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peut avoir lieu, il n’y a qu’à faire attention à une expérience ingénieuse faite par Louwer. Ce célebre anatomiste lia dans un chien vivant la veine cave inférieure, il recousut après cela les tégumens ; quelques heures après tout le bas-ventre, toutes les parties inférieures étoient vuides de sérosité qui avoit transudé à-travers des pores des vaisseaux par ce vice, que les Pathologistes appellent diapedese. Il tenta la même expérience sur la souclaviere, qui fut suivie d’un effet semblable dans les parties supérieures. La communication qui est entre le tissu cellulaire de toutes les différentes parties, explique fort simplement la facilité avec laquelle la leucophlegmatie se répand d’une partie à l’autre.

On trouve dans bien des auteurs la leucophlegmatie confondue avec l’anasarque : ces deux maladies ont effectivement les mêmes symptômes, elles sont caractérisées l’une & l’autre par une bouffissure générale ou particuliere. Les écrivains plus exacts pensent que dans l’anasargue l’épanchement des eaux est plus profond, que son siege est dans l’enveloppe même des muscles, ανασαρκα, autour des chairs, comme le porte son nom. Aretée prétend en outre que la sérosité infiltrée dans l’anasarque est putride, sanieuse, & qu’elle suppose une altération considérable dans les visceres qui servent à la sanguification, ce qui fait qu’alors la couleur de la peau est plus changée, qu’elle est d’un vert noirâtre, au lieu que dans la leucophlegmatie la peau est luisante & très-blanche. Cælius Aurelianus établit la même différence.

De toutes les hydropisies, celle-ci, qui est la moins dangereuse, est la plus facile à guérir ; elle est très rebelle lorsqu’elle succede à quelque maladie chronique, & qu’elle est entretenue par un vice dans les visceres du bas-ventre, sur-tout dans un vieillard ; mais lorsqu’elle est le produit d’une maladie aiguë, d’une fievre intermittente, de la suppression de quelqu’écoulement, &c. elle se dissipe assez surement ; celle qui survient aux jambes, aux cuisses dans les femmes enceintes, se guérit d’elle même par l’accouchement. Il arrive aussi quelquefois, à la suite des maladies aiguës pendant la convalescence, une leucophlegmatie particuliere aux jambes : j’ai toujours observé que ce symptome étoit d’un très-bon augure, & que le rétablissement, dès qu’il paroissoit, étoit plus solide & plus prompt. Tout ce qu’on a à craindre dans cette maladie, c’est qu’elle ne se termine en ascite. A la leucophlegmatie, dit Hippocrate, survient ordinairement l’hydropisie ascite, Aph. 7, lib. VII. On peut enfin regler le prognostic sur l’abondance des urines, l’état du pouls, la fréquence de la toux, la gêne de la respiration, la diminution des forces, &c. On doit très-bien augurer d’un cours de ventre ; il procure, dit Hippocrate, Aphor. 29, lib. VII. la solution de la leucophlegmatie.

Je consultois, il y a quelque tems, pour une jeune & aimable dame qui avoit les jambes & les cuisses prodigieusement bouffies, à cause d’un cancer à la matrice ; lorsque l’enflure étoit parvenue à un certain point, il survenoit une petite fievre & un dévoiement qui dissipoit la bouffissure ; mais la diarrhée arrêtée, les jambes s’infiltroient de nouveau, & peu de tems après la fievre & le cours de ventre revenoient & produisoient le même effet. Elle a vécu pendant plus d’un an dans cette alternative de leucophlegmatie, de fievre & de dévoiement ; enfin elle a succombé à la violence de sa maladie.

L’on a dans cette maladie les mêmes indications à remplir & les mêmes remedes pour en venir à bout, que dans l’hydropisie (Voyez ce mot.). Si nous en croyons Hippocrate, Alexandre de Tralle, Paul d’Egine, & quelqu’autres praticiens fameux, la saignée est quelquefois nécessaire dans la guérison de la leucophlegmatie, quoique cependant elle paroisse

au premier coup d’œil déplacée. Les violens purgatifs, hydragogues, drastiques, peuvent être employés avec moins de risque & d’inconvénient ici que dans l’ascite : on doit terminer leur usage par les stomachiques amers, & sur-tout par les martiaux ; les sudorifiques peuvent avoir lieu dans certains cas où la répercussion des éruptions entamées a causé la maladie. Lorsqu’on doit en accuser la gale rentrée, il n’y a point de secours plus assuré que de faire reprendre la gale. Si l’enflure étoit trop considérable, si les tégumens étoient trop distendus, on pourroit évacuer les eaux par des scarifications ou les vésicatoires ; mais il faut user de circonspection dans l’usage de ce remede, parce qu’on risque d’amener la gangrene. On doit éviter avec plus d’attention les astringens répercussifs, trop forts pour dissiper l’enflure des piés. L’ascite ou l’hydropisie de poitrine suit d’ordinaire une pratique si peu judicieuse ; il est plus à-propos alors d’appliquer des cendres chaudes, du son ou autres choses semblables. (m)

LEUCOPHRINE, (Mytholog.) surnom que les Magnésiens donnoient à Diane, & qui est pris, soit de Leucophrys, ville d’Asie en Phrygie, sur les bords du Méandre, selon Xénophon, soit de Leucophois, ancien nom de l’île de Ténédos, où Diane avoit un temple célebre. Ce fut sur le modele de ce dernier temple que les Magnésiens consacrerent à cette divinité celui qu’ils éleverent en son honneur, avec une statue qui la représentoit à plusieurs mamelles, & couronnée par deux victoires. (D. J.)

LEUCOPHTALMUS, s. m. (Hist. nat.) espece d’onyx dans laquelle on trouvoit la ressemblance d’un œil humain entouré d’un cercle blanc.

LEUCOPHYLE, s. m. (Botan. fabul.) en grec λευκοφυλος, plante fabuleuse qui venoit dans le Phase, riviere de la Colchide. Plutarque en parle dans son traité des fleuves. Les anciens lui attribuoient une vertu admirable, celle d’empêcher les femmes de tomber dans l’adultere ; mais on ne trouvoit cette plante qu’au point du jour, vers le commencement du printems, lorsqu’on célébroit les mysteres d’Hécate, & alors il la falloit cueillir avec de certaines précautions. Les maris jaloux, après l’avoir cueillie, la jettoient autour de leur lit, afin de le conserver à l’abri de toute tache. C’est ce que Plutarque dit élégamment en grec, & que Pontus de Tyard traduit ainsi dans son vieux gaulois.

Car quiconque au printems en son lit cachera
Cette plante cueillie en Phasis, treuvera
Que jamais sa Vénus ne sera dérobée.

Un usage pareil se pratiquoit chez les Athéniens durant la fête des thesmophories ; mais l’herbe du Phasis avoit des propriétés bien autrement considérables que l’agnus castus des Athéniens, puisque sa vertu ne se bornoit pas à la durée d’une fête, & qu’elle calmoit pour toujours l’inquiétude des maris jaloux. (D. J.)

LEUCOSIE, Leucosia, (Géogr. anc.) petite île de la mer Tyrrhène, sur la côte occidentale d’Italie. On a quelque lieu de croire que c’est la même île nommée par Méla Leucothoé, & Leucasie par les autres géographes : ce n’est aujourd’hui qu’un écueil au continent, nommé le cap de la Licosa. (D. J.)

LEUCOSTICTOS, s. m. (Hist. nat.) Pline donne ce nom à une espece de porphyre, parce qu’il est rempli de taches blanches.

LEUCO-SYRIE, la, Leuco-suria, (Géogr. anc.) contrée d’Asie dans la Cappadoce, dont elle faisoit partie, vers l’embouchure du Thermodon, qu’on appelle aujourd’hui Pormon, & qui se jette dans la mer Noire. Les Cappadociens furent nommés Leucosyriens, ou Syriens-blancs, parce qu’ils étoient plus