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sont les mêmes qui réussissent dans l’apoplexie, & les autres maladies soporeuses, savoir les emétiques, sur-tout lorsqu’elle a été occasionnée par un excès de vin, & par les narcotiques, les cathartiques, les lavemens irritans, les potions cordiales, les huiles essentielles éthérées, les élixirs spiritueux, les sels volatils, les vésicatoires, les ventouses, les sternutatoires, les sialagogues ou salivans, les saignées sont rarement indiquées ; la prétendue inflammation du cerveau ne sauroit être une raison suffisante pour les conseiller : tels sont les remedes généraux : chaque auteur en propose ensuite de particuliers spécifiques, mais le remede le plus généralement conseillé, est le castor qu’on regarde comme éminemment anti-narcotique ; on l’ordonne de toutes les façons, mêlé avec les purgatifs, pris en potion, ajouté au vinaigre pour être attiré par le nez. Borellus assure avoir guéri une léthargie avec la scammonée & le castor : on vante après le castor, beaucoup la rhue, le serpolet, le pouliot, & l’origan. Tous les acides appliqués à l’extérieur, ou pris intérieurement, passent assez communément pour très-efficaces dans la léthargie. L’esprit de vitriol céphalique, c’est-à-dire, tiré du vitriol qui a été auparavant arrosé des essences céphaliques, est très-célebre ; il est pénétrant, volatil, de même que le vinaigre vitriole benit. Quelques observations nous apprennent les heureux effets de l’immersion subite des léthargiques dans de l’eau bien froide. Il vaut mieux, dit Celse, essayer un remede douteux, qu’aucun. Art. de M. Menuret.

LÉTHÉ, (Mythol.) fleuve d’oubli, en grec λήθη, en latin lætheus fluvius ou Lethes au génitif, en sous-entendant fleuve de, un des quatre fleuves des enfers.

Les Poëtes ont ingénieusement imaginé qu’il y avoit dans les enfers une riviere de ce nom, & que tous les morts en buvoient un trait, qui leur faisoit oublier le passé, les joies & les chagrins, les plaisirs & les peines qu’on avoit ressentis pendant tout le cours de la vie, longa potant oblivia vitæ, dit Virgile. Il ne s’agissoit plus que d’indiquer entre les rivieres du monde qui s’appelloient léthé, celle qui pouvoit être le fleuve des enfers. Les uns le placerent en Grece, & d’autres en Lybie. Voyez Lethæus, fluvius, (Géogr.)

Pline nous apprend aussi que les anciens nommoient Lethes, flenve d’oubli, un fleuve d’Espagne, sur lequel ils avoient fait beaucoup de contes ; ce fleuve est vraissemblablement la Lima, riviere de Portugal, qui serpente entre le Minho & le Duero.

Enfin Lucain, phars. l. IX. prend le Lethes ou lethon, riviere d’Afrique, pour être le vrai fleuve d’oubli ; ce fleuve après avoir coulé sous terre pendant quelques milles, ressortoit près de la ville de Bérénice, & se jettoit dans la Méditerranée, proche le cap oriental des Syrtes.

Le mot λήθη, au génitif λήθης, veut dire oubli, & voilà l’origine du fleuve d’oubli des enfers. (D. J.)

LÉTRIM, (Géog.) contrée montagneuse d’Irlande, dans la province de Connaught, au nord-est de cette province. Elle a 40 milles de longueur, sur 18 de largeur, abonde en excellens pâturages, & est divisée en cinq baronies. La capitale de ce comté porte le nom de Létrim, située à 75 milles de Dublin. Long 9. 35. lat. 54. 3.

LETTERE, Letterum ou Letteranum, (Géog.) petite ville d’Italie, au royaume de Naples, dans la principauté citérieure, avec un évêché suffragant d’Amafi. Elle est assise sur le dos du mont Lactarius, à 5 lieues nord-ouest de Salerne, 8 sud-est de Naples. Long. 32. 5. lat. 40. 52. (D. J.)

LETTER-HAUT, s. m. (Comm.) espece de bois

rougeatre tirant sur le violet, qu’on nomme aussi bois de la Chine ; il nous vient par les Hollandois.

LETTRES, s. f. (Gramm.) on appelle ainsi les caracteres représentatifs des élémens de la voix. Ce mot nous vient du latin littera, dont les étymologistes assignent bien des origines différentes.

Priscien, lib. I. de litterâ, le fait venir par syncope de legitera, eo quòd lagendi iter præbeat, ce qui me semble prouver que ce grammairien n’étoit pas difficile à contenter. Il ajoute ensuite que d’autres tirent ce mot de legitera, quòd plerùmque in ceratis tabulis antiqui scribere solebant, & posteà delere ; mais si littera vient de litura, je doute fort que ce soit par cette raison, & qu’on ait tiré la dénomination des lettres de la possibilité qu’il y a de les effacer : il auroit été, me semble, bien plus raisonnable en ce cas de prendre litura dans le sens d’onction, & d’en tirer litera, de même que le mot grec correspondant γράμμα est dérivé de γράφω je peins, parce que l’écriture est en effet l’art de peindre la parole. Cependant il resteroit encore contre cette étymologie une difficulté réelle, & qui mérite attention : la premiere syllabe de litura est breve, au lieu que litera a la premiere longue, & s’écrit même communément littera.

Jul. Scaliger, de caus. l. L. cap. jv. croit que ces caracteres furent appellés originairement lineaturæ, & qu’insensiblement l’usage a réduit ce mot à literæ, parce qu’ils sont composés en effet de petites lignes. Quoique la quantité des premieres syllabes ne réclame point contre cette origine, j’y apperçois encore quelque chose de si arbitraire, que je ne la crois pas propre à réunir tous les suffrages.

D’après Hesychius, Vossius dans son étymologicon l. L. verbo , dérive ce mot de l’adjectif grec λιτός tenuis, exilis, parce que les lettres sont en effet des traits minces & déliés ; c’est la raison qu’il en allegue ; & M. le président de Brosses juge cette étymologie préférable à toutes les autres, persuadé que quand les lettres commencerent à être d’usage pour remplir l’écriture symbolique, dont les caracteres étoient nécessairement étendus, compliqués, & embarrassans, on dut être frappé sur-tout de la simplicité & de la grande réduction des nouveaux caracteres, ce qui put donner lieu à leur nomination. Qu’il me soit permis d’observer que l’origine des lettres latines qui viennent incontestablement des lettres greques, & par elles des phéniciennes, prouve qu’elles n’ont pas dû être désignées en Italie par une dénomination qui tînt à la premiere impression de l’invention de l’alphabet ; ce n’étoit plus là une nouveauté qui dût paroître prodigieuse, puisque d’autres peuples en avoient l’usage. Que ne dit-on plutôt que les lettres sont les images des parties les plus petites de la voix, & que c’est pour cela que le nom latin a été tiré du grec λιτός, en sorte que litteræ est pour notæ literæ, ou notæ elementares, notæ partium vocis tenuissimarum ?

Que chacun pense au reste comme il lui plaira, sur l’étymologie de ce mot : ce qu’il importe le plus ici de faire connoître, c’est l’usage & la véritable nature des lettres considérées en général ; car ce qui appartient à chacune en particulier, est traité amplement dans les différens articles qui les concernent.

Les diverses nations qui couvrent la terre, ne different pas seulement les unes des autres, par la figure & par le tempérament, mais encore par l’organisation intérieure qui doit nécessairement se ressentir de l’influence du climat, & de l’impression des habitudes nationales. Or il doit résulter de cette différence d’organisation, une différence considérable dans les sons & articulations dont les peuples font usage. De-là vient qu’il nous est difficile, pour