Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

décider les appellations des sentences rendues par les supérieurs ecclésiastiques qui relevent immédiatement du saint siége. Ces juges délégués ne doivent point connoître en premiere instance des affaires dont le jugement appartient aux ordinaires, ni des appellations, avant que l’on ait épuisé tous les degrés de la jurisdiction ecclésiastique qui sont au-dessous de celle du pape.

Les légats ne peuvent pas changer l’ordre de la jurisdiction ordinaire, ni adresser la commission pour donner le visa à d’autres qu’à l’évêque diocésain ou à son grand-vicaire, ni commettre la fulmination des bulles, & dispenser à d’autres qu’à l’official qui en doit connoître.

Les reglemens faits par un légat pendant le tems de sa légation, doivent continuer d’être exécutés, même après sa légation finie, pourvû qu’ils ayent été revêtus de lettres-patentes vérifiées par les parlemens.

Dès qu’un légat n’est plus dans le royaume, il ne peut plus conférer les bénéfices ni faire aucun autre acte de jurisdiction, quand même le tems de sa légation ne seroit pas encore expiré.

La légation finit par la mort du légat, ou avec le tems fixé pour l’exercice de sa légation par les lettres-patentes & arrêt d’enregistrement, ou quand le roi lui a fait signifier sa révocation, au cas que les lettres-patentes & arrêt d’enregistrement n’eussent pas fixé le tems de la légation. Les bulles du légat portent ordinairement que la légation durera tant qu’il plaira au pape ; mais ces légations indéfinies ne sont point admises en France : c’est pourquoi l’on fait promettre aux légats, avant d’exercer leur légation, qu’ils ne se serviront de leur pouvoir qu’autant qu’il plaira au roi.

C’est une question assez controversée de savoir si la légation finit par la mort du pape : cependant comme l’autorité des légats donne atteinte à celle des ordinaires qui est favorable, dans le doute on doit tenir que la légation est finie.

Quelquefois après la légation finie, le pape accorde une prorogation ; mais ces bulles sont sujettes aux mêmes formalités que les premieres, & les mêmes modifications y ont lieu de droit.

Lorsque le légat sort du royaume, il doit y laisser les registres de sa légation, & en remettre les sceaux à une personne nommée par le roi, qui en expédie les actes à ceux qui en ont besoin. Les deniers provenans de ces expéditions sont employés à des œuvres de piété, suivant qu’il est reglé par le roi. Si le légat ne laissoit pas son sceau, le parlement commet une personne pour sceller les expéditions d’un sceau destiné à cet usage.

Outre les légats à latere que le pape envoie extraordinairement, selon les différentes occurrences, il y en a toujours un pour Avignon, qui exerce sa jurisdiction sur cette ville & sur le comté qui en dépend, & sur les provinces ecclésiastiques qui en dépendent. Cette commission est ordinairement donnée à un cardinal, qui a un subdélégué, connu sous le nom de vice-légat, lequel fait toutes les fonctions de cette légation.

Les facultés de quelques légats d’Avignon se sont aussi étendues sur la province de Narbonne ; mais ce n’a point été comme légats d’Avignon qu’ils y ont exercé leur pouvoir ; ç’a été en vertu de lettres patentes, vérifiées au parlement de Toulouse, qui en contenoient une concession particuliere : cette distinction est expliquée dans les lettres-patentes de Charles IX, du 6 Juin 1565, sur les bulles de la légation du cardinal de Bourbon, dont les facultés s’étendoient sur la province de Narbonne : elle se trouve aussi dans les lettres-patentes du 10 Mai 1624 sur les bulles du cardinal Barberin.

Ce légat est une espece de gouverneur, établi au nom du pape pour la ville d’Avignon & les terres en dépendantes, qui ont été engagées au saint siége par une comtesse de Provence. Ce n’est que par une grace spéciale que le roi consent que ce légat ou son vice légat exercent leur jurisdiction spirituelle sur les archevêchés des provinces voisines que l’on vient de nommer.

Les provinces ecclésiastiques de France qui dépendent du légat d’Avignon, sont les archevêchés de Vienne, d’Arles, d’Embrun & d’Aix.

Il ne paroît pas que les papes ayent eu en la ville d’Avignon leurs légats ni vice-légats avant que Clément V. eut transféré son siége en cette ville en 1348 ; mais depuis qu’Urbain VI. eut remis a Rome le siége apostolique, les papes établirent à Avignon leurs officiers pour le gouvernement spirituel & temporel de cette ville & de ses dépendances, & du comté venaissin dont ils étoient en possession.

Il est assez difficile de dire précisément quel étoit le pouvoir de ces officiers d’Avignon sous les premiers papes qui ont remis le saint siége à Rome, dans le gouvernement ecclésiastique de quelques provinces de France, & en quel tems leur autorité & qualité de légats & vice-légats y a été reconnue.

Quelques auteurs ont avancé qu’avant 1515 il n’y avoit point de légats à Avignon ; que le cardinal de Clermont, archevêque d’Ausch, envoyé par le pape Léon X, est le premier qui ait eu cette qualité, & que le cardinal Farneze sut le second. Les lettres-patentes du roi François I, du 23 Fevrier 1515, données sur les bulles de légation du cardinal de Clermont, & l’arrêt d’enregistrement, paroissent favoriser cette opinion : cependant cette époque de 1515 ne s’accorde pas avec les lettres patentes d’Henri II du mois de Septembre 1551, ni avec la requête des états de Provence, qui y est énoncée, sur laquelle ces lettres-patentes ont été accordées. Par ces lettres, registrées au parlement d’Aix, sa majesté permet à ses sujets de Provence de recourir pardevers le légat ou vice-légat d’Avignon pour en obtenir, dans les matieres bénéficiales, les dispenses & dérogations à la regle des vingt jours.

Les légats & vice-légats d’Avignon sont obligés, avant que d’exercer leurs pouvoirs dans les provinces de France, d’obtenir des lettres-patentes sur les bulles de leur légation, & de les faire enregistrer dans tous les parlemens sur lesquels s’étend leur légation.

On leur fait ordinairement promettre par écrit de ne rien faire contre les libertés de l’église gallicane, & de se soumettre aux modifications qui ont été apposées à leurs facultés par l’arrêt de vérification : chaque parlement a ses formes & ses usages pour ces sortes d’enregistremens & de modifications.

Les decrets des papes rapportés dans les decretales au titre de officio legati, n’ont pas prévu toutes les questions qui se présentent sur l’étendue du pouvoir des légats & vice-légats d’Avignon.

L’étendue de leurs facultés, suivant les maximes du royaume, dépend 1°. des clauses des bulles de leur légation ; 2°. de la disposition des lettres-patentes accordées par le roi sur ces bulles ; 3°. des modifications apposées par les arrêts d’enregistrement.

Les bulles de la légation du cardinal Farneze, légat d’Avignon en 1542, lui donnant le pouvoir d’user dans sa légation des facultés du grand-pénitencier de Rome, & cette clause ayant paru insolite au parlement d’Aix, il ne les enregistra qu’à la charge de rapporter dans trois mois les facultés du grand-pénitencier de Rome.

Le parlement de Toulouse, en enregistrant le 20 Août 1565 les bulles de la légation d’Avignon, ac-