Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Grece : « Pendant que nous sommes à cheval, & que les lances ne nous peuvent manquer, éprouvons-nous encore quelque tems, étant comme il m’est avis, le plaisir de la course à lance, trop plus beau que le combat à l’épée ». C’est pour cette raison que la lance affranchissoit l’épée, & que l’épée n’affranchissoit pas la lance. On ne parloit dans les récits de joûtes que de lances à outrance, lances à fer émoulu, lances courtoises, lances mousses, lances frettées & mornées ; ces dernieres étoient des lances non pointues, qui avoient une frette, morne ou anneau au bout.

De cette passion qui regnoit alors, de montrer à la lance sa force & son adresse, vinrent ces expressions si fréquentes dans les livres de chevalerie, faire un coup de lance, rompre des lances, briser la lance, baisser la lance. Cette derniere expression signifioit, céder la victoire, & nous le disons encore en ce sens au figuré.

Cependant tous les combats d’exercices & d’amusemens à la lance, cesserent dans ce royaume par l’accident d’un éclat de lance qu’Henri II. reçut dans l’œil le 29 Juin 1559, en joûtant contre le comte de Montgommery. On sait que ce prince en mourut onze jours après.

Enfin l’usage de la lance qui continuoit à la guerre, perdit toute sa gloire à la journée de Pont-Charra, où Amédée, duc de Savoie, fut défait par Lesdiguieres l’an 1591. Voyez-en les raisons dans Mezeray, tome III. p. 900. Et si vous voulez connoître les avantages & les défauts de cette ancienne arme de cavalerie, George Basta, Walhausen, & surtout Montecuculli, vous en instruiront. (D. J.)

Lance, (Iconolog.) les anciens Sabins représentoient leur dieu Quirinus sous la forme d’une lance, parce que la lance étoit chez eux le symbole de la guerre. Les Romains emprunterent de cette nation la même coutume, avant qu’ils eussent trouvé l’art de donner des figures humaines à leurs statues. Il y avoit d’autres peuples, selon Justin, qui, par des raisons semblables, rendoient leur culte à une lance, & c’est de-là, dit-il, que vient l’usage de donner des lances aux statues des dieux. (D. J.)

Lance d’Eau, (Hydr.) voyez Jet-d’Eau.

Lance ou Pique, (Chirurgie) instrument de Chirurgie, pour ouvrir la tête du fœtus mort & arrêté au passage. M. Mauriceau en est l’inventeur. Il est fait comme le couteau à crochet, dont nous avons parlé en son lieu, excepté que son manche n’a point de bec. Son extrémité est un fer de pique, fait en cœur, long d’un pouce & demi, fort aigu, pointu & tranchant sur les côtés. On introduit cette lance dans le vagin, à la faveur de la main gauche, & l’on perce la tête de l’enfant entre les pariétaux, s’il est possible, pour donner entrée à un autre instrument, appellé tire-tête. Voyez la fig. 2. Pl. XX. (Y)

Lance a feu, (Artificier.) Les lances à feu sont de gros & longs tuyaux ou canons de bois, emmanchés par le bout avec de bons bâtons bien retenus, pour soutenir la force du feu, & percés en divers endroits pour contenir les fusées ou les pétards qu’on y applique.

On s’en sert dans les feux de joie où l’on veut représenter des combats nocturnes, tant pour jetter des fusées, que pour faire une scopeterie, c’est-à-dire un bruit en l’air par plusieurs coups tirés ensemble.

Il se fait avec une feuille de grand papier à dessiner, du plus fort ; on la roule par sa largeur sur une baguette, qui est de la grosseur d’une baguette de mousquet & d’un pié & demi de long. Ce papier étant roulé, on le colle tout du long pour l’arrêter ; ensuite on fait entrer dans un des bouts de ce cartouche, environ avant d’un pouce, un mor-

ceau de bois que l’on appelle le manche, ou le pié de la lance, & qui est de son calibre, après l’avoir trempé

dans la colle, afin qu’il puisse bien tenir ; l’autre bout de ce manche est plat, & percé de deux trous pour l’attacher avec des clous sur ce que l’on veut.

La composition doit être de quatre onces de salpêtre bien rafiné & mis en poudre, de deux onces de poudre & de poussier passé dans un tamis de soie bien fin, une once de soufre en fleur ; on mélange le tout ensemble, & on le passe dans un tamis de crin un peu gros après l’avoir bien remué.

On met cette composition dans une sebille de bois ; on la prend ensuite avec une carte à jouer, que l’on coupe en houlette, & l’on s’en sert pour charger la lance. A mesure que l’on charge avec cette houlette, on frappe cette charge, en y faisant entrer la baguette qui a servi à rouler le cartouche, & avec une petite palette de bois ; & lorsqu’on est au quart de la hauteur de la lance, on met de la poudre la valeur de l’amorce d’un pistolet, qu’on serre doucement avec la baguette sans frapper, & l’on continue ainsi jusqu’à quatre fois, jusqu’à ce que la lance soit pleine jusqu’au haut ; après quoi l’on prend un peu de poudre écrasée qu’on trempe dans l’eau pour lui servir d’amorce, & on la colle ensuite avec un peu de papier. Voyez nos Pl. d’Artifice.

Lance, (Stuccateur.) lance ou spatule dont se servent les sculpteurs en stuc. Voyez les Pl. du Stuc.

LANCER, v. act. (Gramm.) c’est jetter avec force. Ce verbe a différentes acceptions. Voyez les articles suivans.

Lancer une manœuvre, (Marine.) c’est amarer une manœuvre, en la tournant autour d’un bois mis exprès pour cet usage.

Lancer, (Marine.) navire qui lance bas bord ou stribord ; cela se dit d’un vaisseau qui, au lieu d’aller droit à sa route, se jette d’un côté ou d’autre, soit que le timonnier gouverne mal, soit par quelqu’autre raison.

Lancer un vaisseau à l’eau, (Marine.) Le terrein sur lequel on construit le vaisseau, & qu’on appelle le chantier, est incliné & va en pente jusqu’à l’eau : cette inclinaison est ordinairement de six lignes sur chaque pié de longueur. On prolonge ce chantier jusques dans l’eau, en y ajoutant d’autres poutres & d’autres tins, qui forment un plan toujours également incliné, & on met au-dessus de forts madriers pour servir de chemin à la quille, retenue dans une espece de coulisse formée par de longues tringles paralleles. On place ensuite de chaque côté jusqu’à l’eau, des poutres qu’on nomme coites, & qui étant éloignées les unes des autres à-peu-près à la distance de la demi-largeur du vaisseau, répondent vers l’extrémité du plat de la maîtresse varangue. Comme elles ne peuvent être assez hautes pour parvenir jusqu’à la carene du vaisseau, quoiqu’elles soient fort avancées dessous, on attache deux autres pieces de bois appellées colombiers, qui s’appuient sur les coites, & qui peuvent glisser dessus. Ces poutres sont frottées avec du sindoux ou avec du suif ; on frotte de même la quille. On attache ensuite le vaisseau par l’avant, par les côtés & par-derriere à un des gonds du gouvernail. Des hommes tiennent les cordes des côtés & de l’avant, & la corde de derriere, qu’on appelle corde de retenue, est liée à un gros pieu qui est en terre.

Les choses ainsi disposées, on ôte, à coups de massue, les anciens coins, & on en substitue sur le champ de nouveaux, pour soutenir la quille dans le tems qu’elle coulera ; enfin on coupe les acores & les étances de devant & des côtés & la corde de retenue, & dans l’instant le vaisseau part. Il faut alors jetter de l’eau sur l’endroit où il glisse, crainte