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sur un espace assez large ; opération qui est facilitée par le moyen des cordes que l’ourdisseur a eu l’attention de passer dans les croisieres avant que de lever les chaines de dessus l’ourdissoir. Voy. fig. 13, l’étendoir ; A, ses piliers ; B, ses traverses ; C, une chaîne.

Du montage du métier. Lorsque la chaîne est seche, l’ouvrier la ramasse en chaînon, de la même maniere qu’elle a été levée de dessus l’ourdissoir, pour la disposer à être montée sur le métier.

Il faut pour cela se servir d’un rateau, dont les dents sont placées à distance les unes des autres d’un demi-pouce plus ou moins, suivant la largeur que doit avoir la chaîne. Nous renverrons pour cette opération & pour la figure de l’instrument, aux Planches du Gazier, à celles du Passementier, & à l’article Soierie.

On place une portée dans chaque dent du rateau. L’ouverture du rateau étant couverte, les portées arrêtent avec une longue baguette qui les traverse & les enfile, cette premiere brasse de longs fils étendus, & passant sur une traverse du métier qu’on arrondit pour cet effet, on fait entrer la baguette & les portées dans une cannelure pratiquée à un grand rouleau, ou à une ensuple sur laquelle les fils sont reçus & enveloppés à l’aide de deux hommes, dont l’un tourne l’ensuple, tandis que l’autre tire la chaîne, la tend, & la conduit de maniere qu’elle s’enroule juste & ferme.

Dans cette opération, toute la chaîne se trouve chargée sur le rouleau jusqu’à la premiere croisiere des fils simples.

Lorsque l’ouvrier est arrivé à cette croisade ou croisiere, qui est fixée par les cordes que l’ourdisseur a eu soin d’y laisser, il y passe deux baguettes polie, & minces, d’une longueur convenable, pour avoir la facilité de choisir les fils qui, en conséquence de la croisiere, se trouvent rangés sur les baguettes, alternativement un dessus, l’autre dessous, & dans l’ordre même qu’on a observé en ourdissant, de maniere qu’un fil premier ne peut passer devant un fil second, ni celui-ci devant le troisieme, qu’on ne sauroit les brouiller, qu’ils se succedent exactement, & qu’ils sont pris de suite pour être passés & mis dans les lames ou lisses.

De la rentrure des fils dans les lames & le rot. Les lames ou lisses sont un composé de ficelles, lesquelles passées sur deux fortes baguettes appellées liets ou lisserons forment une petite boucle dans le milieu de leur longueur où chaque fil de la chaîne est passé. Chaque boucle est appellée maille, & a un pouce environ d’ouverture. La longueur de la ficelle est de quinze ou seize ; c’est la distance d’un lisseron à l’autre. Nous expliquerons ailleurs la maniere de faire les lisses. Voyez les Planches de Passementier, leur explication, & l’article Soierie.

Tous les draps en général ne portent que deux lisses, dont l’une en baissant au moyen d’une pédale, appellée par les artistes manche, fait lever celle qui lui est opposée, les deux lames étant attachées à une seule corde dont une des extrémités répond à l’une des lames, & l’autre extrémité, après avoir passé sur une poulie, va se rendre à l’autre.

Du peigne ou rot. Les fils étant passés dans les mailles ou boucles des lisses, il faut les passer dans le rot ou peigne.

Le rot est un composé de petits morceaux minces de roseaux ; ce qui l’a fait appeller rot. Il tient le nom de peigne de sa figure. Les dents en sont liées ou tenues verticales en dessus & en dessous par deux baguettes légeres, qu’on nomme jumelles. Les jumelles sont plates ; elles ont un demi pouce de large ; un fil gaudronné ou poissé les revêtit : ce fil

laisse entre chaque dent l’intervalle qui convient pour passer les fils.

Tous les draps en général ont deux fils par chaque dent de peigne, qui doit être de la largeur des lames, qui est la même que la largeur de la chaîne roulée sur l’ensuple. Tout se correspond également, & le frottement du fil dans les lames & le rot est le moins sensible qu’il est possible, & le cassement des fils très-rare.

De l’arrêt de la chaîne, ou de son extension pour commencer le travail. Lorsque les fils sont passés dans les lames ou dans le-rot, on les noue par petites parties ; ensuite on les enfile sur une baguette, dont la longueur est égale à la longueur du drap. Au milieu des fils de chaque partie nouée, on attache la baguette en plusieurs endroits avec des cordes arrêtées à l’ensoupleau. L’ensoupleau est un cylindre de bois couché devant l’ouvrier sous le jeu de la navette. L’ouvrage s’enveloppe sur ce rouleau pendant la fabrication. On donne l’extension convenable à la chaîne, en tournant l’ensoupleau, dont une des extrémités est garnie d’une roue semblable à une roue à crochet, qui est fixée par un fer recourbé, que les ouvriers appellent chien.

La chaîne ainsi tendue, l’ensuple est sur l’ensoupleau, le drap est prêt à être fabriqué. Mais pour vous former des idées justes de la fabrication, voyez figure 14, le métier du tisseur tout monté. A, A, A, A, font les montans du métier ; b, b, les traverses ; c, c, la chasse qui sert à frapper & à serrer plus ou moins le fil de trame ; d, d, le dessus de la chasse ou longue barre que l’ouvrier empoigne des deux mains ; e, e, le dessous de la chasse, contenant le rot ou le peigne ; F, F, planche sur laquelle reposent les fils qui baissent pour donner passage à la navette angloise montée sur ce métier. Nous expliquerons en détail plus bas le méchanisme de cette navette. g, tringle de fer qui soutient l’équerre ou crosse qui chasse la navette d’un côté à l’autre ; h, l’équerre ou crosse ; i, petite piece de bois qui retient la navette entre la planche attachée au battant & la piece même ; k, la navette ; l, l, corde qui répond de chacune de ses extrémités à l’équerre que l’ouvrier tire pour faire partir la navette ; m, rot ou peigne. M, planchette de bois alignée avec le peigne ou rot ; n, n, aiguille de la chasse ; o, o, o, porte-lame ou piece à laquelle est suspendue la poulie sur laquelle roule la corde qui tient à deux lames ; p, p, la couloire ou piece de bois plate & équarrie, où l’on a pratiqué une ouverture par laquelle l’étoffe fabriquée se rend sur l’ensoupleau ; q, l’ensuple ou rouleau qui porte le fil de chaîne au derriere du métier ; r, r, liais ou longues baguettes qui soutiennent les lisses qu’on voit ; RR, les lisses ; ss, poulie sur laquelle roule la corde qui est attachée aux deux lames. t, t, t, t, la marionette, c’est la corde qui va d’une lame à l’autre, après avoir passe par-dessus la poulie s, & qui montant & descendant, fait hausser & baisser les lames ; v, v, moufle ou chappe dans laquelle la poulie tourne ; x, x, x, le banc de l’ouvrier ; y, y, les marches ; z, z, l’ensoupleau ; &, &, la roue à rochet avec son chien. Le reste de la figure s’entend de lui-même. On voit que la chasse c est suspendue à vis 1 & à écrou 2 sur les traverses b, b, & que ces traverses sont garnies de cramaillées à dents 33, qui fixent la chasse au point où l’ouvrier la veut.

Ce métier est vû de face. On auroit pû le montrer de côté ; alors on auroit apperçu la chaîne & d’autres parties ; mais les métiers d’ourdissage ont presque toutes leurs parties communes, & l’on en trouvera dans nos Planches sous toutes sortes d’aspect.

De la fabrication du drap & autres étoffes en laine.