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chet fixe ou dormant. C, le moulinet. D, crochet mobile. E, fig. 44, roue de retenue. f, même fig. le chien. G, fig. 43, la cuvette.

Toute la pesée de laine est conservée en tas dans une corbeille pour être peignée plus aisément à l’aide de cette humidité.

Si elle doit être tissée en blanc, elle passe de-là au soufroir, qui est une étuve où on la tient sans air, & exposée sur des perches à la vapeur du soufre qui brûle. Le soufre qui macule sans ressource la plûpart des couleurs, dégage efficacement la laine qui n’est pas teinte de toutes ses impuretés, & lui donne la blancheur la plus éclatante. C’est l’effet de l’acide sulfureux volatil qui attaque les choses grasses & onctueuses.

Les laines de Hollande, de Nort-Hollande, d’Est-Frise, du Texel, sont les plus propres à être peignées. On peut y ajouter celles d’Angleterre ; mais il y a des lois séveres qui en défendent l’exportation, & qui nous empêchent de prononcer sur sa qualité. Les laines du Nord, de la France, vont aussi fort bien au peigne ; mais elles n’ont pas la finesse de celles de Hollande & d’Angleterre. Les laines d’Espagne, de Berry, de Languedoc, se peigneroient aussi ; mais elles sont très basses ; elles feutrent facilement à la teinture chaude, & elles souffrent un déchet au-moins de cinquante par cent ; ce qui ne permet guere de les employer de cette maniere.

La longue laine qui a passé par les peignes, est celle qu’on destine à faire le fil d’étain qui est le premier fonds de la plûpart des petites étoffes de laine, tant fines que communes ; on en fait aussi des bas d’estame, des ouvrages de Bonneterie à mailles fortes, & qu’on ne veut pas draper. Nous en avons dit la raison en parlant des laines qui se rompent sous la carde.

Pour disposer la laine peignée & conservée dans une juste longueur à prendre un lustre qui imite celui de la soie, il faut que cette laine soit filée au petit rouet ou au fuseau, & le plus tors qu’il est possible. Si ce fil est serré, il ne laisse échapper que très-peu de poils en-dehors ; d’où il arrive que la réflexion de la lumiere se fait plus également & en plus grande masse, que si elle tomboit sur des poils hérissés en tout sens, qui la briseroient & l’éparpilleroient.

Voyez fig. 45, le petit rouer pour la laine peignée. a, a, a, a, les piliers du banc du rouet. b, les montans. c, la roue. d, sa circonférence large e, la manivelle. f, la pédale ou marche pour faire tourner la roue. g, la corde qui répond de l’extrémité de la marche à la manivelle. h, la corde du rouet. i, les marionettes soutenant les fraseaux. l, les fraseaux ou morceaux de feutre ou de natte percée, pour recevoir ou laisser jouer la broche. m, la broche. n, la bobine. o, le banc soutenu par les piliers a. Le fil d’étain se dévide de dessus les fuseaux ou de dessus les canelles du petit rouet sur des bobines, ou sur des pelotes, au nombre nécessaire pour l’ourdissage.

Toutes les particules de ce fil ont une roideur ou un ressort qui les dispose à une rétraction perpétuelle ; ce qui à la premiere liberté qu’on lui donneroit, cordeleroit un fil avec l’autre. On amortit ce ressort en pénétrant les pelotes ou bobines de la vapeur d’une eau bouillante.

Cela fait, on distribue les pelotes dans autant de cassetins ou de petites loges, comme on le pratique au fil de la toile. On les tire de-là en les menant par un pareil nombre d’anneaux qu’il y a de pelotes, ou sans anneaux sur un ourdissoir ; cet ourdissoir où se prépare la chaîne est le même qu’aux draps ; & l’ourdissage n’est pas différent.

Dans les lieux où se fabriquent les petites étoffes, comme à Aumale pour les serges ; il est d’usage de

mener vingt fils sur les chevilles de l’ourdissoir. L’allée sur toutes les chevilles & le repli au retour sur ces chevilles ou sur l’ourdissoir tournant, produiront un premier assemblage de quarante fils ; c’est ce qu’on nomme une portée. Il faut trente-huit de ces portées, en conformité des reglemens, pour former la totalité de la poignée qu’on appelle chaîne. Il y a donc à la chaîne 1520 fils, qui multipliés par la longueur que les reglemens ont enjointe, donnent 97280 aulnes de fils, à soixante-quatre aulnes d’attache ou d’ourdissage.

Les apprêts de la laine peignée, filée & ourdie, sont pour une infinité de villages dispersés autour des grandes manufactures un fonds aussi fécond presque que la propriété des terres. Cependant le laboureur n’y devroit être employé que quand il n’y a point de friche, & que la culture a toute la valeur qu’on en peut attendre. Ces travaux toutefois font revenir sur les lieux une sorte d’équivalent qui remplit ce que les propriétaires en emportent sans retour.

On donne à toutes les étoffes dont la chaîne est d’étaim, des lisieres semblables à celles du drap ; mais elles ne sont pas si larges ni si épaisses : la lisiere est ordonnée dans quelques-unes pour les distinguer.

De l’étoffe de deux étaims ou de l’étamine. Il y a des étoffes dont la trame n’est point velue, mais faite de fil d’étaim ou de laine peignée, ainsi que la chaîne ; ce qui fabrique une étoffe lisse, qui eu égard à l’égalité ou presque égalité de ses deux fils, se nommera étamine, ou étoffe à deux étaims. Au contraire, on appellera étoffe sur étaim, celle dont la chaîne est de laine peignée, & la trame ou fourniture, ou enflure de fil lâche, ou de laine cardée.

De la distinction des étoffes. C’est de ces premiers préparatifs du fil provenu de matieres qui ont passé ou par les peignes, ou par les cardes, que naît la différence d’une simple toile, dont la chaîne & la trame sont d’un chaînon également tors, à une futaine qui est toute de coton, mais à chaîne lisse & à trame velue ; du drap, à une étamine rase. Le drap est fabriqué d’une chaîne & d’une trame qui ont été également cardées, quoique de la plus longue & de la plus haute laine ; au lieu que la belle étamine est faite d’étaim sur étaim, c’est-à-dire d’une chaîne & d’une trame également lisses, l’une & l’autre également serrées, & d’une fine & longue laine qui a passé par le peigne pour être mieux torse & rendue plus luisante. De la serge ou de l’étoffe drapée dont la trame est lâche & velue, aux burats, aux voiles, & aux autres étoffes fines dont le fil de longueur & celui de traverse, sont d’une laine très-fine, l’une & l’autre peignée, & l’une & l’autre presque également serrées au petit rouet. C’est cette égalité ou presque égalité des deux fils & la suppression de tout poil élancé au-dehors, qui, avec la finesse de la laine, donne aux petites étoffes de Reims, du Mans, & de Châlons sur-Marne, le brillant de la soie.

L’étamine change & prend un nouveau nom avec une forme nouvelle, si seulement on a filé fort doux la laine destinée à la trame, quoiqu’elle ait été peignée comme celle de la chaîne.

Ce ne sera plus une étamine, mais une serge façon d’Aumale, si la trame est de laine peignée & filée lâche au petit rouet, & que la chaîne soit haussée & abaissée par quatre marches au lieu de deux, & que l’entrelas des fils soit doublement croisé.

Si au contraire la trame est grosse & filée au grand rouet, ce sera une serge façon de tricot.

Si la trame est fine, ce sera une serge façon de Saint-Lo, ou Londres ou façon de Londres.

Si la chaîne est filée au grand rouet & la trame