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point. Une diete lactée purement suffisante pour vivre, peut ne consister qu’en trois petites tasses à caffé de lait par jour.

On interdit à ceux qui usent en même tems du lait, & les alimens communs, tout ce qui peut cailler le lait, & principalement les acides. En général cette pratique est bonne, mais non pas autant qu’on le croit, ni par la raison qui le fait croire ; car il est de fait que le lait est caillé, même dans l’estomac le plus sain avant d’être digéré ; qu’il subit dans l’état sain une vraie digestion, à la maniere des alimens solides ; par conséquent les acides ne nuisent pas en le coagulant. D’ailleurs ils ne nuisent pas aussi généralement qu’on le croit ; & peut-être sont-ils utiles au contraire dans certains cas ; dans celui du défaut de la présure naturelle, à laquelle ils peuvent suppléer utilement. On a vu plusieurs personnes ne digérer jamais mieux le lait, que lorsqu’elles prenoient ensuite des acides. Une femme m’a assuré qu’elle ne pouvoit souffrir le lait que coupé avec la limonade ; j’ai entendu dire que ce mélange étoit communément usité en Italie. Quoi qu’il en soit, il est clair que la sobriété est plus nécessaire à ceux qui prennent le lait, que la privation de tel ou tel aliment. Cependant si ce doit être là la premiere loi diététique, la seconde chez les gens vraiment malades, doit être d’éviter autant qu’il est possible les crudités, sur-tout les fruits verds, les alimens éminemment indigestes.

Une regle commune à la diete lactée, & à l’usage non-exclusif du lait, c’est que ceux qui en usent, soient très circonspects, très-sobres sur l’usage de la veille, des exercices, de l’acte vénérien, des passions & qu’ils évitent l’air humide & froid, & le chaud excessif.

6°. Quels sont les effets du lait évidemment mauvais, & qui doivent engager à en suspendre, & même à en abandonner absolument l’usage. Nous avons déja répondu en partie à cette question, lorsque nous avons rapporté les accidens divers qui suivent assez souvent l’usage du lait. Car, quoique nous ayons observé qu’il arrivoit quelquefois qu’en bravant ces accidens, & s’obstinant dans l’emploi du lait, on réussissoit à le faire passer : quoique nous ayons remarqué aussi que les malade ne se trouvoient pas mieux, quoiqu’on eût éloigné par la suppression lu lait les accidens qui étoient évidemment dûs à l’usage de ce remede : cependant ce n’est pas là la loi commune ; & en général lorsque le lait donne des nausées, des gonflemens, des vents, des pertes d’appétit, des diarrhées, des sueurs, des maux de tête, la fievre, ou seulement une partie de ces accidens, il faut en suspendre, ou en supprimer absolument l’usage.

Nous avons déja observé que la coagulation du lait dans l’estomac, n’étoit point un mal : par conséquent ce n’est pas une raison pour quitter le lait, que d’en vomir une partie sous la forme d’un caillé blanc & peu dense.

Mais lorsque pendant l’usage du lait, les gros excrémens sont mêlés d’une matiere coagulée dense, de la nature du fromage, blanchâtre, verte ou jaune, & qu’en même tems les hypocondres sont gonflés, & que le malade se sent lourd, bouffi, foible, & qu’il n’a point d’appétit, &c. alors, dis-je, il faut quitter le lait. Ce genre d’altération ne se corrige ni par les remedes, ni par le tems ; l’espece d’engorgement sans irritation, iners, qu’il cause dans l’estomac & dans les intestins, augmente chaque jour, & élude si bien la force expultrice de ces organes, qu’on a vu des malades rendre abondamment de ces concrétions fromageuses six mois près avoir quitté le lait ; or ces embourbemens sont toujours funestes.

La constipation opiniâtre, c’est-à-dire qui ne ce-

de point aux remedes ordinaires que nous allons

indiquer dans un instant, est aussi une raison pour quitter le lait, sur-tout chez les vaporeux des deux sexes ; ou si elles donnent des vapeurs a ceux même qui n’y étoient pas sujets, ce qui est une suite très-ordinaire de la constipation.

Enfin le dégoût du lait, sur-tout lorsqu’il est considérable, est une indication certaine & évidente d’en interdire, ou au moins d’en suspendre l’usage.

7°. Quels sont les remedes de ces divers accidens causés par le lait, soit qu’ils exigent qu’on en suspende l’usage, soit qu’on se propose d’y remédier, afin de continuer le lait avec moins d’inconvénient.

Lorsqu’on se détermine à renoncer au lait, il est presque toujours utile de purger le malade ; & c’est même l’unique remede direct à employer dans ce cas. Les autres remedes destinés à réparer le mal causé dans les premieres voies, doivent être réglés non-seulement sur cette vûe, mais même sur la considération de l’état général du malade.

La constipation causée par le lait n’est pas vaincue communément par les lavemens ; ils ne font que faire rendre quelques crotins blancs ; & il arrive souvent même que la constipation augmente. La magnésie blanche, & la casse cuite qui sont fort usitées dans ce cas ne réussissent pas toujours ; le suc d’herbe de violette, de mauve & de cerfeuil, mêlés en parties égales, ajoutés à pareille quantité d’eau de veau ou de poulet, & pris à la dose de quelques cuillerées seulement dans la matinée, font à merveille dans ces sujets délicats, dont nous avons parlé déja : or c’est à ceux-là principalement, comme nous l’avons observé encore, que convient la diete lactée ; & c’est eux aussi que tourmentent particulierement les constipations & les bouffées portant à la tête & à la poitrine, qui sont les suites les plus fâcheuses de la constipation.

On remédie communément d’avance autant qu’il est possible, aux autres mauvais effets du lait, par les diverses circonstances de sa préparation, que nous allons exposer sur le champ.

On donne le lait pur & chaud sortant du pis, ou bouilli ou froid ; on le mêle ou on le coupe avec différentes liqueurs, avec de l’eau pure (ce qui fait le mêlange appellé par les Grecs ὑδρόγαλα), avec des décoctions des semences farineuses, principalement de Forge, avec les sucs, infusions ou décoctions de plusieurs plantes vulnéraires, astringentes, adoucissantes, antiscorbutiques, sudorifiques, &c. telles que le suc ou la décoction de plantain, l’infusion de millepertuis, de violette, de bouillon-blanc, le suc de cresson, la décoction d’esquine, &c. avec des bouillons & des brouets ; tels que le bouillon commun de bœuf ou de mouton, l’eau de veau, l’eau de poulet, &c. avec les liqueurs fermentées même, comme le vin & la bierre, avec les eaux minérales, &c. On l’assaisonne avec le sucre, le sel, le miel, divers syrops, les absorbans, le fer rouillé & rougi au feu, & éteint dedans, &c. On l’emploie comme assaisonnement lui-même dans les crêmes de riz, de gruau, d’orge mondé, avec les pâtes d’Italie, le sagou, &c. On le donne entier, ou privé de l’un de ses principes, d’une partie du beurre, par exemple, ce qui fait le lait écremé, ou de plusieurs de ses principes, du beurre & du fromage, par exemple ; ce qui fait le petit lait, dont nous ferons un petit article à part, à la suite de celui-ci. Le beurre & le fromage, soit confondus ensemble, soit séparés, ne sont pas mis communément au rang des laitages considérés médicinalement : nous en avons fait des articles particuliers. Voyez ces articles.

Le lait pur demande la trop grande habitude pour bien passer. La circonstance d’être pris chaud, froid,