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dont les aspérités formées par les tailles sont plus éminentes & plus éloignées les unes des autres ; celles dont le grain est plus serré, sont appellées bâtardes ; enfin celles dont le grain est presqu’insensible, sont appellées douces. Au lieu de ces dénominations trop incertaines, on auroit dû distinguer les limes les unes des autres par numéros déduits du nombre des tailles renfermées dans la longueur d’un pouce, comme on a distingué les différens fils métalliques les uns des autres par des numéros dont l’augmentation fait connoître la diminution de diametre des mêmes fils. Voyez Cordes de Clavecin.

Les limes se divisent encore en deux sortes, limes simplement dites, & limes à main : ces dernieres sont toutes celles qui, moins longues que quatre ou cinq pouces, peuvent être conduites sur les ouvrages avec une seule main, au lieu que les limes de huit pouces & au-dessus qu’on pourroit appeller limes à bras, exigent, pour être conduites sur l’ouvrage, le secours des deux mains, dont l’une tient le manche de la lime, & l’autre appuie sur son extrémité.

Au lieu de la machine que nous venons d’expliquer, & dans laquelle le chariot qui porte les limes est mobile, on pourroit en construire une où il seroit sédentaire ; en ce cas ce seroient les marteaux, le guide ciseau qui marcheroient au-devant de la lime que l’on commence toujours à tailler du côté de la queue, & le rappel de l’équipage des marteaux pourroit être une vis dont la tête garnie d’un rochet denté d’un nombre convenable pour la sorte de taille qu’on voudroit faire, seroit de même conduit par l’arbre tournant qui leve les marteaux ; & au lieu de marteaux on peut substituer un mouton dont les chûtes réitérées sur la tête du ciseau produiroient le même effet : enfin on pourroit changer la direction du mouvement du chariot ou de l’équipage du marteau par les mêmes moyens employés pour changer le mouvement des rouleaux du laminoir. Voyez Laminoir, Sonnete, &c.

Après que les limes ont été taillées, on les trempe en paquet, voyez , & elles sont entierement achevées. Il faut observer que les pieces d’acier dont on fait les limes, ont été elle-mêmes limées avant d’être portées sous le ciseau, & même pour les petites limes des Horlogers, qu’elles ont été émoulues avant d’être taillées. Il n’est pas inutile d’observer que le tranchant du ciseau doit être bien dressé & adouci sur la pierre à l’huile, puisque cette condition est essentielle pour que la lime soit bien taillée : on pose les limes sur du plomb ou de l’étain, pour que le côté taillé ne se meurtrisse point lorsqu’on taille le côté opposé.

Les rapes se taillent aussi à la machine, voyez Rape ; la seule différence est qu’on se sert d’un poinçon au lieu du ciseau. La rape est une lime dont les cavités faites les unes après les autres ne communiquent point ensemble comme celles des limes ; on s’en sert principalement pour travailler les bois.

La planche suivante représente en plan & en profil une petite machine à tailler les limes des Horlogers ; elle est composée d’un chassis de métal établi sur une barre de même matiere, qui avec deux piliers forme la cage de cette machine ; les longs côtés du chassis servent de coulisse à un chariot, fig. 3, comme on peut voir par le plan, fig. premiere. Ce chariot, dont la face inférieure repose aussi sur un petit tas tenant lieu d’enclume, a une oreille taraudée en écrou, dans lequel passe la vis qui sert de rappel.

La tige de cette vis, après avoir traversé le pilier de devant, porte une roue garnie d’un nombre convenable de chevilles, & après la roue cette même tige porte une manivelle par le moyen de laquelle on communique le mouvement aux marteaux, dont l’un sert pour tailler la lime lorsque le chariot est

amené du côté de la manivelle, & l’autre pour la retailler une seconde fois lorsque tournant la manivelle dans le sens opposé on fait rétrograder le chariot : pour cela on lâche le ressort qui pousse la tige d’un des marteaux, forée en canon & mobile sur la tige de l’autre, ce qui éloigne la palette de celui-ci des chevilles de la roue, & permet à la palette de l’autre marteau de s’y présenter. La main qui porte le ciseau susceptible d’être orienté, comme dans la machine precédente pour former les tailles & les contre-tailles, fig. 5, est, comme on voit fig. 2, relevée par un ressort fixé à la piece sur laquelle cette main est mobile. La partie supérieure de cette piece porte une vis qui venant appuyer contre un coude du porte-ciseau, sert à limiter l’action du ressort, & fait que le tranchant du ciseau ne s’éloigne de la lime qu’autant qu’il faut pour qu’il soit dégagé des tailles qu’il y a imprimées. Voyez les figures & leur explication. (D)

LIMENARQUE, s. m. (Hist. anc.) inspecteur établi sur les ports pour que l’entrée n’en fût point ouverte aux pirates, & qu’il n’en sortît point de provisions pour l’ennemi. Ils étoient à la nomination des décurions, & devoient être des hommes libres. Le mot de limenarque est composé de limen, porte, & de archos, préfet.

LIMÉNÉTIDE, Limenetis, (Littér.) surnom que les Grecs donnerent à Diane, comme déesse présidant aux ports de mer. Sous cette idée, sa statue la représentoit avec une espece de cancre marin sur la tête. Ce nom est tiré de λιμήν, un port. (D. J.)

LIMENTINUS, (Mythol.) dieu des Romains, gardien du seuil de la porte des maisons, qui s’appelle en latin limen ; mais je crois que c’est un dieu fait à plaisir, comme Forcule, Cardée, & tant d’autres. Les poëtes, les auteurs latins n’en parlent point & ne le connoissent point. (D. J.)

LIMERIGK ou LIMRICK, (Géog.) on la nomme aussi Lough-Meath ; quelques-uns la prennent pour le Laberus des anciens. C’est une forte ville d’Irlande, capitale du comté de même nom qui a 48 milles de longueur, sur 27 de largeur ; elle est fertile, bien peuplée, avec un château & un bon port. Elle a droit de tenir un marché public, envoie deux députés au parlement d’Irlande, & a un siége épiscopal qui est aujourd’hui la métropole de la province de Munster. Cette ville essuya deux siéges fort rudes en 1690 & en 1691. Elle est sur le Shannon, à 14 lieues S. de Carloway, 17 N. de Cork, 23 O. de Waterford, 32 S. O. de Dublin. Long. 9. 12. lat. 52. 34. (D. J.)

LIMES, (Topograph.) ce mot latin répond au mot limites que nous en avons emprunté, & signifie bornes ou l’extrémité qui sépare une terre, un pays d’avec un autre. Dans les pays que les Romains distribuoient aux colonies, les champs étoient partagés entre les habitans, à qui l’on les donnoit à cultiver, & on les séparoit par des limites qui consistoient ou en un sentier battu par un homme à pié, ou en pierres qui tenoient lieu de bornes ; ces pierres étoient sacrées, & on ne pouvoit les déplacer sans crime. Hygin a fait un traité exprès sur ce sujet, intitulé de limitibus constituendis.

Le mot limes désigne encore la frontiere lorsqu’il est question d’un état tout entier. C’est ainsi qu’Auguste, maître de l’Empire, s’arrogea despotiquement un certain nombre de provinces, fixa leurs limites, & mit dans chacune de ces provinces un certain nombre de légions pour les défendre en cas de besoin. Les limites de l’Empire changerent avec l’Empire ; tantôt on ajouta de nouvelles frontieres, & tantot on les diminua. Dioclétien fit élever à leur extrémité des forteresses & des places de guerre pour y loger des soldats ; Constantin en retira les troupes pour