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Quant aux rubis, saphirs & topases d’orient, on les taille & on les forme sur une roue de cuivre qu’on arrose de poudre de diamant avec de l’huile d’olive. Le poliment s’en fait sur une autre roue de cuivre, avec du tripoli détrempé dans de l’eau. On tourne d’une main un moulin qui fait agir la roue de cuivre, pendant qu’on forme de l’autre la pierre mastiquée ou cimentée sur un bâton, qui entre dans un instrument de bois, appellé quadrant, parce qu’il est composé de plusieurs pieces qui quadrent ensemble & se meuvent avec des visses, qui, faisant tourner le bâton, forment régulierement les différentes figures que l’on veut donner à la pierre.

Pour les rubis balais, espinelles, émeraudes, jacynthes, amétistes, grenats, agathes, & autres pierres moins dures, on les taille, comme on a dit au commencement de l’article, & on les polit ensuite sur une roue d’étain avec le tripoli.

Il y a d’autres sortes de pierres, comme la turquoise de vieille & de nouvelle roche, le lapis, le girasol & l’opale, que l’on polit sur une roue de bois avec le tripoli.

Pour former & graver les vases d’agathe, de crystal, de lapis, ou d’autres sortes de pierres dures, on a une machine, qu’on appelle un tour, exactement semblable à ceux des Potiers d’étain, excepté que ceux-ci sont faits pour y attacher les vases & les vaisselles que l’on veut travailler, au lieu que les autres sont ordinairement disposés pour recevoir & tenir les différens outils qu’on y applique, & qui tournent par le moyen d’une grande roue qui fait agir le tour. Ces outils, en tournant, forment ou gravent les vases que l’on présente contre, pour les façonner & les orner de relief ou en creux, selon qu’il plaît à l’ouvrier, qui change d’outils selon qu’il en a besoin.

Il arrose aussi ses outils & sa besogne avec de l’émeril détrempé dans de l’eau, ou avec de la poudre de diamant délayée avec de l’huile, selon le mérite de l’ouvrage & la qualité de la matiere ; car il y a des pierres qui ne valent pas qu’on dépense la poudre de diamant à les tailler, & même qui se travaillent plus promptement avec l’émeril, comme sont le jade, le girasol, la turquoise, & plusieurs autres qui paroissent être d’une nature grasse.

Lorsque toutes ces différentes pierres sont polies, & qu’on veut les graver, soit en relief, soit en creux ; si ce sont de petits ouvrages, comme médailles ou cachets, l’on se sert d’une machine, appellée touret, qui n’est autre chose qu’une petite roue de fer, dont les deux bouts des aissieux tournent, & sont enfermés dans deux pieces de fer mises de bout, comme les lunettes des Tourneurs, ou les chevalets des Serruriers, lesquelles s’ouvrent & se ferment comme l’on veut, étant pour cet effet fendues par la moitié, & se rejoignant par le haut avec une traverse qui les tient, ou faits d’une autre maniere. A un bout d’un des aissieux de la roue l’on met les outils dont on se sert, lesquels s’y enclavent & s’y affermissent par le moyen d’une visse qui les serre & les tient en état. On fait tourner cette roue avec le pié, pendant que d’une main l’on présente & l’on conduit l’ouvrage contre l’outil, qui est de fer doux, si ce n’est quelques-uns des plus grands que l’on fait quelquefois de cuivre.

Tous les outils, quelque grands ou petits qu’ils soient, sont ou de fer ou de cuivre, comme je viens de dire. Les uns ont la forme d’une petite pirouette, on les appelle des scies ; les autres qu’on nomme bouts, bouterolles, ont une petite tête ronde comme un bouton. Ceux qu’on appelle de charniere, sont faits comme une virole, & servent à enlever les pieces ; il y en a de plats, & d’autres différentes sortes que l’ouvrier fait forger de diverses gran-

deurs, suivant la qualité des ouvrages. On applique

l’outil contre la pierre qu’on travaille, soit pour ébaucher, soit pour finir, non pas directement opposée au bout de l’outil, mais à côté, en sorte que la scie ou bouterolle l’use en tournant contre, & comme la coupant. Soit qu’on fasse des figures, des lettres, des chiffres, ou autre chose, l’on s’en sert toujours de la même maniere, les arrosant avec de la poudre de diamant & de l’huile d’olive ; & quelquefois, lorsqu’on veut percer quelque chose, on rapporte sur le tour de petites pointes de fer, au bout desquelles il y a un diamant serti, c’est-à-dire enchâssé.

Après que les pierres sont gravées ou de relief, ou en creux, on les polit sur des roues de brosses faites de poil de cochon, & avec du tripoli, à cause de la délicatesse du travail ; & quand il y a un grand champ, on fait exprès des outils de cuivre ou d’étain propres à polir le champ avec le tripoli, lesquels on applique sur le touret de la même maniere que l’on met ceux qui servent à graver. Voyez nos Planches de Diam. & de Lapid.

LAPIDATION, s. f. (Théolog.) l’action de tuer quelqu’un à coups de pierre ; terme latinisé de lapis, pierre.

La lapidation étoit un supplice fort usité parmi les Hébreux ; les rabbins font un grand dénombrement des crimes soumis à cette peine. Ce sont en général tous ceux que la loi condamne au dernier supplice, sans exprimer le genre de la mort ; par exemple, l’inceste du fils avec la mere, ou de la mere avec son fils, ou du fils avec sa belle-mere, ou du pere avec sa fille, ou de la fille avec son pere, ou du pere avec sa belle-fille, ou d’un homme qui viole une fille fiancée, ou de la fiancée qui consent à ce violement, ceux qui tombent dans le crime de sodomie ou de bestialité, les idolâtres, les blasphémateurs, les magiciens, les nécromanciens, les violateurs du sabbat, ceux qui offrent leurs enfans à Moloch, ceux qui portent les autres à l’idolâtrie, un fils rebelle à son pere, & condamné par les juges. Les rabbins disent que quand un homme étoit condamné à mort, il étoit mené hors de la ville, ayant devant lui un huissier avec une pique en main, au haut de laquelle étoit un linge pour se faire remarquer de plus loin, & afin que ceux qui avoient quelque chose à dire pour la justification du coupable, le pussent proposer avant qu’on fût allé plus avant. Si quelqu’un se présentoit, tout le monde s’arrêtoit, & on ramenoit le criminel en prison, pour écouter ceux qui vouloient dire quelque chose en sa faveur. S’il ne se présentoit personne, on le conduisoit au lieu du supplice, on l’exhortoit à reconnoître & à confesser sa faute, parce que ceux qui confessent leur faute, ont part au siecle futur. Après cela on le lapidoit. Or la lapidation se faisoit de deux sortes, disent les rabbins. La premiere, lorsqu’on accabloit de pierres le coupable, les témoins lui jettoient les premiers la pierre. La seconde, lorsqu’on le menoit sur une hauteur escarpée, élevée au moins de la hauteur de deux hommes, d’où l’un des deux témoins le précipitoit, & l’autre lui rouloit une grosse pierre sur le corps. S’il ne mourroit pas de sa chûte, on l’achevoit à coups de pierres. On voit la pratique de la premiere façon de lapider dans plus d’un endroit de l’Ecriture ; mais on n’a aucun exemple de la seconde ; car celui de Jézabel, qui fut jettée à bas de la fenêtre, ne prouve rien du tout.

Ce que nous avons dit que l’on lapidoit ordinairement les criminels hors de la ville, ne doit s’entendre que dans les jugemens réglés : car, hors ce cas, souvent les Juifs lapidoient où ils se trouvoient ; par exemple, lorsque, emportés par leur zele, ils accabloient de pierres un blasphémateur,