Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LAMANEUR, s. m. (Marine.) pilote lamaneur, Locman. Ce sont des pilotes pratiques des ports & des entrées des rivieres, qui y font leur résidence, & que l’on prend pour l’entrée & la sortie de ces endroits, lorsqu’on ne les connoit pas bien, ou qu’il y a des dangers ou des bancs qu’il faut éviter. L’ordonnance de la marine de 1681, liv. IV. tit. III. traite des pilotes lamaneurs, de leurs fonctions, de l’examen qu’ils doivent subir avant d’être reçus, de leurs salaires, de leurs privileges, & des peines auxquelles ils sont condamnés, si par ignorance ou par méchanceté ils avoient causé la perte d’un bâtiment, qu’ils seroient chargés de conduire. Voici comme l’ordonnance s’explique à ce sujet, art. xviij. « Les lamaneurs qui par ignorance auront fait échouer un bâtiment, seront condamnés au fouet, & privés pour jamais du pilotage ; & à l’égard de celui qui aura malicieusement jetté un navire sur un banc ou rocher, ou à la côte, il sera puni du dernier supplice, & son corps attaché à un mât planté près le lieu du naufrage ».

LAMANTIN, manati, s. m. (Hist. nat.) animal amphibie, qui a été mis au nombre des poissons par plusieurs naturalistes, & qui a été regardé comme un quadrupede par ceux qui l’ont mieux observé. Cet animal a beaucoup de rapport à la vache marine, & au phoca ou veau de mer ; il paroît qu’il doit passer comme eux pour quadrupede. Le lamantin a depuis dix jusqu’à quinze piés de longueur, & même davantage, & six ou sept piés de largeur ; il pese depuis soixante-dix jusqu’à cent ou deux cent livres ; on prétend même qu’il s’en trouve du poids de neuf cent livres. La tête est oblongue, ronde, elle a quelque ressemblance avec celle d’un bœuf, mais le muffle est moins gros, & le menton est plus épais ; les yeux sont petits ; il n’y a que de petits trous à l’endroit des oreilles ; les levres sont grandes ; il sort de la bouche deux dents longues d’un ampan, & grosses comme le pouce ; le col est très-gros & fort-court ; cet animal a deux bras courts, terminés par une sorte de nageoire composée comme une main de cinq doigts qui tiennent les uns aux autres par une forte membrane, & qui ont des ongles courts : c’est à cause de ces sortes de mains que les Espagnols ont appellé cet animal manates on manati ; il n’y a aucune apparence de piés à la partie postérieure du corps qui est terminée par une large queue. Les lamantins femelles ont sur la poitrine deux mammelles arrondies ; celles d’un individu long de quatorze piés neuf pouces, avoient sept pouces de diametre, & quatre pouces d’élévation ; le mammelon étoit long de deux ou trois pouces d’élévation, & avoit un pouce de diametre. Les parties de la génération ressemblent à celles des autres quadrupedes, & même à celles de l’homme & de la femme. La peau du lamantin est épaisse, dure, presqu’impénétrable, & revêtue de poils rares, gros, & de couleur cendrée ou mêlée de gris & de brun.

Cet animal broute l’herbe commune & l’algue de mer sur les bords de l’eau sans en sortir ; on prétend qu’il ne peut pas marcher, & qu’étant engagé dans quelque anse, d’où il ne puisse pas sortir avec le reflu, il demeure sur le sable, sans pouvoir s’aider de ses bras ; d’autres assurent qu’il marche, ou au moins qu’il se traîne sur la terre ; il jette des larmes ; il se plaint lorsqu’on le tire de l’eau ; il a un cri, il soupire ; c’est à cause de cette sorte de lamentation qu’il a été appellé lamantin ; ce gémissement est bien différent du chant : cependant on croit que cet animal a donné lieu à la fable des sirennes : lorsqu’il porte ses petits entre ses bras, & qu’on le voit hors de l’eau avec ses mamelles & sa tête, on pourroit peut-être y appercevoir quelques rapports avec la figure chimérique des sirennes. Le lamantin aime

l’eau fraîche ; aussi ne s’éloigne-t-il guere des côtes ; on le trouve à l’embouchure des grandes rivieres, en divers lieux de l’Afrique, dans la mer rouge, dans l’île de Madagascar, à Manaar près de Ceylan, aux îles Moluques, Philippines, Lucayes, & Antilles, dans la riviere des Amazonnes ; au Bresil, à Surinam, au Pérou, &c. Cet animal est timide ; il s’apprivoise facilement ; ses principaux ennemi, sont le crocodile & le requin ; il porte ordinairement deux petits à-la-fois ; lorsqu’il les a mis bas, il les approche de ses mamelles avec ses bras ; ils se laissent prendre avec la mere, lorsqu’elle n’a pas encore cessé de les nourrir. La chair du lamantin est très-bonne à manger, blanche & fort saine : on la compare pour le goût à celle du veau, mais elle est plus ferme ; sa graisse est une sorte de lard qui a jusqu’à quatre doigts d’épaisseur, on en fait des lardons & des bardes pour les autres viandes ; on le mange fondu sur le pain comme du beurre ; il ne se rancit pas si aisément que d’autres graisses ; on trouve dans la tête du lamantin, quatre pierres de différentes grosseurs, qui ressemblent à des os : elles sont d’usage en Medecine.

On tue le lamantin tandis qu’il paît sur le bord des rivieres ; lorsqu’il est jeune, il se prend au filet. Dans le continent de l’Amérique, lorsque les pêcheurs voient cet animal nager à fleur d’eau, ils lui jettent depuis leur barque ou leur canot, des harpons qui tiennent à une corde menue mais forte. Le lamantin étant blessé, s’enfuit : alors on lâche la corde à l’extrémité de laquelle est lié un morceau de bois ou de liege, pour l’empêcher d’être submergée entierement, & pour en faire appercevoir le bout : le poisson ayant perdu son sang & ses forces, aborde au rivage. Voyez l’Hist. nat. des animaux, par MM. Arnauld de Nobleville, & Salerne, tom. V. Voyez Quadrupede.

LAMAO, (Géog.) petite île de l’Océan oriental, à 4 lieues de la côte de la Chine ; elle est dans un endroit bien commode, entre les trois grandes villes de Canton, de Thieuchen, & de Chinchen. (D. J.)

LAMBALE, (Géog.) petite ville de France dans la haute-Bretagne, chef lieu du duché de Penthievre, au diocese de Saint Brieux, a cinq lieues de cette ville, & à quinze de Rennes. long. 15. 4. lat. 48. 28.

C’est au siege de Lambale en 1591, que fut tué le fameux Francois de la Noue, surnommé Bras-de-fer ; il eut le bras fracassé d’un coup de canon en 1570, à l’action de Fontenay ; on le lui coupa, & on lui en mit un postiche de ce métal. La Noue étoit tout ensemble le premier capitaine de son tems, le plus humain & le plus vertueux. Ayant été fait prisonnier en Flandres en 1580, après un combat desespéré, les Provinces-unies offrirent pour son échange le comte d’Egmont, le Comte de Champigni, & le Baron de Selles ; mais plus ils témoignoient par cette offre singuliere l’idée qu’ils avoient du mérite de la Noue, moins Philippe II. crut devoir acquiescer à son élargissement ; il ne l’accorda que cinq ans après, sous condition qu’il ne serviroit jamais contre lui ; que son fils Teligny, alors prisonnier du duc de Parme, resteroit en ôtage, & qu’en cas de contravention, la Noue payeroit cent mille écus d’or. Général des troupes, il n’avoit pas cent mille sols de bien. Henri IV. par un sentiment héroïque, répondit pour lui, & engagea pour cette somme les terres qu’il possédoit en Flandres. Les ducs de Lorraine & de Guise voulurent aussi par des motifs de politique, devenir cautions de ce grand homme ; il a laissé des mémoires rares & précieux. Amyraut a donné sa vie ; tous les Historiens l’ont comblé d’éloges ; mais personne n’en a parlé plus souvent, plus dignement, & avec plus d’admiration que M. de Thou. Voyez-