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qu’on a employé dans la dissolution des morceaux de lapis qui ont beaucoup de ces taches brillantes comme de l’or, que M. Marggraf regarde comme des pyrites sulfureuses.

En versant un peu d’acide vitriolique dans les dissolutions du lapis faites avec l’acide nitreux & l’acide du sel marin, il se précipite une espece de sélénite, ce qui prouve, suivant M. Marggraf, que le lapis contient une portion de terre calcaire qui, combinée avec l’acide vitriolique, forme de la sélénite.

Il fit ces mêmes expériences avec le lapis calciné, elles réussirent à-peu-près de même, excepté qu’il n’y eut plus d’effervescence. La dissolution dans l’acide du sel marin devint très-jaune ; & le mélange de la dissolution d’alkali & de sang de bœuf produisit un précipité d’un bleu très-vif. Une autre différence, c’est que les dissolutions du lapis calciné dans ces trois acides devinrent comme de la gelée, au lieu que celles qui avoient été faites avec le lapis non calciné demeurerent fluides : de plus, l’acide nitreux étoit celui qui avoit agi le plus fortement sur le lapis brut, au lieu que c’étoit l’acide du sel marin qui avoit extrait le plus de parties ferrugineuses du lapis calciné.

Quoique le lapis donne des étincelles lorsqu’on le frappe avec un briquet, ce qui annonce qu’il est de la nature du jaspe ou du caillou, M. Marggraf conjecture qu’il contient aussi une terre gypseuse ou sélénitique formée par la combinaison de l’acide vitriolique avec une terre calcaire ou avec du spath fusible, vu qu’un morceau de lapis tenu dans un creuset à une chaleur modérée, répandoit une lumiere phosphorique, & étoit accompagné de l’odeur du phosphore ; en poussant le feu jusqu’à faire rougir le lapis, la lumiere phosphorique disparut. On éteignit cette pierre à six ou sept reprises dans de l’eau distillée, qui fut filtrée ensuite, vû que ces extinctions réitérées l’avoient rendue trouble. On versa une dissolution de sel de tartre dans cette eau, & sur-le-champ il se précipita une poudre blanche qui, après avoir été édulcorée, se trouva être une vraie terre calcaire ; la dissolution qui surnageoit donna, par l’évaporation, du tartre vitriolé.

M. Marggraf ayant exposé au feu un morceau de lapis d’un beau bleu pendant une bonne demi-heure dans un creuset couvert, trouva qu’il n’avoit rien perdu de sa couleur. Un autre morceau tenu pendant une heure dans un creuset ferme & luté, se convertit en une masse poreuse d’un jaune foncé, sur laquelle étoient répandues quelques taches bleuâtres. Un autre morceau de lapis d’un beau bleu exposé à une chaleur plus forte excitée par le vent du soufflet, se changea entierement en une masse vitreuse blanche, sur laquelle on voyoit encore quelques marques bleues. M. Marggraf prouve par là la solidité de la couleur bleue de cette pierre ; & sa vitrification prouve encore selon lui, que le lapis est une pierre mélangée, vû que ni la pierre à chaux, ni le caillou, ni même le spath fusible, n’entrent point seuls en fusion.

En mêlant par la trituration un demi-gros de sel ammoniac, avec un gros de lapis en poudre & calciné, il en partit une odeur urineuse. Ce mélange ayant été exposé dans une retorte à un feu violent, il se sublima un sel ammoniac jaune, semblable à ce qu’on appelle fleurs de sel ammoniac martiales. Le résidut de cette sublimation pesoit exactement un gros, & étoit d’un beau bleu violet. Ce résidu fut lavé dans de l’eau distillée que l’on filtra ensuite, alors en y versant goutte à goutte une dissolution alkaline, il se précipita une assez grande quantité d’une poudre blanche qui étoit de la terre calcaire. Ce qui s’étoit sublimé ayant été dissous dans de l’eau déposa au bout de quelques tems une très-petite quanti-

té de poudre d’un jaune orangé, semblable à de l’ochre

martiale.

Ce lapis calciné & pulvérisé, mêlé avec des fleurs de soufre, & mis en sublimation, ne souffrit aucun changement, le résidu demeura toujours d’un beau bleu. La même chose arriva en le mêlant avec parties égales de mercure sublimé, qui ne fut point révivifié non plus que le cinnabre que l’on y avoit joint pour une autre expérience, & le résidu demeura toujours bleu.

Un mélange d’une partie de sel de tartre avec deux parties de lapis calciné & pulvérisé, exposé au grand feu pendant une heure dans un creuset bien luté, se convertit en une masse poreuse d’un verd jaunâtre ; mais en mettant parties égales de lapis & de sel de tartre, & en faisant l’expérience de la même maniere, on obtint une masse blanchâtre poreuse, couverte par-dessus d’une matiere jaunâtre.

Une partie de lapis mêlée avec trois parties de nitre pur entre peu-à-peu en fusion : en augmentant le feu, le lapis conserve sa couleur bleue ; en le poussant encore davantage, le mélange s’épaissit & se change enfin en une masse grise, qui jettée toute chaude dans de l’eau distillée lui donne une couleur d’un verd bleuâtre, qui disparoît en peu de tems & laisse l’eau limpide, mais lui donne un goût alkalin, & alors elle fait une forte effervescence avec les acides : quant au lapis il a perdu entierement sa couleur.

En mêlant un gros de caillou pulvérisé avec un demi-gros de sel de tartre & dix grains de lapis en poudre, M. Marggraf ayant mis le tout dans un creuset couvert, ce mélange donna un verre transparent d’un jaune de citron. Un gros de borax calciné, mêlé avec dix grains de lapis étant fondu, a donné un verre de la couleur de la chrysolite, d’où M. Marggraf conclud que le lapis ne contient pas la moindre portion de cuivre, mais que sa couleur vient d’une petite quantité de fer.

On voit par ce qui précede que les expériences de M. Marggraf détruisent presque tout ce qui avoit été dit jusqu’ici sur le lapis lazuli. (—)

Lapis Lebetum, (Hist. nat.) c’est le nom que quelques naturalistes donnent à la pierre que l’on nomme plus communément pierre ollaire, ou pierre à pots. Voyez ces article.

Lapis lucis, ou Lapis luminis, (Hist. nat.) nom donné par les medecins arabes à une pyrite ou marcassite, que l’on calcinoit & que l’on employoit pour les maladies des yeux, ce qui semble lui avoir fait donner son nom ; ou peut être lui est-il venu de ce que ces sortes de pyrites donnent beaucoup d’étincelles lorsqu’on les frappe avec l’acier. Voyez Pyrite.

LAPITHES, les, (Géog. anc.) Lapithæ, ancien peuple de Macédoine, près du mont Olympe selon Diodore de Sicile, l. IV. c. 71. mais il n’en dit rien que ce que la Fable en a publié. Ce peuple excelloit à faire des mords, des caparaçons, & à bien manier un cheval ; c’est Virgile qui nous l’apprend en très beaux vers, au III liv. de ses Géorgiques.

Frana Pelethronii Lapithæ gyrosque dedêre
Impositi dorso ; atque equitem docuêre sub armis
Insultare solo, & gressus glomerare superbos.

Ils étoient assez courageux, mais si vains, qu’au rapport de Plutarque & d’Eustathius, pour signifier un homme bouffi de vanité, on disoit en proverbe, il est plus orgueilleux qu’un Lapithe. (D. J.)

LAPONIE, la ou LAPPONIE, (Géog.) grand pays au nord de l’Europe & de la Scandinavie, entre la mer Glaciale, la Russie, la Norwege & la Suede. Comme il est partagé entre ces trois couronnes, on le divise en Laponie russienne, danoise & suédoise : cependant cette derniere est la seule qui soit