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sept ans. Végece conseilloit de comprendre dans les levées ceux qui entrent en âge de puberté, doués d’ailleurs d’une compléxion robuste & des autres indices extérieurs qui décelent un sujet d’espérance. « Ne vaut-il pas mieux, dit cet auteur, qu’un soldat tout formé se plaigne de n’avoir pas encore la force de combattre, que de le voir désolé de n’être plus en état de le faire » ?

La taille militaire dans la primitive Rome étoit de cinq piés dix pouces romains au moins, c’est-à-dire d’environ cinq piés quatre pouces de roi. Le témoignage de quelques anciens ajoute même à cette hauteur, dont sans doute on fut ensuite souvent obligé de se relâcher. Quoi qu’il en soit de ces tems éloignés, les circonstances & le besoin rendent aujourd’hui les officiers plus ou moins délicats sur cet article ; ils doivent l’être toujours beaucoup dans le choix des sujets propres aux exercices & fonctions militaires, sur la connoissance des lieux de leur naissance & de leur conduite. Ces précautions sont très-importantes pour le service & l’ordre public. Le ministere porte son attention sur tous ces objets ; en faisant faire exactement, par les maréchaussées, la vérification des signalemens de tous les hommes de recrue des troupes du roi, & renvoyer aux frais des capitaines ceux qui ne sont pas propres au service.

C’est une maxime généralement reçue, confirmée par l’expérience, que la puissance militaire consiste moins dans le nombre que dans la qualité des troupes. On ne peut donc porter trop d’attention & de scrupule dans le choix des sujets destinés à devenir les défenseurs de la patrie. Une physionomie fiere, l’œil vif, la tête élevée, la poitrine & les épaules larges, la jambe & le bras nerveux, un taille dégagée, sont les signes corporels, qui, pour l’ordinaire, annoncent dans l’ame des vertus guerrieres. Un officier d’expérience, attentif sur ces qualités, se trompera rarement dans son choix. Il y ajoutera, s’il est possible, le mérite de la naissance & des mœurs, & preférera la jeunesse de la campagne à celle des villes. La premiere nourrie dans la soumission, la sobriété & la peine, supporte plus constamment les fatigues de la guerre & le joug de la discipline : la seconde élevée dans la mollesse & la dissipation, joint peut-être à plus d’intelligence une valeur égale, mais elle succombe plutôt aux travaux d’une campagne pénible, ou aux fatigues d’une marche difficile : elle porte d’ailleurs trop souvent dans les corps un esprit de licence & de sédition, contre lequel la discipline est forcée d’employer des correctifs violens, dont l’exemple même rendu trop fréquent n’est pas exemt de danger.

Différentes qualités militaires distinguent aussi les nations. Le soldat allemand est plus robuste, l’espagnol plus sobre, l’anglois plus farouche, le françois plus impétueux : la constance est le caractere du premier, la patience du second, l’orgueil du troisieme, l’honneur du quatrieme. Nous disons l’honneur, & nous ne disons pas trop ; il n’importe qu’il ait sa source dans l’éducation guerriere du soldat françois, ou qu’il soit emprunté de l’exemple de l’officier ; il existe & domine dans le cœur du soldat, il l’agite, l’éleve & produit les meilleurs effets. Ce sentiment est uni dans nos soldats aux qualités naturelles les plus heureuses, & nous osons assûrer qu’il nous reste peu de pas à faire pour les rendre supérieurs à tous ceux des autres nations, graces aux soins continuels du ministere pour la perfection de la discipline, aux talens de nos officiers majors, & au goût des études militaires qui se répand dans l’ordre des officiers en général.

Après le choix & l’enrôlement des soldats à Rome, on leur imprimoit des marques ineffaçables

sur la main, ils prétoient serment & juroient de faire de bon cœur tout ce qu’on leur commanderoit, de ne jamais déserter & de sacrifier leur vie pour la défense de l’empire. On demande avec raison pourquoi les modernes ont négligé ou aboli ces anciennes pratiques de police militaire, dont les signes permanens & l’appareil religieux imprimoient au guerrier la crainte de faillir & le respect. Elles seroient peut-être le préservatif le plus puissant contre ces mouvemens inquiets & irrésistibles qui sollicitent, & trop souvent déterminent le soldat à la désertion, malgré la terreur du châtiment capital dont son crime est menacé.

Les propositions d’engagemens qui présentent des conditions évidemment excessives & illusoires, ne peuvent être regardées comme sérieuses, ni opérer d’engagemens valables : mais en ce cas, les badinages sur ce qui regarde le service militaire, ne doivent pas rester impunis.

Les engagemens ne mettent point à couvert des decrets judiciaires ; il est même défendu d’enrôler des sujets prévenus de la justice, des libertins, & même ceux qui ont déja servi, s’ils ne sont porteurs de congés absolus d’un mois de date au moins.

Quoique le terme des engagemens soit fixé à six ans, le roi trouve bon néanmoins que les soldats congédiés par droit d’ancienneté puissent être enrôlés pour un moindre tems, soit dans la même compagnie, soit dans une autre du même corps, pourvu que ce soit pour une année au moins ; sa Majesté permet aussi aux régimens étrangers à son service de recevoir des engagemens de trois ans.

Un soldat enrôlé avec un capitaine ne peut être réclamé par un autre capitaine, auquel il se seroit adressé précédemment : l’usage est contraire dans le seul régiment des gardes-françoises.

Les capitaines peuvent enrôler les fils de gentilshommes & d’officiers militaires ; mais il est d’usage de leur accorder leurs congés absolus, lorsqu’ils sont demandés. Cette pratique s’observe aussi en faveur des étudians dans les universités du royaume, en dédommageant les capitaines.

Il est défendu à tous officiers d’enrôler les matelots chassés, & les habitans des îles de Ré & d’Oleron. Pareilles défenses sont faites, sous peine de cassation, d’engager les miliciens, & aux miliciens de s’engager sous peine des galeres perpétuelles.

Les soldats de l’hôtel royal des Invalides ne peuvent être enrôlés qu’avec permission du secrétaire d’état de la guerre.

Les ordonnances défendent aux capitaines françois d’enrôler des soldats nés sous une domination étrangere, à l’exception de ceux de la partie de la Lorraine située à la gauche de la riviere de Sarre, & de ceux de la Savoie & du comtat Venaissin ; & par réciprocité, il est défendu aux capitaines des régimens étrangers au service du roi de recevoir dans leurs compagnies aucuns sujets françois, même de la partie de la province de Lorraine, située sur la gauche de la Sarre : en conséquence tout sujet du roi engagé dans un corps étranger au service de sa majesté peut être réclamé par un capitaine françois, en payant trente livres de dédommagement au capitaine étranger ; & réciproquement tout sujet étranger servant dans un régiment françois, par un capitaine étranger, en payant pareil dédommagement au capitaine françois, pour servir respectivement dans leurs compagnies pendant six ans, à compter du jour qu’ils y passent, sans égard au tems pour lequel ils seroient engagés ou auroient servi dans les premieres compagnies ; l’intention de sa majesté étant que, pour raison de ces six années de service, il leur soit payé par les capitaines quinze livres en entrant dans la compagnie, & pareille somme trois