jeun, ou le soir en se couchant, & quant au degré de chaleur, tel qu’on vient de le traire. Pour cela, on amene l’ânesse à côté du lit, ou à la porte de la chambre du malade, où on la trait dans un vaisseau de verre à ouverture un peu étroite, plongé dans de l’eau tiede, & qu’on tient dans cette espece de bain-marie jusqu’à ce qu’on le présente au malade. On y ajoute quelquefois un morceau de sucre, mais cet assaisonnement est assez inutile, le lait d’ânesse étant naturellement très-doux.
On donne le lait d’ânesse contre toutes les maladies dans lesquelles on emploie aussi le lait de vache, &c. & que nous avons énoncées, en parlant de cette autre espece de lait. Mais on préfere le lait d’ânesse dans les cas particuliers où l’on craint les accidens propres du lait que nous avons aussi rapportés ; & principalement lorsque les sujets étant très-foibles, ces accidens deviendroient nécessairement funestes, c’est-à-dire, que le lait d’ânesse est dans la plûpart de ces maladies, & sur-tout dans les maladies chroniques de la poitrine, un remede extrème, une derniere ressource, sacra anchora ; que par cette raison, on voit très-rarement réussir, du moins guérir. Mais quand il est employé de bonne heure, ou contre ces maladies lorsqu’elles sont encore à un degré curable, il fait assez communément des merveilles. Il est admirable, par exemple, dans les toux séches vraiment pectorales, dans les menaces de jaunisse, ou les jaunisses commençantes, dans presque toutes les affections des voies urinaires, dans les sensibilités d’entrailles, les dispositions aux ophtalmies appellées bilieuses ou séches, les fleurs blanches.
On prend le lait d’ânesse principalement au printems & en automne. On a coutume, & on fait bien, de mettre en pâture l’ânesse qui fournit le lait, ou de la nourrir, autant qu’il est possible, de fourrage vert, sur-tout d’herbe presque mûre de froment ou d’orge ; on lui donne aussi du grain, sur-tout de l’orge. On doit encore la bien étriller plusieurs fois par jour, lui fournir de la bonne litiere, &c.
3°. Du lait de femme, ou des usages medicinaux du lait de femme. Le lait de femme peut être considéré medicinalement sous deux aspects ; ou comme fournissant la nourriture ordinaire, propre, naturelle des enfans ; ou comme un aliment médicamenteux ordonné aux adultes dans certains cas. Nous ne le considérerons ici que sous le dernier aspect. Quant au premier, voyez Enfant & Nourrice.
Le lait de femme, considéré comme remede, a été célébré, dès l’enfance de l’art, comme le premier de tous les laits, principalement dans les marasmes, in tabidis, celui qui étoit le plus salutaire, le plus approprié à la nature de l’homme. Les livres, les théories, tirent un merveilleux parti de cette considération. Quoique les raisonnemens ne se soient pas dissimulés cette observation défavorable, savoir que ce lait provenant d’un animal carnivore, est plus sujet à rancir que celui des animaux qui se nourrissent uniquement de végétaux. Mais la pratique, l’expérience, le mettent au dernier rang au contraire ; ne fût-ce que parce qu’il est le moins usité, & que le plus grand nombre de Medecins ne l’ont point essayé. D’ailleurs le raisonnement a dit encore que pour l’appliquer convenablement & avec espoir de succès, il falloit ne le donner qu’à des sujets qui approchassent beaucoup de la nature des enfans, & qui vecussent comme les enfans, non seulement quant à l’exercice, aux mouvemens du corps, mais encore quant aux passions, aux affections de l’ame. Or il est très-rare de rencontrer ces conditions chez des adultes.
Quant à la circonstance de faire teter le malade, & de lui faire ainsi avaler un lait animé d’un prétendu esprit vivifiant, que Galien lui-même a célébré ; outre que le malade pourroit aussi-bien teter
une vache ou une ânesse qu’une femme ; d’ailleurs l’esprit du lait, & sa dissipation par la moindre communication avec l’air, ne sont certainement pas des choses démontrées. Au reste, c’est cependant là un remede & une maniere de l’administrer qu’il paroît fort utile de tenter.
Nous ne pensons certainement pas aussi avantageusement de la méthode de faire coucher de jeunes hommes absolument exténués, réduits au dernier degré d’étisie, tabe consumptis, avec des jeunes nourrices, jolies, fraiches, proprettes, afin que le pauvre moribond puisse teter à son aise, tant que la nourrice y peut fournir. Forestius étale envain l’observation fameuse d’un jeune homme arraché des bras de la mort par ce singulier remede ; & plus vainement encore, à mon avis, un très-célebre auteur moderne prétend-il qu’une émanation très-subtile qui s’échappe du corps jeune & vigoureux de la nourrice, venant à s’insinuer dans le corps très-foible du malade (subtilissima exhalentia è valido juvenili corpore insinuata debilissimis, &c.) doit le ranimer très-efficacement. L’exemple de David, dont on réchauffoit la vieillesse par ce moyen, que cet écrivain allegue, ne conclut rien en faveur de son opinion : car, 1°. il n’est pas rapporté que cette pratique ait été suivie de quelque succès. 2°. Quand bien même ce seroit là une bonne recette contre les glaces de l’extrème vieillesse, il paroît que la maniere d’opérer de ce secours seroit fort mal estimée par l’insinuation des tenuissima exhalantia è validè juvenili corpore, in effœtum senile, &c. Il nous paroît donc évident sur tout ceci, d’abord que les tenuissima exhalantia, c’est-à-dire la transpiration, ne fait absolument rien ici. En second lieu, que si des jeunes gens réduits au dernier degré de marasme, pouvoient en être retirés en couchant habituellement avec des jeunes & belles nourrices, cette révolution salutaire seroit vraissemblablement dûe (si l’usage du lait de femme ne l’opéroit pas toute entiere) à l’appétit vénérien constamment excité, & jamais éteint par la jouissance, qui agiroit comme un puissant cordial, ou comme un irritant extérieur, les vésicatoires ou la flagellation. Enfin, que quand même la religion permettroit d’avoir recours à un pareil moyen, ce seroit toujours une ressource très-équivoque, parce que l’espece de fièvre ; d’ardeur, de convulsion continuelle dans laquelle je suppose mon malade, état dont il est en effet très-susceptible, & même éminemment susceptible, selon une observation très-connue ; que cet état, dis-je, paroît plus capable de hâter la mort que de la prévenir, encore qu’on fût sûr que le malade ne consommeroit point l’acte vénérien, à plus forte raison s’il le consommoit ; car il est très connu que cette erreur de régime est mortelle aux étiques, & que plusieurs sont morts dans l’acte même.
Du petit-lait. Nous avons déja donné une idée de la nature du petit-lait au commencement de cet article. Nous avons observé aussi que le petit-lait étoit différent, selon qu’on le séparoit par l’altération spontanée du lait, ou bien par la coagulation. Celui qui est séparé par le premier moyen est connu dans les campagnes, comme nous l’avons déja rapporté aussi sous le nom de lait de beurre. Il est aigrelet ; car c’est dans son sein que réside l’unique substance qui s’est aigrie pendant la décomposition spontanée du lait : il est fort peu usité en Medecine ; on pourroit cependant l’employer avec succès, comme on l’employe en effet dans les pays où les laitages sont très-abondans, dans les cas où une boisson aqueuse & légerement acide est indiquée. Le nom de petit-lait acidule lui convient beaucoup mieux qu’à celui que M. Cartheuser a désigné par ce nom dans sa Pharmacologie, & qui n’est autre chose que