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des abbréviations, & non pas des initiales : P. P. Aug. signifie Perpetuus Augustus par abbréviation ; T. P. signifie tribunitia potestate par des initiales : Tr. Pot. le dit par abbréviation : V. P. exprime vota populi par initiales : Vot. Po. par abbréviation. Or dans un grand nombre de lettres, il n’est pas aisé de deviner celles qui doivent être jointes ensemble, & celles qui doivent demeurer seules ; & je ne crois pas qu’on puisse donner sur cela de regle certaine.

2°. L’usage des lettres initiales est de tous les tems & de toutes les nations depuis qu’on a commencé à écrire. Les Latins, les Grecs, les Hébreux, s’en sont servis, témoin l’arrêt fatal qui fut prononcé au roi Baltazar par trois lettres initiales, Man, Thau, Phe, que Daniel seul put expliquer, Mane, Thecel, Phares. On en a fait usage principalement sur les médailles, à cause du peu d’espace qu’il y a pour exprimer les légendes, la multiplicité des prénoms, des surnoms, des titres & des charges, n’a pu se marquer autrement, non pas même sur le G. B. La nécessité a été encore plus grande dans les longues inscriptions ; c’est pourquoi il n’est pas possible de donner aucun précepte : la vûe seule de plusieurs médailles & des inscriptions, où les mots se lisent tout au long, en peut faciliter la connoissance. Ainsi personne ne doute que S. C. ne signifie senatus consulto, & que S. P. Q. R. ne signifie senatus, populusque romanus. On convient aussi que I. O. M. veut dire Jovi optimo, maximo ; mais on n’est pas d’accord sur l’interprétation de ces deux lettres Δ. Ε. qui peuvent également signifier Δημαρχικῆς Ἐξουσίας, ou Δόγματι Ἐπαρχίας, ou Δήμου Εὐχαὶ, tribunitia potestate, decreto provinciæ, voto publico.

3°. Si l’on avoit toujours ponctué exactement les lettres initiales, il seroit aisé de les reconnoître, & de distinguer quand il en faut joindre quelques-unes ensemble pour un même mot : mais parce qu’on a souvent négligé de le faire, particulierement dans le bas empire & sur les petites médailles, on n’y trouve pas la même facilité. On dit, sans se tromper, D. N. V. L. Licinius : dominus noster Valerius Licinianus Licinius ; mais il faut savoir d’ailleurs que DDNNIOVLICINVAVG & CÆS. sur la médaille où les deux bustes sont affrontés, signifie domini nostri Jovii Licinii invicti Augustus & Cæsar. Delà est venue la liberté qu’on s’est donnée de prendre pour des lettres initiales celles qui ne le sont point, & de faire plusieurs mots d’un seul : dans Con. Constantinopoli, on veut trouver civitates omnes Narbonenses, &c.

4°. Je crois qu’on peut donner pour constant, que toutes les fois que plusieurs lettres jointes ensemble ne forment aucun mot intelligible, il faut conclure que ce sont des initiales ; & que lorsque les mots ont quelques sens, il ne faut pas les séparer pour en faire plusieurs mots.

5°. Quand plusieurs lettres ne peuvent former aucun mot, & que ce sont clairement des lettres initiales, il s’agit d’en découvrir la signification. La difficulté ne consisteroit pas tant à donner un sens aux légendes les plus embarrassantes, puisqu’il suffiroit pour cela de se livrer à toutes les conjectures qui peuvent s’offrir à l’esprit d’un antiquaire exercé & ingénieux. Mais il ne seroit pas si aisé de faire adopter ces conjectures par des personnes accoutumées à demander des preuves de ce qu’on prétend leur persuader ; aussi la plûpart des explications paroissent peu vraissemblables au plus grand nombre des Savans. C’est ainsi que la priere à Jesus-Christ, que le P. Hardouin trouvoit le secret de lire sur la médaille de Decentius, n’est aux yeux d’un autre savant Jésuite, Froelich (diss. de numm. monet. culp. vitios. cap. ij. p. 381.) qu’une pure imagination uniquement fondée sur l’arrangement bisarre de quel-

ques lettres transposées par l’ignorance de l’ouvrier

qui a gravé le coin.

Il ne faut pas se persuader que les monétaires ayent été si savans, qu’ils n’ayent fait quelquefois de très-grosses fautes dans les légendes. Nous en avons en particulier des preuves trop évidentes sur certaines médailles frappées hors d’Italie, comme celles des Tetricus, &c. Ces méprises venoient, tantôt de précipitation, tantôt de ce que les ouvriers ne savoient pas assez le latin ou le grec, tantôt encore de ce que ceux qui leur donnoient des légendes, ne les écrivoient pas assez distinctement.

N’oublions pas de remarquer, en finissant cet article, qu’il y a des médailles dans la légende desquelles on lit le mot restitut. entier ou abrégé rest. On nomme ces médailles, médailles de restitution, ou médailles restituées. Voyez-en l’article. (D. J.)

LEGER ; ce mot se dit en Architecture, d’un ouvrage percé à jour, où la beauté des formes consiste dans le peu de matiere, comme les portiques dont les trumeaux sont moitié des vuides, les péristyles, &c. On pourroit aussi l’appliquer aux ouvrages gothiques.

Ce mot s’entend encore dans l’art de bâtir ; des menus ouvrages, comme les plâtres, savoir les plafonds, les ourdis des cloisons, les lambris, les enduits, les crépis & les ais des planches, les tuyaux de cheminée en plâtre, les manteaux de cheminée, & le carreau de terre cuite.

On nomme tous ces ouvrages légers ouvrages.

Léger se dit aussi dans l’Ecriture, d’une main qui dans le feu de son opération a le mouvement si aisé qu’elle ne fait que lécher le papier. Voyez Légereté (Physique & Morale.)

Léger, Légereté, (Maréchall.) on dit qu’un cheval est léger, lorsqu’il est vîte & dispos ; qu’il est de légere taille, quand il est de taille déchargée, quoiqu’il soit d’ailleurs lourd & pesant ; qu’il est léger à la main, quand il a bonne bouche, & qu’il ne pese pas sur le mors. On dit aussi qu’un cheval de carrosse est léger, lorsqu’il se remue bien ; qu’il craint le fouet, ou qu’il trotte légerement. Dur au fouet est en ce sens le contraire de léger. Avec un cheval léger & ramingue, il faut tenir la passade plus courte & les ronds plus étroits qu’avec un cheval pesant & engourdi. Les chevaux qui sont déchargés du devant & qui ont peu d’épaules, sont ordinairement légers à la main. Un cheval doit être léger du devant, & sujet des hanches.

En parlant du cavalier, les termes de léger & de légereté s’emploient dans plusieurs sens. Un bon écuyer doit monter à cheval & se placer sur la selle avec toute la légereté possible, de peur de l’intimider & de l’incommoder. Un cavalier qui est léger, & qui se tient ferme, fatigue moins son cheval qu’un autre qui s’appesantit dessus, & il est toujours mieux en état de souffrir sa défense malicieuse. Enfin, un homme de cheval doit avoir la main très-légere, c’est-à-dire, qu’il faut qu’il sente seulement son cheval dans la main pour lui résister lorsqu’il veut s’échapper ; & au lieu de s’attacher à la main, il faut qu’il la baisse, dès qu’il a résisté au cheval.

C’est une des meilleures marques d’un homme de cheval, que d’avoir la main légere.

Léger, Légereté, (Peinture.) pinceau léger, légereté de pinceau, se dit lorsqu’on reconnoît dans un tableau la sureté de la main, & une grande aisance à exprimer les objets. L’on dit encore que les bords ou extrémités d’un tableau doivent être légers d’ouvrage, c’est-à-dire, peu chargés d’ouvrage, parce qu’autrement il y auroit trop d’objets coupés par le bord du tableau, ce qui produiroit des effets disgracieux.

LÉGEREMENT, adv. ce mot en Musique indique