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tantes, ni les témoins ne mettoient aucune signature manuelle au-bas de l’acte ; ils y apposoient seulement l’empreinte de leur cachet ; chacun avoit alors son sceau ou cachet particulier appellé signum, sigillum, ou annulus signatorius. Mais l’apposition de ces sceaux particuliers étoit peu utile pour prouver l’authenticité de l’acte ; car outre que c’étoient des sceaux particuliers qui pouvoient être peu connus même dans le lieu où se passoit l’acte, on pouvoit sceller un acte avec le cachet d’autrui, & tous les témoins pouvoient sceller avec le même cachet, suivant ce que dit Justinien aux Institutes, lib. II. tit. x. §. 5. ensorte que les différens cachets apposés sur un acte, ne dénotoient point d’une maniere certaine quelles étoient les personnes qui avoient eu part à cet acte, & sur-tout n’y ayant alors aucun sceau public chez les Romains, ainsi que l’observe M. Charles Loyseau en son traité des offices, ch. iv. n. 10.

Les légalisations auroient donc été alors plus nécessaires que jamais pour constater l’authenticité des actes, puisqu’il n’y avoit aucune formalité qui en fît connoitre l’auteur d’une maniere certaine ; mais encore une fois, on ne trouve rien dans le droit romain d’où l’on puisse induire que l’on pratiquât alors aucune espece de légalisation.

Il n’est point parlé non plus des légalisations dans le droit canon, quoique la plûpart des lois dont il est composé aient été faites dans un tems où les légalisations étoient déja en usage. En effet, le decret de Gratien parut en 1151 ; les décretales de Grégoire IX. l’an 1230 ; le sexte en 1298 ; les clémentines en 1317, & les extravagantes de Jean XXII. en 1334 : or je trouve que les légalisations étoient dès-lors en usage.

Comme il n’y a aucune loi qui ait établi la formalité des légalisations, on ne sait pas précisément en quel tems on a commencé à légaliser. Mais il y a au trésor des chartes, registre 80 pour les an. 1360, 1351, une copie des statuts des tailleurs de Montpellier, délivrée par deux notaires royaux de la même ville, au-bas de laquelle sont deux légalisations datées de l’année 1323 ; la premiere donnée par le juge royal de Montpellier ; la seconde par l’official de Maguelonne.

Il paroît même que l’usage des légalisations étoit déja fréquent, car on en trouve plusieurs de toute espece données dans les années 1330 & suivantes, qui sont aussi au trésor des chartes ; ce qui fait présumer que celles données en 1323 n’étoient pas les premieres, & que l’usage en étoit déja ancien.

Quelques docteurs ultramontains ont parlé des légalisations à l’occasion de ce qui est dit dans les lois romaines, des tabellions & de la foi dûe aux actes publics ; tels sont Ange Balde sur la novelle 44 de tabillionibus ; Paul de Castro en son conseil 394 ; Felin sur le chap. coram. versic. dubium, de officio delegati. Mathœus de afflictis in decision. napolit. 251 ; & Alberic sur le titre du code de fide instrum. Ces auteurs proposent l’espece d’un testament reçu dans un pays éloigné par un notaire dont on révoque en doute la qualité dans le lieu où le testament est présenté ; ils demandent si la légalisation, qu’ils nomment litteram testimonialem, donnée par l’official ou par le juge qui atteste que celui qui a reçu l’acte est réellement notaire, est suffisante pour prouver sa qualité, & ils décident pour l’affirmative.

Alberic de Rosate, jurisconsulte de Bergame dans le Milanois, qui vivoit au commencement du xje. siecle, dit au même endroit qu’il a toujours vû pratiquer en justice qu’on n’ajoutoit pas foi par provision à un acte passé dans un endroit éloigné ; mais que l’on s’adresse au juge du lieu où le tabellion qui a reçu l’acte exerce ses fonctions, pour qu’il

atteste si celui qui a reçu l’acte est réellement tabellion, ou bien que l’on prouve sa qualité de tabellion en représentant d’autres actes émanés de lui.

Pour prévenir l’embarras d’une légalisation, Balde, au même endroit, conseille à ceux qui passent des actes qu’ils doivent envover dans des endroits éloignés, de les faire écrire par un notaire, & de les faire signer par trois notaires, gens de probité, afin qu’en quelqu’endroit que l’on présente ces actes, on ne puisse point révoquer en doute qu’ils ont été reçus par un notaire.

Felin, sur le chap. post cessionem de probationibus & Cœpola Verone cautelâ 34, proposent le même expédient, lequel, suivant Felin, est conforme à la 152e des nouvelles décisions de la Rote ; mais Cœpola indique aussi la voie de prendre une attestation du juge du lieu où l’acte a été passé que celui qui l’a reçu étoit réellement notaire, & M. Boyer, dans sa décision 154, dit que cette voie est la plus sûre.

Voilà tout ce que ces docteurs ont dit des légalisations dont ils n’ont parlé qu’en passant, & fort légerement : nos auteurs françois n’en ont parlé en aucune maniere.

Il ne faut pas confondre les légalisations avec les lettres de vidimus qui étoient anciennement usitées en France ; ces sortes de lettres n’étoient autre chose que des expéditions authentiques tirées sur l’original d’un acte, ou des copies collationnées sur une expédition : on les appelloit lettres de vidimus, parce qu’elles commençoient ordinairement par ces termes, vidimus quasdam litteras integras & non cancellatas, quarum tenor sequitur, ensuite on transcrivoit l’acte : tel étoit alors le style des expéditions & copies collationnées, & c’est de là qu’en quelques provinces on dit encore copie vidimée pour copie collationnée ; on sent assez la différence qu’il y a entre ces lettres de vidimus, & les légalisations puisque ces sortes de lettres n’étoient autre chose qu’une collation des expéditions ou copies avec l’original, laquelle collation se pouvoit faire par le même officier qui avoit reçu l’acte, & qui l’expédioit, ce qui par conséquent n’ajoutoit rien à l’authenticité de l’acte original ni de la copie ; au lieu que les légalisations ont pour objet de faire mieux connoître l’authenticité de l’expédition ou copie qui en a été tirée, en la munissant du témoignage & du sceau de quelque officier qui par son caractere soit plus connu que celui qui a reçu ou expédié l’acte.

Lorsqu’il s’agit de constater la vérité des faits contenus dans les actes, on distingue ces actes qui sont d’écriture privée, de ceux qui sont émané, de quelque officier public.

Pour ce qui est des actes d’écriture privée, comme l’auteur n’en est pas certain, on n’y a point d’égard, jusqu’à ce que l’écriture en soit reconnue ou tenue pour telle avec celui contre lequel on veut s’en servir.

Quoique ces sortes d’actes ne forment qu’une preuve peu certaine des faits qui y sont mentionnés, néanmoins on ne les légalise point, parce que l’effet de la légalisation n’étant pas de donner l’authenticité à un acte, mais seulement de faite connoître qu’il est authentique, & pour ainsi dire d’étendre son authenticité d’un lieu dans un autre ; elle seroit inutile aux écritures privées, lesquelles dans leur principe ne sont point authentiques.

A l’égard des actes émanés des officiers publics, on les a appellés authentiques, du mot grec αὐθεντικὸς, qui veut dire, dont l’auteur est connu, parce qu’en effet la signature de l’officier public est plus connue que celle des particuliers, & que son témoignage constate quelle est la personne qui a passé l’acte : c’est pour cela que l’on ajoute foi par pro-