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climats tempérés & secs, & qui habite dans ces climats les lieux élevés ; mais non pas cependant les montagnes proprement dites, qui sont froides & humides dans tous les climats. Ceux qui vivent sur les côteaux, dans les provinces méridionales du royaume sont des plus parfaits. Ceux des environs de Paris ne font pas même soupçonner ce que peut être un bon lievre de Languedoc.

La seule qualité particuliere & vraiment médicamenteuse de la chair de lievre, qui soit démontrée par l’expérience ; c’est qu’elle lâche assez constament le ventre, & purge même efficacement plusieurs sujets. Cette qualité est confirmée par l’expérience ; & c’est sans fondement que quelques auteurs, entre autres le continuateur de la Cynosure d’Herman, avancent que cette chair resserre le ventre.

Il n’est point d’animal chez qui on ait trouvé tant de parties médicamenteuses, que dans celui-ci. Schroeder en compte quatorze, & le continuateur de la Cynosure d’Herman en grossit encore la liste. Mais toutes ces drogues sont absolument hors d’usage, excepté les poils qui entrent dans une espece d’emplâtre agglutinatif, qui est de Galien, & qui est d’ailleurs composé d’aloës, de myrrhe & d’encens. Cet emplâtre est vanté comme un spécifique pour arrêter le sang après l’artériotomie ; mais on peut assurer que les poils de lievre, soit entiers, soit brûlés, selon l’ancienne recette, sont l’ingrédient le moins utile de cette composition, ou pour mieux dire, en sont un ingrédient absolument inutile. D’ailleurs, on n’applique plus d’emplâtre pour arrêter le sang, dans l’opération de l’artériotomie ; la compression suffit, & ce n’est presque que ce moyen, ou l’agaric de Brossart qu’on emploie dans ce cas. Voyez Artériotomie. (b).

Lievre, (Pelleterie.) Le lievre fournit outre sa chair, deux sortes de marchandises dans le commerce ; savoir, sa peau & son poil.

Les Pelletiers fourreurs préparent les peaux de lievre toutes chargées de leur poil, & en font plusieurs sortes de fourrures qui sont très-chaudes, & qu’on croit même fort bonnes pour la guérison de toutes sortes de rhumatismes.

Le poil du lievre est d’une couleur rougeâtre ; mais il vient de Moscovie des peaux de lievres toutes blanches, qui sont beaucoup plus estimées que celles de France.

Le poil de lievre, détaché de la peau, étoit autrefois d’un grand usage en France pour la chapellerie ; mais par un arrêt du conseil de l’année 1700, il est défendu expressément aux Chapelliers de s’en servir.

Avant que de couper le poil de dessus la peau pour en faire des chapeaux ; on en arrache le plus gros qui est sur la superficie, parce qu’il n’y a que celui du fond, dont on puisse faire usage.

Lievre de mer, lepus marinus. (Hist. nat.) Animal qui n’a point de sang & qui est mis au rang des animaux mous, comme la séche, le polype, &c. Rondelet fait mention de trois especes de lievres de mer, très-différens du poisson que l’on appelle en Languedoc lebre de mar. Voyez Scorpioides.

Le lievre de mer des anciens est donc, selon Rondelet, un poisson mou que Dioscoride a comparé à un calemar & Ælien à un limaçon, tiré hors de sa coquille : Pline le désigne comme une masse ou une piece de chair sans forme. On a donné à cet animal le nom de lievre, parce qu’il a une couleur rouge fort obscure qui approche de celle du lievre. Les anciens disent que le lievre de mer est venimeux, que lorsqu’on en a mangé, on enfle, on pisse le sang, le poumon s’ulcere, &c. Dioscoride donne pour remede, le lait d’ânesse, la décoction de mauve, &c.

La premiere espece de lievre de mer, selon Ron-

delet, est la plus venimeuse Cet animal a un os

comme la séche sous le dos, & deux nageoires recourbées aux côtés ; sa queue est menue d’un côté, & recoquillée : il a entre la queue & le dos deux petites cornes, molles & charnues, comme celles des limaçons. La tête ressemble à celle du poisson appellé marteau ; il y a de l’autre côté une ouverture qui laisse passer une masse de chair que l’animal avance & retire à son gré. La bouche est placée entre les deux côtés de la tête. Les parties internes ressemblent à celles de la séche ; il a aussi une liqueur noire.

Le lievre de mer de la seconde espece ne differe de celui de la premiere, que par l’extérieur qui est symétrique, & non pas irrégulier, comme dans la premiere espece. La bouche est placée entre deux larges excroissances charnues ; il n’y a point d’os comme la séche sous le dos, mais au-dehors ; il y a deux petites cornes molles, plus petites & plus pointues que dans le premier lievre de mer : le second est le plus grand.

La troisieme espece de lievre de mer est très-différente des deux premieres ; Rondelet ne lui a donné le même nom, qu’à cause qu’elle a la même propriété venimeuse ; cependant c’est aussi un animal mou, de figure très-informe. Voyez Rond. Hist. des poissons, liv. XVII.

Lievre, bec de, (Physiolog.) division difforme de l’une ou de l’autre des deux levres. Vous en trouverez la méthode curative au mot Bec de lievre.

Comme il y a plusieurs accidens qui dépendent de la situation & de la compression du corps de l’enfant dans l’utérus, peut-être, dit un homme d’esprit, qu’on pourroit expliquer celui-ci par cette cause.

Il peut arriver qu’un doigt de l’enfant appliqué sur la levre la presse trop dans un point : cette compression en gênera les vaisseaux, & empêchera que la nourriture y soit portée. Cette partie trop mince & trop foible en proportion des parties latérales qui reçoivent tout leur accroissement, se déchirera au moindre effort, la levre sera divisée.

Il est vrai, continue-t-il, que si on ne fait attention qu’à l’effort nécessaire pour diviser avec quelqu’instrument la levre d’un enfant nouveau né, on a peine à croire que la pression d’un de ses doigts puisse causer cette division tandis qu’il est dans le sein de sa mere ; mais on est moins surpris du phénomene, on en comprend mieux la possibilité, quand on se rappelle qu’une soie qui lie la branche d’un arbrisseau, devenant supérieure à tout l’effort de la seve, l’empêche de croître ou occasionne la division de l’écorce & des fibres ligneuses.

Cette supériorité de force qui se trouve dans les liquides, dont l’impulsion donne l’accroissement aux animaux, aux végétaux, consiste principalement dans la continuité de son action ; mais cette action considérée dans chaque instant est si foible, que le moindre obstacle peut la surmonter. En appliquant ce principe à un enfant nouvellement formé, dont les chairs n’ont presque aucune consistance, & en qui l’action des liquides est proportionnée à cette foiblesse, l’on reconnoîtra avec combien de facilité la levre d’un enfant peut être divisée par la compression continuelle faite par l’action de ses doigts, dont la solidité & la résistance surpassent de beaucoup celle de la levre. La division de la levre supérieure est quelquefois petite, quelquefois considérable, quelquefois double ; & toutes ces différences s’expliquent encore aisément par le même principe. Je conviens de tout cela, mais j’ajoute que cette hypothèse qu’on nomme principe, n’est qu’un roman de l’imagination, une de ces licences ingénieuses, de ces fictions de l’esprit humain qui, voulant tout expliquer, tout deviner, ne tendent qu’à nous égarer au lieu de