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tat, le grand prevôt de l’hôtel, le premier écuyer du roi, & quelques autres principaux officiers de la maison du roi.

Le premier huissier est en robe rouge, assis en sa chaire à l’entrée du parquet.

En leurs places ordinaires, les chambres assemblées au bout du premier barreau, jusqu’à la lanterne du côté de la cheminée, avec les conseillers de la grand’chambre, & les présidens des enquêtes & requêtes, sont les trois avocats du roi, & le procureur général placé après le premier d’entr’eux.

Dans le surplus des barreaux, des deux côtés, & sur quatre bancs que l’on ajoute derriere le dernier barreau du côté de la cheminée, se mettent les conseillers des enquêtes & requêtes, qui sont tous en robe rouge.

Lorsque le roi est assis & couvert, le chancelier commande par son ordre, que l’on prenne séance ; ensuite le roi ayant ôté & remis son chapeau, prend la parole.

Anciennement le roi proposoit souvent lui-même les matieres sur lesquelles il s’agissoit de délibérer. Henri III. le faisoit presque toujours ; mais plus ordinairement le roi ne dit que quelques mots, & c’est le chancelier, ou, à son défaut, le garde des sceaux, lorsqu’il y en a un, qui propose.

Lorsque le roi a cessé de parler, le chancelier monte vers lui, s’agenouille pour recevoir ses ordres ; puis étant descendu, remis en sa place, assis & couvert, & après avoir dit que le roi permet que l’on se couvre, il fait un discours sur ce qui fait l’objet de la séance, & invite les gens du roi à prendre les conclusions qu’ils croiront convenables pour l’intérêt du roi & le bien de l’état.

Le premier président, tous les présidens & conseillers mettent un genouil en terre, & le chancelier leur ayant dit, le roi ordonne que vous vous leviez, ils se levent & restent debout & découverts ; le premier président parle ; & son discours fini, le chancelier monte vers le roi, prend ses ordres le genouil en terre ; & descendu & remis en sa place, il dit que l’intention du roi est que l’on fasse la lecture des lettres dont il s’agit ; puis s’adressant au greffier en chef, ou au secrétaire de la cour qui, en son absence, fait ses fonctions, il lui ordonne de lire les pieces ; ce que le greffier fait étant debout & découvert.

La lecture finie, les gens du roi se mettent à genoux, M. le chancelier leur dit que le roi leur ordonne de se lever ; ils se levent, & restent debout & découverts, le premier avocat général porte la parole, & requiert selon l’exigence des cas.

Ensuite M. le chancelier remonte vers le roi & le genouil en terre, prend ses ordres, ou, comme on disoit autrefois, son avis, & va aux opinions à messieurs les princes & aux pairs laïcs ; puis revient passer devant le roi, & lui fait une profonde révérence, & va aux opinions aux pairs ecclésiastiques & maréchaux de France.

Puis descendant dans le parquet, il prend les opinions de messieurs les présidens (autrefois il prenoit leur avis après celui du roi ;) ensuite il va à ceux qui sont sur les bancs & formes du parquet, & qui ont voix délibérative en la cour & dans les barreaux laïcs, & prend l’avis des conseillers des enquêtes & requêtes.

Chacun opine à voix basse, à moins d’avoir obtenu du roi la permission de parler à haute voix.

Enfin, après avoir remonté vers le roi & étant redescendu, remis en sa place, assis & couvert, il prononce : le roi en son lit de justice a ordonné & ordonne qu’il sera procédé à l’enregistrement des lettres sur lesquelles on a délibéré ; & à la fin de l’ar-

rêt il est dit, fait en Parlement le roi y séant en son

lit de justice.

Anciennement le chancelier prenoit deux fois les opinions : il les demandoit d’abord de sa place, & chacun opinoit à haute voix ; c’est pourquoi lorsque le conseil s’ouvroit, il ne demeuroit en la chambre que ceux qui avoient droit d’y opiner ; on en faisoit sortir tous les autres, & les prélats eux-mêmes, quoiqu’ils eussent accompagné le roi, ils ne rentroient que lors de la prononciation de l’arrêt ; cela se pratiquoit encore sous François I. & sous Henri II. comme on le voit par les registres de 1514, 1516, 1521, 1527. On croit que c’est du tems d’Henri II. que l’on a cessé d’opiner à haute voix ; cela s’est pourtant encore pratiqué trois fois sous Louis XIV. savoir en 1643, en 1654 & 1663.

Présentement, comme on opine à voix basse, ceux qui ont quelque chose de particulier à dire, le disent tout haut.

Après la résolution prise, on ouvroit les portes de la grand’chambre au public, pour entendre la prononciation de l’arrêt. C’est ainsi que l’on en usa en 1610 & en 1643, & même encore en 1725. Après l’ouverture des portes, le greffier faisoit une nouvelle lecture des lettres qu’il s’agissoit d’enregistrer ; les gens du roi donnoient de nouveau leurs conclusions, qu’ils faisoient précéder d’un discours destiné à instruire le public des motifs qui avoient déterminé ; ensuite le chancelier reprenoit les avis pour la forme, mais à voix basse, allant de rang en rang, comme on le fait à l’audience au parlement lorsqu’il s’agit de prononcer un délibéré, & ensuite il prononçoit l’arrêt.

Présentement, soit qu’on ouvre les portes, ou que l’on opine à huit clos, M. le chancelier ne va aux opinions qu’une seule fois.

La séance finie, le roi sort dans le même ordre qu’il est entré. On a vu des lits de justice tenus au château des Thuileries, tels que ceux du 26 Août 1718, d’autres tenus à Versailles, comme ceux des 3 Septembre 1732, & 21 Août 1756. Il y en eut un en 1720 au grand conseil, où les princes & les pairs assisterent. Nos rois ont aussi tenu quelquefois leur lit de justice dans d’autres parlemens ; François I. tint le sien à Rouen en 1517, il y fut accompagné du chancelier du Prat & de quelques officiers de sa cour. Charles IX. y en tint aussi un, pour déclarer sa majorité.

Sur les lits de justice, voyez le traité de la majorité des rois ; les mémoires de M. Talon, tome III. p. 329. son discours au roi en 1648, & ceux qui furent faits par les premiers présidens & avocats généraux aux lits de justice tenus en 1586, 1610, 1715, & les derniers procès-verbaux. (A)

Lit des Romains, (Hist. rom.) lectus cubicularis, Cic. couche sur laquelle ils se reposoient ou dormoient. Elle passa du premier degré d’austérité au plus haut point de luxe ; nous en allons parcourir l’histoire en deux mots.

Tant que les Romains conserverent leur genre de vie dur & austere, ils couchoient simplement sur la paille, ou sur des feuilles d’arbres séches, & n’avoient pour couverture que quelques peaux de bêtes, qui leur servoient aussi de matelats. Dans les beaux jours de la république, ils s’écartoient peu de cette simplicité ; & pour ne pas dormir sous de riches lambris, leur sommeil n’en étoit ni moins profond, ni moins plein de délices. Mais bientôt l’exemple des peuples qu’ils soumirent, joint à l’opulence qu’ils commencerent à goûter, les porta à se procurer les commodités de la vie, & consécutivement les rafinemens de la mollesse. A la paille, aux feuilles d’arbres séches, aux peaux de bêtes, aux couvertures faites de leurs toisons, succéderent des