, leurs lettres de change, leurs dettes actives & passives, &c. & c’est aussi faute de tenir ce livre & de le représenter, que les négocians, lors des faillites, peuvent être réputés banqueroutiers frauduleux, & en conséquence poursuivis extraordinairement, & condamnés aux peines portées au tit. XI. art. 11. & 12. de la même ordonnance.
Modele d’un article du livre journal.
19 Février 1708.


Vin doit à caisse — f. 1600 acheté de Duval comptant
16 muids de vin de Bourgogne, à f. 100 f. 1600 0 0

Livre grand. Ce livre, outre ce nom qui lui vient de ce qu’il est le plus grand de tous les livres dont se servent les négocians, en a encore deux autres, savoir livre d’extrait & livre de raison. On l’ap-

pelle livre d’extrait, à cause qu’on y porte tous les articles extraits du livre journal & livre de raison, parce qu’il rend raison à celui qui le tient de toutes ses affaires.