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principe ; & dans son toucher, un frappant qui donne du relief avec de la douceur. Son accessoire ne doit être ni trop chargé, ni trop uni. Cette écriture si ordinaire à tous les états, n’est nullement propre à écrire le latin.

Après cette idée des écritures, qui est suffisante pour faire sentir que le caprice n’en doit diriger aucune, il est à propos de dire un mot sur l’esprit qui a fait composer les Planches qui les concernent. L’auteur fixé à 15, n’a pu s’étendre autant qu’il l’auroit desiré ; néanmoins voulant rendre son ouvrage utile, & à la portée de toutes les personnes, il ne s’est point écarté du simple & du naturel. En rassemblant le tout à peu de démonstrations & de mots, il a rejetté tous les principes introduits par la nouveauté, & consacrés par un faux goût. Toute simple que soit l’écriture, elle est déja assez difficile par elle-même, sans encore chercher à l’embarrasser par des proportions superflues multipliées, & à la démontrer avec des termes peu connus, & qui chargent la mémoire sans aucun fruit.

On terminera cet article par la composition des différentes encres, & par un moyen de révivifier l’écriture effacée, lorsque cela est possible.

Les trois principales drogues qui servent à la composition des encres, sont la noix de galle, la couperose verte & la gomme arabique.

La noix de galle est bonne lorsqu’elle est menue, très-velue, ferme ou bien pleine en-dedans, & qu’elle n’est point poudreuse.

La bonne couperose se connoît quand elle est de couleur céleste, tant dans l’intérieur que dans l’extérieur.

La gomme arabique est bonne, lorsqu’elle est claire & qu’elle se brise facilement.

Encres à l’usage des maîtres Ecrivains. Il faut prendre quatre onces de noix de galle les plus noires, épineuses & non trouées, & les concasser seulement. Un morceau de bois d’inde, gros comme une moyenne plume, & long comme le petit doigt, que l’on réduit en petits morceaux ; un morceau d’écorce de figuier, de la grosseur de quatre doigts. On mettra ces trois choses dans un coquemar de terre neuf, avec deux pintes d’eau du ciel ou de riviere, mesure de Paris : on fera bouillir le tout jusqu’à diminution de moitié, en observant que la liqueur ne se répande pas en bouillant.

Ensuite on prendra quatre onces de vitriol romain que l’on fera calciner, & une demi-livre ou plus de gomme arabique. On mettra le vitriol calciné dans un linge, & on l’attachera en mode de poupée. On mettra la gomme dans un plat de terre neuf. On posera dans le même plat la poupée où sera le vitriol ; puis quand l’encre sera diminuée comme on vient de l’expliquer, on mettra un linge blanc sur le plat dans lequel sera la gomme & la poupée de vitriol, & on passera l’encre toute bouillante par ce linge, laquelle tombera dans le plat qui sera pour cet effet sur un réchaud de feu, prenant garde pourtant qu’elle ne bouille pas dans ce plat, car alors l’encre ne vaudroit rien. On remuera l’encre en cet état avec un bâton de figuier assez fort pour empêcher la gomme de s’attacher au fond du plat, & cela de tems en tems. On pressera la poupée de vitriol avec le bâton, & on essayera cette encre de moment en moment, pour lui donner le degré de noir que l’on voudra, & jusqu’à ce que la gomme soit fondue.

On peut recommencer une seconde fois sur les mêmes drogues, en y ajoûtant pareille quantité d’eau, de bois d’inde & d’écorce de figuier ; la seconde se trouve quelquefois la meilleure.

Cette encre qui est très-belle, donne à l’écriture beaucoup de brillant & de délicatesse.

Autre. Une once de gomme arabique bien concas-

sée, deux onces de noix de galle triée & aussi-bien

concassée ; trois ou quatre petits morceaux de bois d’inde, & gros comme une noix de suc candi.

Il faut dans un pot de terre vernissé, contenant cinq demi-setiers, faire infuser dans une pinte de bierre rouge ou blanche, les quatre drogues ci dessus pendant trois quarts d’heure auprès d’un feu bien chaud sans bouillir ; ensuite on y mettra une demi-once de couperose verte, que l’on laissera encore au feu pendant une demi-heure, toujours sans bouillir. Lorsque l’encre est faite, il faut la passer & la mettre à la cave pour la mieux conserver : cette encre est très-belle & très-luisante.

Encre grise. L’encre grise se fait de la même maniere & avec les mêmes drogues que la précédente, à l’exception de la couperose verte que l’on ne met point. On ne la doit laisser au feu qu’une bonne heure sans bouillir : on passe cette encre, & on la met à la cave ainsi que l’autre.

L’encre grise se mêle dans le cornet avec l’encre noire ; on met moitié de l’une & moitié de l’autre. Si la noire cependant étoit trop foncée ou trop épaisse, il faudroit augmenter la dose de l’encre grise pour la rendre plus légere & plus coulante.

Encre pour le parchemin. Toutes sortes d’encres ne conviennent point pour écrire sur le parchemin ; la luisante devient jaune ; la légere boit, & la trop gommée s’écaille : en voici une qui est exempte de ces inconvéniens.

Prenez un quarteron & demi de noix de galle de la plus noire, & un quarteron & demi de gomme arabique, demi-livre de couperose d’Hongrie, & faites piler le tout dans un mortier, puis vous mettrez le tout ensemble dans une cruche de terre avec trois pintes d’eau de pluie ou de vin blanc, mesure de Paris. Il faut avoir soin pendant trois ou quatre jours de la remuer souvent avec un petit bâton sans la faire bouillir ; elle sera bien blanche en écrivant, & d’un noir suffisant vingt-quatre heures après.

Encre de communication. On appelle ainsi une encre qui sert pour les écritures que l’on veut faire graver. Elle se détache du papier, & se fixe sur la cire blanche que le graveur a mise sur la planche.

Cette encre est composée de poudre à canon, à volonté, réduite en poudre très-fine, avec une même quantité du plus beau noir d’impression ; à ces deux choses on ajoûte un peu de vitriol romain : le tout se met dans un petit vase avec de l’eau. Il faut avoir le soin lorsque l’on fait usage de cette liqueur, de remuer beaucoup à chaque lettre le vase dans lequel elle se trouve. Si cette encre devenoit trop épaisse, il faudroit y mettre de l’eau, & si au contraire elle étoit trop foible, on la laisseroit reposer, pour en ôter après un peu d’eau.

Encre rouge. Il faut avoir quatre onces de bois de brésil, un sol d’alun de rome, un sol ou six liards de gomme arabique, & deux sols de suc candi. On fera d’abord bouillir les quatre onces de bois de brésil dans une pinte d’eau pendant un bon quart-d’heure, puis on y ajoûtera le reste des drogues que l’on laissera bouillir encore un quart-d’heure.

Cette encre se conserve long-tems ; & plus elle est vieille, & plus elle est rouge.

Encre blanche pour écrire sur le papier noir. Il y a deux sortes d’encres blanches. La premiere consiste à mettre dans l’eau gommée, une suffisante quantité de blanc de plomb pulvérisé, de maniere que la liqueur ne soit ni trop épaisse ni trop fluide ; la seconde est plus composée, & elle vaut mieux : la voici.

Prenez coquilles d’œufs frais bien lavées & bien blanchies ; ôtez la petite peau qui est en dedans de la coque, & broyez-les sur le marbre bien nettoyé avec de l’eau claire ; mettez-les ensuite dans un vase