repos l’an 161 de l’ere chrétienne, comblé d’années & regrété de l’univers.
Les tyrans inhumains périssent dans la rage ;
Mais Antonin, Trajan, Marc-Aurele, Titus,
Ont eu des jours serains sans nuit & sans orage,
Purs comme leurs vertus. (D. J.)
LANZO, Axima, (Géogr.) ville d’Italie au Piémont, sur la Sture, à 8 lieues de Suze, 5 N. O. de Turin. Long. 25. 8. lat. 45. 2.
LAO ou LAOS, (Géogr.) grand royaume d’Asie au-delà du Gange. Il est situé sous le même climat que Tonquin, & séparé des états voisins par des forêts & par des deserts : aussi trouve-t-on de grandes difficultés à y aller par terre, à cause des hautes montagnes ; & par eau, à cause des rochers & des cataractes dont la riviere est pleine.
Ce royaume est borné au nord par la province chinoise nommée Yunnam ; à l’orient, par des monts élevés, par le Tonquin & par la Cochinchine ; au midi, par Cambodia ; & au couchant, par de nouvelles montagnes qui le séparent des royaumes de Siam & d’Ava. Un bras du Gange traverse le pays, qu’il rend navigable : de sorte que les habitans de Cambodia y vont tous les ans dans leurs proues ou bateaux pour trafiquer. La capitale est nommée Lanchang par M. de Lisle, & Landjam par Kœmpfer.
Le pays de Lao produit en abondance la meilleure espece de riz, de musc, de benjoin & de gomme laque qu’on connoisse ; il procure quantité d’ivoire par le grand nombre d’éléphans qui s’y trouvent ; il fournit aussi beaucoup de sel, quelques perles & quelques rubis. Les rivieres y sont remplies de poisson.
Le roi de Lao est le prince le plus absolu qu’il y ait au monde ; car son pouvoir est despotique dans les affaires religieuses & civiles : non-seulement toutes les charges, honneurs & emplois dépendent de lui, mais les terres, les maisons, les héritages, les meubles, l’or & l’argent de tous les particuliers lui appartiennent, sans que personne en puisse disposer par testament. Il ne se montre à son peuple que deux fois l’année ; & quand il lui fait cette grace, ses sujets par reconnoissance tâchent de le divertir de leur mieux par des combats de lutteurs & d’éléphans.
Il n’y a que sept grandes dignités ou vice-royautés dans ses états, parce que son royaume n’est divisé qu’en sept provinces : mais il y a un viceroi général pour premier ministre, auquel tous les autres vicerois obéissent : ceux-ci commandent à leur tour aux mandarins ou seigneurs du pays de leur district.
La religion des Langiens, c’est ainsi qu’on appelle les peuples de Lao, est la même que celle des Siamois, une parfaite idolatrie, accompagnée de sortileges & de mille superstitions. Leurs prêtres, nommés talapoins, sont des misérables, tirés d’ordinaire de la lie du peuple ; leurs livres de cérémonies religieuses sont écrits comme ceux des Pégans & des Malabariens, sur des feuilles de palmier, avec des touches de terre.
La polygamie regne dans ce pays-là, & les jeunes garçons & filles y vivent dans la plus grande incontinence. Lorsqu’une femme est nouvellement accouchée, toute la famille se rend chez elle & y passe un mois en repas, en festins & en jeux, pour écarter de sa maison les magiciens, les empêcher de faire perdre le lait à la mere & d’ensorceler l’enfant.
Ces peuples font encore une autre fête pendant trente jours au décès de leurs parens. D’abord ils mettent le mort dans un cercueil bien enduit partout de bitume ; il y a festin tous les jours pour les talapoins, qui emploient une partie du tems à conduire, par des chansons particulieres, l’ame du mort dans le chemin du ciel. Le mois expiré, ils éle-
ramassent les cendres du mort, qu’ils transportent dans le temple des idoles. Après cela, on ne se souvient plus du défunt, parce que son ame est passée, par la transmigration, au lieu qui lui étoit destiné.
Les Langiens ressemblent aux Siamois de figure, avec cette seule différence qu’ils sont plus déliés & plus basannés ; ils ont de longues oreilles comme les Pégouans & les habitans des côtes de la mer ; mais le roi de Lao se distingue personnellement par le vuide des trous de ses oreilles. On commence à les lui percer dès la premiere enfance, & l’on augmente chaque mois l’ouverture, en employant toûjours de plus grosses cannules, jusqu’à ce qu’enfin les oreilles trouées de sa majesté aient atteint la plus grande longueur qu’on puisse leur procurer. Les femmes qui ne sont pas mariées portent à leurs oreilles des pieces de métal ; les hommes se font peindre les jambes depuis la cheville du pié jusqu’au genou, avec des fleurs inéffaçables à la maniere des bras peints des Siamois : c’est-là la marque distinctive de leur religion & de leur courage ; c’est à-peu-près celle que quelques fermiers d’Angleterre mettent à leurs moutons qu’ils font parquer dans des communes. (D. J.)
LAOCOON le, (Sculpt. antiq.) c’est un des plus beaux morceaux de sculpture grecque que nous possédions ; il est de la main de Polydore, d’Athenodore & d’Agesandre, trois excellens maîtres de Rhodes, qui le taillerent de concert d’un seul bloc de marbre.
Cet ouvrage célebre fut trouvé à Rome dans les ruines du palais de Titus, au commencement du xvj. siecle, sous le pontificat de Jules II. & passa depuis dans le palais Farnese. De tous ceux qui l’ont pu voir, il n’est personne qui doute de l’art supérieur des anciens à donner une ame vraiment noble, & prêter la parole au marbre & au bronze.
Laocoon, dont tout le monde sait l’histoire, est ici représenté avec ses deux fils, dans le tems que les deux affreux serpens, sortis de l’île de Ténédos, l’embrassent, se replient au-tour de son corps, le rongent & l’infectent de leur venin : lisez ce qu’en dit Virgile.
Serpens amplexus uterque
Implicat & miseros morsu depascitur artus ;
Corripiunt, spirisque ligant ingentibus, & jam
Bis medium amplexit, bis collo squamea circùm
Terga dati, superant capite, & cervicibus altis.
Mais que l’expression des figures du Laocoon de la Grece est supérieure au tableau du poëte de Rome ! vous n’en douterez point après avoir vû le jugement brillant qu’en porte un moderne, connoisseur en ces matieres. Je vais le laisser parler lui-même.
Une noble simplicité, nous dit-il, est sur-tout le caractere distinctif des chefs-d’œuvre des Grecs : ainsi que le fond de la mer reste toûjours en repos, quelqu’agitée que soit la surface, de même l’expression que les Grecs ont mise dans leurs figures fait voir dans toutes les passions une ame grande & tranquille : cette grandeur, cette tranquilité regnent au milieu des tourmens les plus affreux.
Le Laocoon en offre un bel exemple : lorsque la douleur se laisse appercevoir dans tous les muscles & dans tous les nerfs de son corps, au point qu’un spectateur attentif ne peut presque pas s’empêcher de la sentir ; en ne considérant même que la contraction douloureuse du bas-ventre, cette grande douleur ne se montre avec furie ni dans le visage ni dans l’attitude. Laocoon, prêtre d’Apollon & de Neptune, ne jette point de cris effroyables, comme nous l’a représenté Virgile : l’ouverture de sa bouche ne l’indique pas, & son caractere aussi ferme qu’héroïque ne souffre point de l’imaginer ; il pousse plûtôt des soupirs profonds, auxquels le comble du mal ne sem-